L’impôt sur le revenu défavorise-t-il les femmes par rapport à leur ex-conjoint ? Cette question, deux sociologues Céline Bessière et Sibylle Gollac se la sont posées dans le cadre de leur essai « Le Genre du capital ».

Tel qu'il est conçu en France, l’impôt sur le revenu peut-il exacerber les inégalités de revenus entre les hommes et les femmes ? Intuitivement, il ne le devrait pas. En effet, comme cet impôt est progressif – le taux d’imposition augmente avec les revenus -, il doit au contraire permettre de réduire les inégalités de rémunération. Les femmes étant payées en moyenne 452 euros nets de moins que les hommes par mois, selon l’Observatoire des inégalités, elles doivent donc régler moins d’impôt sur le revenu. Et c’est le cas. L’impôt sur le revenu est bien redistributif. Toujours d’après l’Observatoire des inégalités, qui relaie les données de l’Insee, les impôts et les prestations sociales réduisent de moitié l’écart de revenus mensuels entre les 20% les plus riches et les 20% les plus pauvres.

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Les pensions alimentaires, un « impensé sexiste »

Néanmoins, les deux sociologues Céline Bessière et Sibylle Gollac montrent dans leur essai « Le Genre du capital », paru en février aux éditions La Découverte, que certains mécanismes fiscaux viennent, dans les faits, limiter sa redistributivité au détriment notamment des femmes séparées de leur conjoint. C’est le cas des pensions alimentaires versées pour les enfants.

La personne qui verse la pension alimentaire peut la déduire de ses revenus imposables. A l'inverse, celle qui la reçoit doit l’ajouter à ses revenus imposables. Or, en cas de séparation, « dans sept cas sur dix, la résidence de l’enfant est fixée chez la mère, cette dernière recevant une pension alimentaire dans 83% des cas », soulignent les deux chercheuses.

« Les femmes séparées doivent déclarer des pensions au titre de leurs revenus et payer des impôts dessus, alors que les hommes débiteurs les déduisent au contraire de leurs revenus imposables. La raison d’être de cette fiscalité est mystérieuse : pourquoi un père séparé déduirait-il de ses impôts sur les revenus sa contribution à l’entretien (alimentation, logement, autres frais) de ses enfants, alors que ce n’est pas le cas des parents qui vivent avec leurs enfants ? », s’interrogent-elles. Il s’agit d’un « impensé sexiste » qui renforce les inégalités, mais aussi fait perdre des recettes aux finances publiques.

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Des recettes en moins pour l’Etat

Déduire les pensions alimentaires des revenus de l'un, pour les ajouter aux revenus de l'autre n’est pas neutre fiscalement. Parce que, plus pauvres en moyenne, les femmes seules avec enfants paient moins d'impôts en proportion de leur revenu. Résultat, ce que l'Etat perçoit en impôts en taxant la pension déclarée par les femmes est inférieur au cadeau fiscal accordé à leur ex-conjoint.

Dans les années 1990, cette observation a d’ailleurs conduit le Canada à revoir le traitement fiscal des pensions alimentaires. Celles-ci ont été défiscalisées pour le parent qui les reçoit et non déductibles pour celui qui les verse. « Le Québec a ainsi réalisé 75 millions de dollars de recettes fiscales supplémentaires en 1995 », mettent en évidence Céline Bessière et Sibylle Gollac.