Cette année, 130 000 foyers fiscaux vont voir leur taxe foncière augmenter, selon le ministère des Comptes publics. Une hausse que Bercy explique par l’« inflation » et la revalorisation de la « valeur locative » des biens. Qu'est-ce que cela signifie ? Comment votre taxe foncière est-elle calculée ?

Les propriétaires voient rouge en cette rentrée. Objet de leur colère : la flambée surprise de la taxe foncière, dénoncée par l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI). « Des proprios reçoivent une lettre du fisc leur indiquant une hausse de leur taxe foncière, invoquant « qu’un certain nombre d’éléments de confort n’étaient pas pris en compte dans l’évaluation de leur bien », tout cela sans qu’aucun agent n’ait contrôlé leur bien », explique ainsi son président Christophe Demerson. Pour l’UNPI qui revendique 250 000 adhérents, l’augmentation de la taxe foncière est avant tout la conséquence de la suppression de la taxe d’habitation. Cette réévaluation permettrait de combler le manque à gagner pour les collectivités locales.

Un lien de causalité que dément Bercy. « Il faut relativiser. Il y a 130 000 foyers fiscaux qui vont connaître une augmentation de la taxe foncière sur plus de 45 millions de foyers, soit 0,3% des contribuables », avançait le 5 septembre dernier le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin en réponse à cette polémique naissante. Selon ce dernier, cette progression reflète notamment le rehaussement « tout à fait normal » de la valeur locative des biens immobiliers. La taxe foncière est également réévaluée en fonction de l’inflation des loyers qui, pour 2019, correspond à une hausse de 2,2%, détaille le ministre. Complexe...

Ces indicateurs peuvent en effet paraître bien obscurs. Qu'est-ce donc que cette valeur locative dont parle le ministre ? Il s'agit du montant de base qui sert au calcul des impôts locaux dont la taxe foncière. La valeur locative cadastrale correspond au loyer théorique que pourrait appliquer un propriétaire s'il mettait en location son logement.

La taxe foncière, qu’est-ce que c’est ?

Cette taxe est un impôt local payé par les propriétaires de biens fonciers. Elle s’applique aux biens à usage professionnel comme aux logements des particuliers. Dans le détail, cette taxe s’applique aux biens bâtis (locaux d’habitation, parkings, dépendances…). On parle dans ce cas de TFPB pour « taxe foncière sur les propriétés bâties ». Les propriétés non bâties (terrains nus, forêts, jardins sans construction…) sont également assujetties à cet impôt, mais selon des modalités de calcul différentes. On parle alors de TFPNB pour « taxe foncière sur les propriétés non bâties ». Quelques cas d’exonérations existent, en fonction des ressources du ménages, de l’âge des résidents mais surtout en cas de nouvelles constructions (exonération de 2 ans pour les biens neufs par exemple).

Un montant de base indexé sur la valeur du bien d’il y a 50 ans

Comme évoqué plus haut, la valeur locative cadastrale est une sorte de loyer théorique annuel compte tenu de la situation et de l’état du bien. Mais cette valeur locative date de 1970 ! Pour tenir toutefois compte de l’évolution du marché immobilier et des travaux et aménagements réalisés depuis, plusieurs coefficients de correction sont appliqués. En particulier, deux paramètres sont censés refléter la hausse des prix des locations depuis 50 ans.

Le coefficient d’actualisation d’abord. Pour les biens bâtis, il est utilisé pour répercuter les augmentations constatées entre 1970 et 1978 (entre 1961 et 1978 pour les biens non bâtis). Ce coefficient, toujours le même depuis 1978, dépend du département dans lequel se situe l’habitation. Dans le détail, il varie de 1,48 pour les biens situés dans les Côtes-d’Armor à 1,85 pour les habitations parisiennes.

S’agissant de l’inflation immobilière intervenue après 1978, s’ajoute un deuxième coefficient. Il est baptisé « coefficient de revalorisation amalgamé ». Cet indice, fixé au niveau national, est revalorisé chaque année au gré de la hausse des prix des loyers. C’est ce coef qui va augmenter de 2,2%, le chiffre mentionné par Gérald Darmanin. Cette revalorisation est, au passage, la plus forte depuis 10 ans. En 2009, le coefficient de revalorisation amalgamé avait bondi de 2,5%. En 2018, sa hausse avait été de 1,2% et de seulement 0,4% en 2017.

Une réduction forfaitaire de 50%

Une fois cette valeur locative actualisée calculée, l’administration applique une déduction forfaitaire de 50% afin de tenir compte des frais d’entretien, d’assurance, de réparation à la charge des propriétaires. En pratique, cela signifie que si la valeur révisée locative du bien est de 3 000 euros, le fisc retient 1 500 euros comme base de calcul. A noter : pour les propriétaires d’un bien non bâti, l’abattement est de 20%.

Enfin, ce montant est multiplié par plusieurs taux d’imposition. Chacune des collectivités (commune, syndicats de communes, intercommunalité, département) fixe et applique en effet son propre taux. Ces prélèvements ne sont pas liés aux niveaux de revenus des contribuables. Au global, les communes et intercommunalités percoivent 57% de la taxe foncière contre 43% pour les départements.

Des disparités qui résultent de l’ancienneté de la formule de calcul

En conséquence, l'augmentation de la taxe foncière peut venir de la hausse de la base d’imposition, à savoir la valeur locative mise à jour, ou des taux d’imposition. Pour la Direction générale des collectivités locales (DGCL), les augmentations de ces dernières années résultent plus de la hausse des bases que de la hausse des taux. Dans son bulletin d’information statistique sorti en mars 2019, elle explique que « depuis 2011 les produits de la taxe sur le foncier bâti par habitant ont augmenté chaque année en moyenne de 3,1% : les bases par habitant ont augmenté de 1,9% par an (notamment du fait de l’inflation) et les taux de 1,2% par an ».

Toujours d’après le rapport de la DGCL, les collectivités locales ont perçu l’année dernière en moyenne 495 euros par habitant au titre de la taxe sur le foncier bâti. Mais la taxe foncière se révèle très disparate selon les territoires. En Ile-de-France, en Occitanie ou encore en Provence-Alpes-Côte d’Azur, cet impôt local avoisinait en moyenne les 600 euros par habitant en 2018.

Ces écarts importants sont parfois injustifiés et la source d’inégalités entre propriétaires, estime Bercy. Comme la taxe foncière reste principalement indexée sur la valeur locative de 1970, les logements ayant pris énormément de valeur ces dernières années peuvent être moins taxés que des biens moins prisés. C’est pourquoi le ministère des Comptes publics plaide en faveur d’une réforme du calcul de la taxe foncière. D’après Le Parisien, celle-ci pourrait être au menu de la loi de Finances pour 2020. « Il faudra probablement quatre à cinq ans de travail préparatoire pour repenser le mode de calcul des presque 41 millions de locaux concernés », précise au quotidien Olivier Dussopt, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics.