Le montant de la taxe foncière s'envole dans la plupart des communes cette année. Mais certains maires ont décidé, à l'inverse, de la baisser. Témoignages.

Montreuil-en-Auge, dans le Calvados (Normandie) : -50% en 2023

  • Taux communal 2023 : 3,54%, contre 7,08% en 2022
  • 66 habitants
  • 59% de propriétaires de leur résidence principale (quasi exclusivement des maisons)

Source : Insee

« Je ne suis pas là pour donner la leçon aux autres maires ! »

Xavier Charles, maire de Montreuil-en-Auge : « Ça fait 3 ans qu'on divise ce taux par deux, chaque année. Ce n'est donc pas dû au contexte d'inflation. Nous avons du patrimoine communal. Nous avons aménagé ce patrimoine immobilier et désormais nous louons deux locaux, une maison et un studio. Cela a créé une nouvelle rentrée de revenus locatifs : 10 000 euros de plus... pour un budget communal avoisinant les 20 000 euros. Ces nouvelles recettes ont créé un surplus budgétaire. J'ai proposé au conseil de rendre cet argent au contribuable. »

« Les résidents se déplacent dans de plus grandes villes pour bénéficier des services de la communauté de communes »

« Nous avons effectivement, désormais, un taux communal de taxe foncière extrêmement bas [3,54%, contre 38,28% en moyenne nationale, NDLR] », poursuit Xavier Charles : « C'est plus le niveau du taux que son évolution annuelle qui importe. Après, cette baisse est valable parce que l'on est une commune d'une soixantaine d'habitants. Il faudrait beaucoup plus de deux loyers si nous étions une plus grosse commune. Côté charges, notre principale dépense est l'école : nous payons pour 5 enfants à l'intercommunalité. Nous avons une secrétaire de mairie 3h par semaine, pas d'agent technique, l'entretien sur les chemins étant réalisé par moi-même et mon premier adjoint. Nous n'avons pas d'éclairage public ou de salle des fêtes. Si un jour nous avons plus de besoins, on augmentera le taux communal. Nous sommes une petite commune rurale... les résidents se déplacent dans de plus grandes villes pour bénéficier des services de la communauté de communes, c'est la raison pour laquelle les impôts sont bas. Attention, nous ne cherchons pas à nous faire de la publicité. Je ne suis pas là pour donner la leçon aux autres maires ! »

Berlancourt, dans l'Aisne (Hauts-de-France) : -50% en 2023

  • Taux communal 2023 : 18,86%, contre 37,72% en 2022
  • 85 habitants
  • 89% de propriétaires de leur résidence principale (exclusivement des maisons)

Source : Insee, recensement 2020

« Cela se traduit par une baisse de 200 euros... jusqu'à 1 000 euros pour une personne qui a un plus important patrimoine »

Philippe Torre, maire de Berlancourt : « Oui nous avons divisé la part communal par deux. Cela se traduit par une baisse de l'ordre de 30% de l'impôt payé par les propriétaires de Berlancourt. Ou un peu moins de 30% avec la hausse des valeurs locatives [de 7,1%, au niveau national, NDLR]. Pour les habitants ayant déjà reçu leur avis, cela se traduit par une baisse de 200 euros... jusqu'à 1 000 euros pour une personne qui a un plus important patrimoine. Nous avons la chance d'avoir quelques agriculteurs, pour qui la taxe foncière représente souvent un coût très important. »

« Pourquoi cette baisse ? La réflexion n'est pas très compliquée pour un maire de commune rurale : est-ce que l'on dispose de suffisamment de trésorerie ? Oui. Est-ce que les bâtiments sont en bon état ? Oui. Est-ce que l'on a envie de construire une infrastructure coûteuse tel qu'un city stade - il y a eu des demandes - qui pourrait être subventionnée ? La réponse est non. A la place, les enfants ont eu un panier de basket et leurs parents ont eu une baisse de l'impôt, ce qui permet de payer une ou plusieurs semaines de courses. Ce qui ruine nos communes, c'est l'entretien des infrastructures. Les agriculteurs ont accepté d'entretenir les chemins communaux à leur frais. On fournit désormais les cailloux ou le goudron. C'est une forme d'impôt mais cela leur convient ainsi. Je ne dis pas que notre système est généralisable. »

Moulins-sur-Orne, dans l'Orne (Normandie) : -30% en 2023

  • Taux communal 2023 : 22,31%, contre 31,87% en 2022
  • 316 habitants
  • 93% de propriétaires de leur résidence principale (exclusivement des maisons)

« C'est un geste de la commune, vu que nos finances ne sont pas trop mauvaises »

Roger Ruppert, maire de Moulins-sur-Orne : « Le taux de la commune a baissé de 30%. Une baisse qui est, du point de vue des propriétaires assujettis à la taxe foncière, un peu atténuée par la hausse des bases [valeurs locatives cadastrales, base de calcul de la taxe foncière, NDLR]. Les taux intercommunaux n'ont pas changé. C'est un geste de la commune, vu que nos finances ne sont pas trop mauvaises. »

