Vous avez prévenu votre employeur de votre départ à la retraite fin 2023 et déjà envoyé le courrier à l'Assurance retraite ? Mais vous n'aviez peut-être pas anticipé qu'un trimestre supplémentaire de travail serait nécessaire avec la nouvelle réforme des retraites. Le gouvernement promet que vous pourrez annuler votre demande. Reste à résoudre l'équation avec votre employeur.

« Aucun retraité actuel ne va devoir retourner travailler ! » Cette affirmation a été dite et répétée à maintes reprises lors d'une conférence téléphonique du cabinet d'Olivier Dussopt, le mercredi 10 mai. Le cabinet du ministre du Travail, qui a souhaité donner de la visibilité sur la publication des décrets d'application de la réforme, en a profité pour insister sur ce point : « aucune personne » actuellement à la retraite ne devra revenir travailler.

Une affirmation faisant suite aux divers cas et témoignages publiés récemment et faisant état de fins de carrière complètement bousculées. Avec un retour en entreprise non souhaité. A l'image de 16 employés de l'entreprise Orano, en « pré-retraite », en congé en attendant leur départ, et qui doivent choisir entre un salaire réduit le temps d'attendre le nouvel âge légal de départ, un congé sans solde ou... revenir travailler : un cas raconté par France Bleu et abondemment relayé sur les réseaux sociaux, notamment par des responsables politiques.

Aménagements de fin de carrière chamboulés

De fait, comme le souligne le ministère du Travail, une personne partant à la retraite d'ici la fin août 2023 ne peut pas être contraint de retourner travailler. L'âge légal recule et la durée de cotisation requise s'allonge pour les départs possibles à partir du 1er septembre 2023. Pas ceux qui partent avant.

Réforme des retraites : combien de trimestres devrez-vous travailler en plus à partir du 1er septembre ?

Les nuances de mots choisis sont importantes... « Aucun retraité actuel ne va devoir retourner travailler ! » répète le cabinet d'Olivier Dussopt. Certes. En revanche, à l'image des employés de l'entreprise Orano cités ci-dessus, certains départs planifiés pour la fin d'année 2023 vont devoir être chamboulés.

Le cabinet du ministre du Travail le reconnaît : les « aménagements de fin de carrière » avec des « gens qui sont partis de l'entreprise en ayant calculé spécifiquement » leur jour de départ à la retraite au terme d'une période de congés issus d'un compte épargne temps, par exemple, peuvent être « recontactés par leur employeur ». Le cabinet ministériel estime toutefois ce phénomène limité à quelques milliers de personnes. Et insiste : dans aucun de ces cas, les droits à la retraite n'ont d'ores et déjà été liquidés.

Comment annuler votre demande de départ à la retraite ?

Pour ces départs programmés et devant être replanifiés, le gouvernement ne prévoit pas de modifier le calendrier de sa réforme des retraites. En revanche, dans le lot des décrets en cours de préparation, un geste est prévu pour ce cas de figure. Et plus généralement pour tous les départs planifiés un peu trop tôt : par exemple le départ d'un salarié en activité, programmé en octobre à ses 62 ans, sauf que la réforme lui réclame désormais un trimestre de plus.

Le gouvernement prévoit d'offrir une sorte de délai de rétractation pour les actifs ayant déjà demandé leur pension, avec un départ prévu après le 1er septembre. Ils disposeront d'un délai de « deux mois » suite à la publication du décret en projet. Il suffira, selon ce projet de décret que MoneyVox a pu consulter, d'envoyer une demande écrite d'annulation aux organismes concernés : Assurance retraite (Carsat), MSA, etc.

« Deux mois, finalement, cela a été jugé trop court. Nous y regardons pour rallonger ce délai »

Un délai suffisant ? Non, du point de vue des représentants syndicaux représentés à la Caisse national d'assurance vieillesse (Cnav), dont les instances ont été consultées par le gouvernement avant la publication de ce décret. Résultat : « Deux mois, ça nous semblait un délai suffisamment long... », explique le cabinet d'Olivier Dussopt. « Finalement, cela a été jugé trop court. Nous y regardons pour rallonger ce délai. » Une nouvelle version de ce délai et de ce geste est donc à attendre. Selon nos informations, les départs à la retraite réclamés de façon trop hâtive pourraient potentiellement être annulés jusqu'à la fin de l'année.

Départ hâtif, pension réduite

Un départ planifié fin 2023 sans avoir pris en compte l'allongement de la durée de travail réclamée par la réforme a principalement un effet sur le montant de votre pension. Si vous n'atteignez pas le nouvel âge légal, vous serez dans tous les cas contraint de reculer votre départ. S'il vous manque désormais quelques semaines pour avoir le taux plein, ne pas reculer votre départ va durablement pénaliser votre pension, qui fera définitivement l'objet d'une décote. D'où l'importance d'annuler le départ, si nécessaire.

Et comment décaler votre départ... dans votre entreprise ?

Problème... Ce problème est double : « Ce n'est pas uniquement un problème de calendrier de départ à la retraite, mais aussi un problème éventuel à régler avec l'employeur », souligne Valérie Batigne, fondatrice et dirigeante du cabinet Sapiendo Retraite. Si vous travaillez encore et qu'il s'agit de reculer la date de fin de contrat, cela peut être simple, administrativement parlant, même si cela nécessite en effet de travailler quelques mois de plus...

La problématique est plus complexe si, physiquement, vous avez déjà quitté l'entreprise qui continue à ce stade à vous verser un salaire : « Oui il y a des cas problématiques pour les salariés ayant prévu un départ à la retraite après avoir posé leurs jours prévus de compte épargne temps, et des cas problématiques dans le cadre de plans de départs », confirme Valérie Batigne. « Dans ces cas-là, un délai [celui prévu dans le projet de décret, NDLR] permettant d'annuler la demande de liquidation des droits à la retraite ne règle qu'une partie du problème. Vous pouvez effectivement reculer le départ pour éviter une mauvaise surprise sur la pension. Mais encore faut-il pouvoir travailler le temps du décalage ! »

Le cabinet d'Olivier Dussopt répond que le salarié « reste salarié » jusqu'à la liquidation des droits à la retraite, et qu'il pourra « prolonger son activité ».

Et la fin de droit au chômage ?

Pour les chômeurs approchant des 62 ans et s'inquiétant d'un « trou » entre fin de droits à l'assurance chômage et leur départ à la retraite, le cabinet du ministre du Travail affirme qu'est prévue une décorrélation avec le recul de l'âge légal. A ce jour, les demandeurs d'emploi indemnisés, à leurs 62 ans, peuvent voir leurs droits prolongés jusqu'à l'âge du taux plein. Cette règle reste, sans recul des 62 ans : « Ils continueront bien à toucher chômage jusqu'au taux plein », pointe le cabinet d'Olivier Dussopt.