EXCLUSIF. Dans le long feuilleton de la pension « minimum » à 1 200 euros promise par le gouvernement, un élément est systématiquement occulté : la retraite complémentaire. Or, la mesure repose en partie sur la complémentaire. Mais à combien se chiffre une pension Agirc-Arrco pour une carrière complète au Smic ? Et est-ce suffisant pour s'approcher des 1 200 euros bruts ?

« Mensonge » ? « Crash » ? « Naufrage » ? La promesse d'une pension minimale à 1 200 euros a largement été commentée, critiquée, détricotée... Malgré les imprécisions (volontaires ?) de certains membres du gouvernement ou de la majorité lors de leurs interventions médiatiques, le dossier de présentation de la réforme des retraites faisait effectivement apparaître certaines conditions importantes : « Avec la réforme, la pension de retraite pour une carrière complètement cotisée au Smic ne pourra être inférieure à 85% du Smic net, soit environ 1 200 euros brut par mois. » Une promesse qui ne concernera dans les faits qu'une poignée de retraités ? MoneyVox a déjà détaillé le sujet...

Petite retraite : pourrez-vous profiter de la « pension minimum » de 1 200 euros ?

Reste un aspect, crucial pour s'approcher des 1 200 euros (en brut, avant CSG-CRDS) : quelle complémentaire ? L'exemple type d'« une assurée née en 1961 avec une carrière complète au Smic » partant à la retraite fin 2023 détaillé par le gouvernement dans le rapport accompagnant sa réforme repose sur deux pensions : la retraite de base (Cnav) + la complémentaire (Agirc-Arrco dans ce cas). La pension de base Assurance retraite est dans cet exemple revalorisée de 748 à 848 euros et le gouvernement compte sur une complémentaire de 345 euros (1) pour atteindre 1 193 euros après réforme. Réaliste ? Au-delà de cet exemple, MoneyVox a sollicité l'Agirc-Arrco pour estimer précisément la pension complémentaire que toucherait une personne retraitée ayant effectué toute une carrière complète au niveau du Smic...

Si vous partez à la retraite en 2023...

Première estimation de l'Agirc-Arrco, pour « une personne née en 1961, ayant commencé à travailler à 20 ans, ayant connu une carrière complète rémunérée au Smic, et ayant liquidé sa retraite le 1er janvier 2023 », un exemple très légèrement différent de celui du gouvernement.

Sans la réforme, cette personne peut faire valoir ses droits à la retraite à taux plein début 2023 après 42 ans de carrière (168 trimestres). Résultat : « Nous estimons que sa pension mensuelle brute à l'Agirc-Arrco est de l'ordre de 255 euros ». En brut.

Comment expliquer un montant si faible... et donc si loin des montants nécessaires pour s'approcher des 1 200 euros bruts au total ? Précision d'importance du régime gérant actuellement les retraites complémentaires de 13 millions d'anciens salariés du privé : « Cette pension Agirc-Arrco tient compte des coefficients de solidarité. » Traduction : ce qui est plus communément surnommé le « malus Agirc-Arrco », lequel rogne pendant 3 ans votre complémentaire de 10%, sauf si vous attendez une année supplémentaire avant de faire valoir vos droits.

Retraite complémentaire Agirc-Arrco : « La décote de 10% s'appliquera-t-elle toujours après la réforme ? »

Mais même si l'on effaçait ce malus, la complémentaire avoisinerait les 285 euros. Loin, là encore, du montant nécessaire pour s'approcher des 1 200 euros...

De fait, l'exemple-type détaillé par le gouvernement dans son « Rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites » colle à l'euro près à la moyenne d'une complémentaire Agirc-Arrco pour les retraités nés en 1961, soit 337 euros (1), mais il s'agit d'une moyenne globale... or les ex salariés au Smic ont mécaniquement une plus petite retraite qu'une large partie des retraités.

Si vous êtes déjà à la retraite...

De fait, vous connaissez déjà la complémentaire que vous touchez chaque mois. Le gouvernement annonce 1,8 million de petites retraites revalorisées grâce à l'évolution du minimum contributif.

Réforme des retraites : de combien augmentera votre petite pension ?

Sauf retournement de situation, il ne faut pas attendre de coup de pouce pour les pensions complémentaires, mis à part les traditionnelles revalorisations annuelles, évidemment.

Là encore, à quelle pension a droit un ex salarié ayant effectué une carrière complète au niveau du Smic ? MoneyVox a sollicité l'Agirc-Arrco pour estimer la pension d'un retraité né en 1956, ayant une carrière complète au Smic, qui n'est donc pas concerné par le malus de 10%.

La direction technique du régime complémentaire nous a livré l'estimation suivante :

En ayant commencé sa carrière à 21 ans, effectuée sans interruption au Smic, à temps complet, cet ex salarié du privé est parti à la retraite à 62 ans le 1er juillet 2018. Sa « pension Agirc-Arrco mensuelle brute au moment de la liquidation » (3) était de « 256 euros » en 2018. Suite aux différentes revalorisations de la pension Agirc-Arrco depuis, sa complémentaire mensuelle est désormais de 276 euros, avant cotisations sociales.

Réforme des retraites : de combien augmentera votre petite pension ?

(1) Cas-type de « Ahida » détaillé dans ce rapport. Sans réforme, la complémentaire annoncée serait de 337 euros, et de 345 euros après réforme du fait des 3 mois de travail supplémentaire du fait du recul de l'âge légal et de l'allongement de la durée de cotisation requise.

(2) Source : données publiques du régime Agirc-Arrco.

(3) « Droits Agirc-Arrco acquis au taux contractuel minimum (ex-Arrco jusqu'à fin 2018) », précise le régime des ex salariés du privé.