« Nous avons fait installer 4 éoliennes récemment, dont 3 sur des terrains communaux. C'est donc la commune qui perçoit un loyer pour ces éoliennes. Nous n'avons pas eu de recours pour ce projet mais il y a tout de même eu des détracteurs : je leur avais dit qu'il y aurait une baisse des impôts locaux. Sinon, nous n'avons pas fait de publicité particulière sur la baisse. On verra si les habitants le verront... »

Fréchendets, dans les Hautes-Pyrénées (Occitanie) : -12%

  • Taux communal 2023 : 27,23%, contre 30,96% en 2022
  • 27 habitants
  • 87% de propriétaires de leur résidence principale (quasi exclusivement en maisons)

« La fiscalité, c'est un levier d'action politique »

Christine Monlezun, mairie de Fréchendets : « Le taux communal de la taxe foncière, c'est un levier sur lequel on peut agir. Cette année, il a été décidé de le baisser pour deux raisons. La première : les bases [locatives cadastrales] ont augmenté de 7,1% [au niveau national, NDLR]. La deuxième : dans le village, les habitants ont fait l'effort de mettre leurs bases [les surfaces habitables déclarées au fisc] à jour. Tout le monde ne le sait pas forcément mais c'est une obligation légale ! Or, ces bases, c'est la base de l'équité fiscale. Tant que les bases n'étaient pas à jour, on avait dit que l'on ne baisserait pas les taux communaux. Les habitants de Fréchendets ont accepté de faire cet effort. Cette mise à jour a engendré des augmentations d'impôts locaux énormes pour certains... Pour ceux qui avaient des propriétés anciennes, pour lesquelles les déclarations n'avaient pas été mises à jour depuis très longtemps. Du point de vue de la municipalité, on perdait des recettes fiscales. Cette décision a été prise par consentement, pas par menace ou contrainte. C'est comme cela que l'on fonctionne ici : la démocratie directe. Toutes les décisions sont prises avec une assemblée, tous les mardis soirs, avec les élus et les habitants. Nous avons donc réfléchi à la fiscalité ensemble. La fiscalité, c'est un levier d'action politique. Pour la bonne ambiance entre tout le monde, c'est important : sinon, si l'on paie plein pot et que le voisin ne paie rien, cela agace... »

« J'ai demandé une simulation à la DGFiP afin de baisser le taux communal de sorte que l'impôt n'augmente pas en 2023 malgré la hausse nationale »

« Le priorité était que chacun ait une base [de surface foncière] qui corresponde à sa propriété. Ensuite, quand cela a été fait, j'ai demandé une simulation à la DGFiP afin de baisser le taux communal de sorte que l'impôt n'augmente pas en 2023 malgré la hausse nationale. Nous, la commune, nous aurons les mêmes recettes fiscales en 2023 par rapport à 2022, tout en sachant qu'elles ont augmenté en 2022 grâce à la mise à jour des bases. »

Mézy-sur-Seine, dans les Yvelines (Ile-de-France) : -11%

  • Taux communal 2023 : 23,50%, contre 26,28% en 2022
  • 2 292 habitants
  • 93% de propriétaires de leur résidence principale (87% de maisons)
  • 67% de foyers soumis à l'impôt sur le revenu (contre 45% sur l'ensemble de la France)

« Il fallait rééquilibrer »

Fabrice Zuccarelli, maire de Mézy-sur-Seine : « Nous sommes en communauté, la plus grande de France, avec 72 communes, Grand Paris Seine & Oise (GPSEO). Or l'année dernière, au sein de GPSEO, nous avons validé une augmentation de 6% du taux intercommunal. L'an passé, cela faisait une importante augmentation sur les feuilles d'impôt... Cela faisait 7 ans que le taux communal, lui, était stable ! Mais il fallait rééquilibrer en 2023, surtout que l'on devait anticiper la hausse de 7,1% des bases. J'ai fait voter en mars cette idée de ne pas faire à nouveau augmenter la taxe foncière. Nous avons réalisé une simulation pour compenser l'augmentation de l'État. En moyenne, cela revient à 30 euros de moins que l'année dernière sur les avis de taxe foncière ! D'après les premiers retours, on ne s'est pas trompé. »

« En moyenne, cela revient à 30 euros de moins que l'année dernière sur les avis de taxe foncière ! »

« La première réaction, pour certains, en constatant cette baisse, c'est de croire que l'on va supprimer des services... Avec des confusions sur ce qui est géré par la commune ou par la communauté urbaine. On pourrait croire que cette baisse du taux communal va engendrer une baisse de ressources pour la commune mais c'est faux : la base de calcul de l'impôt local a augmenté, et la population a augmenté... Le but n'est pas de pénaliser la commune ! Certes, avec l'inflation, on prévoit une perte indirecte. Alors on fait attention à toutes les dépenses. D'un point de vue budgétaire, pour la commune, la suppression de la taxe d'habitation a été compensée, oui : nous sommes à peu près à l'équilibre par rapport à ce que l'on avait auparavant. Mais il faut tout de même souligner un mouvement de fond : l'érosion sur le long terme de la participation de l'Etat au budget des communes. »