Dans son programme de campagne pour l'élection présidentielle, le candidat Emmanuel Macron annonce vouloir rendre possible pour un couple en union libre une mutualisation de sa déclaration d'impôts. Guillaume Allègre, économiste, met en garde contre les effets potentiellement néfastes de cette mesure pour certains couples.

Dans son programme pour l'élection présidentielle dévoilé jeudi dernier, Emmanuel Macron explique vouloir « permettre à tous les couples vivant ensemble de réduire leurs impôts comme s'ils étaient mariés ou pacsés ». Autrement dit, le candidat prévoit la possibilité pour les couples en union libre de faire une déclaration conjointe, censée réduire leurs impôts. Mais est-ce vraiment le cas ?

En 2013, l'Insee estimait que « 36% des couples en union libre gagneraient à être imposés conjointement et 40% y perdraient », comme le rapporte cet article des Échos. Quels sont alors les avantages et les inconvénients de cette réforme portée par Emmanuel Macron ? Réponses avec Guillaume Allègre, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques/OFCE-Sciences-Po

Combien de personnes pourraient être concernées par cette mesure ?

Guillaume Allègre : « Il y a aujourd'hui 3,9 millions de couples en union libre, soit quasiment 8 millions de personnes concernées. Mais les conjoints en union libre ont des caractéristiques très différentes des personnes mariées, ce qui veut dire que le fait de leur permettre de déclarer communément leurs revenus aura des effets distincts de ceux pour les couples mariés.

Par exemple, les couples mono-actif (ou un seul des conjoints travaille), ont un vrai intérêt à faire une déclaration conjointe car la personne qui travaille va en profiter. Mais dans les couples mariés, il y a une protection avec notamment des pensions alimentaires en cas de séparation. Il ne faudrait donc pas inciter les couples en union libre, qui eux n'ont pas cette protection, à la mono-activité parce que cela les avantagerait fiscalement. »

Quels sont les avantages et les inconvénients pour les couples en union libre de mutualiser leur déclaration ?

G. A. : « Comme pour les couples mariés ou pacsés, cette imposition commune signifie que l'on va taxer le couple à la moyenne de ses revenus, ce qui peut être favorable car l'impôt est progressif [0% jusqu'à 10 225 euros, 11% de 10 226 à 26 070 euros, 30% de 26 071 à 74 545 euros, 41% de 74 546 à 160 336 euros et 45% au-dessus de 160 336 euros d'après le barème 2022 de l'impôt sur le revenu, NDLR]. Mais cela ne marche que s'il y a une disparité de revenus au sein du couple.

Un autre point concerne les parts des enfants dans le quotient familial. Pour rappel, un enfant apporte 0,5 part, deux enfants une part, et ensuite une part supplémentaire par enfant. Quand vous êtes en union libre, vous pouvez optimiser les parts enfants car elles peuvent aller au conjoint qui a le plus de revenus. Mais quand on déclare conjointement, on partage ces parts. La déclaration conjointe n'est donc pas forcément bénéfique. Il y a beaucoup de couples qui auraient des pertes à déclarer conjointement. »

Quels seront les points à surveiller concernant cette réforme ?

G. A. : « Le premier, c'est qu'il faut que l'administration fiscale soit claire sur ce que chaque couple peut perdre ou gagner à faire ou non une déclaration commune. C'est facile à mettre en place, car il suffit de faire une simulation et le logiciel nous dit combien on paye dans chacune de ces situations.

L'autre chose, c'est qu'il faudra alors que les couples mariés et pacsés aient la possibilité de ne plus déclarer conjointement, car sinon il y a un avantage fiscal à ne pas se marier et les couples mariés et pacsés seraient pénalisés. »

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