Dans son programme de campagne pour l'élection présidentielle 2022, le président-candidat Emmanuel Macron propose d'étendre aux couples en union libre la possibilité de mutualiser leur déclaration de revenus comme pour les couples mariés et pacsés. La mesure, qui serait selon lui synonyme d'une baisse d'impôts, pose plusieurs questions.

Dans son programme pour l'élection présidentielle, Emmanuel Macron explique vouloir « permettre à tous les couples vivant ensemble de réduire leurs impôts comme s'ils étaient mariés ou pacsés ». Le candidat, qui prévoit ici la possibilité pour les couples en union libre de faire une déclaration conjointe, a défendu sa proposition au micro de France Info vendredi 15 avril : « Cette déclaration prendrait la forme d'une déclaration sur l'honneur, pour que progressivement, [il y] ait un système qui soit beaucoup plus souple et qui permette d'accompagner dans les évolutions de la vie nos compatriotes de manière beaucoup plus adaptée ».

« Cette mesure consiste surtout à coller à l'air du temps, de s'adapter à la société où beaucoup de couples vivent en concubinage. Elle doit corriger une certaine inégalité », arguait de son côté le député LREM Alexandre Holroyd dans cet article du Parisien.

Mais cette proposition soulève des questions. D'abord, comment savoir que des personnes sont bien en couple, et non pas, par exemple, des colocataires souhaitant profiter d'une déclaration commune ? Sur ce point, le candidat LREM explique, toujours au micro de France Info, que « ça fait partie des choses qui existent déjà sur une partie de nos politiques sociales. Donc, on sait le vérifier » par l'intermédiaire de l'administration fiscale. Mais Emmanuel Macron assure faire « confiance » et ne croit pas « à la multiplication des abus de l'administration fiscale. »

Quid des couples mariés et pacsés ?

Deuxième question : qui sont vraiment les gagnants et les perdants de cette réforme ? Pour l'actuel président de la République, pas de perdants puisque les couples choisiront le système qui les favorise, entre déclaration commune ou individuelle. En 2013, l'Insee estimait que « 36% des couples en union libre gagneraient à être imposés conjointement et 40% y perdraient », comme le rapporte cet article des Échos.

Mais ce choix donné aux concubins pose la question de l'égalité, comme nous l'expliquait l'économiste Guillaume Allègre : « Si les couples en union libre ont le choix, il faudra que les couples mariés et pacsés aient la possibilité de ne plus déclarer conjointement, car sinon il y a un avantage fiscal à ne pas se marier et les couples mariés et pacsés seraient pénalisés. »

La déclaration conjointe pourrait avoir un autre effet néfaste. Pour rappel, l'imposition commune signifie que l'on va taxer le couple à la moyenne de ses revenus, selon un barème progressif [0% jusqu'à 10 225 euros, 11% de 10 226 à 26 070 euros, 30% de 26 071 à 74 545 euros, 41% de 74 546 à 160 336 euros et 45% au-dessus de 160 336 euros d'après le barème 2022 de l'impôt sur le revenu, NDLR]. Face à cela, ce sont surtout les couples au sein desquels on constate une forte disparité de revenus qui sont avantagés.

Ainsi, certains couples non-mariés pourraient imaginer qu'il est plus intéressant d'avoir un couple mono-actif (où un seul des conjoints travaille). Mais Guillaume Allègre met en garde : « Dans un couple mono-actif, la personne qui travaille profitera de la déclaration conjointe. Mais dans les couples mariés, il y a une protection avec notamment des pensions alimentaires en cas de séparation. » Ce qui n'est pas le cas dans un couple en union libre. En cas de séparation, la personne qui ne travaillait pas risque alors de se retrouver sans ressource.

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Or, dans les couples hétérosexuels, « les hommes gagnent en moyenne 42% de plus que leur conjointe », explique Céline Bessière, professeure de sociologie à l'Université Paris-Dauphine, à Boursorama. Pour elle, la proposition d'Emmanuel Macron serait ainsi un « cadeau fiscal potentiel pour les hommes imposables qui favorise la division sexuée du travail et les couples inégalitaires. »