Très attendu, le projet de réforme des retraites a été présenté ce mercredi par le Premier ministre, Edouard Philippe. L'entrée en vigueur de ce nouveau système s'étalera entre 2022... et 2037 pour certains régimes spéciaux.

« Le temps est venu de construire un système universel de retraites ». C'est l’ambition d'Edouard Philippe annoncée d’entrée de jeu lors de la présentation, ce midi, du très controversé projet du projet de réforme des retraites. Voici dans les grandes lignes, le mécanisme qui devrait s’appliquer progressivement dès 2022 si le gouvernement arrive, malgré la grogne sociale, à le faire voter.

Un système de points revalorisé en fonction de la hausse des salaires

C’est un changement d’ampleur qui s’annonce. Jusqu’ici les pensions de retraite sont calculées sur la base de trimestres. Or, pour en valider un, il faut avoir travaillé au moins l’équivalent de 150 heures au Smic, sinon pas d’ouverture de droits. « Les personnes effectuant de petites quotités de travail sont pénalisées puisqu’elles paient des cotisations qui ne seront pas prises en compte dans leur retraite », explique le gouvernement dans le dossier de presse.

Dans le cadre de la réforme, c’est bien un système par points, gagnés au cours de la vie professionnelle, qui sera instauré. Chaque heure travaillée permettra d’en obtenir et ils auront la même valeur pour tous. Or actuellement, comme chacun des 42 régimes a ses propres règles de calcul, « à cotisations identiques, les Français ne partent pas avec les mêmes droits », selon l’exécutif.

Charge aux partenaires sociaux , à l’avenir, de fixer la valeur du point « sous le contrôle du Parlement », a expliqué Edouard Philippe. Selon lui, « la loi prévoira une règle d'or pour que la valeur du point acquis ne puisse pas baisser ». Elle sera indexée « non pas sur les prix mais sur les salaires qui dans notre pays augmentent plus vite ». En revanche, les pensions resteront revalorisées en fonction des prix.

Des cotisations pas identiques pour tous

Alors qu’aujourd’hui, il existe une centaine de règles différentes pour le calcul des cotisations, désormais, tous les salariés cotiseront sur l’intégralité de leur salaire. Les primes seront également prises en compte pour les fonctionnaires (elles reprèsentent aujourd’hui 22% de leur rémunération !) et les salariés des régimes spéciaux concernés. Le taux identique pour tous sera de 28,12% jusqu’à environ 120 000 euros de revenu brut par an (soit 10 000 euros par mois). Au-delà, « une cotisation de solidarité, ne générant pas de droits, s’appliquera à l’intégralité des revenus à un taux de 2,81%. » Si ce dernier mécanisme de solidarité sera mis en place pour les indépendants et les professions libérales, ces derniers bénéficieront d’un taux préférentiel de cotisation de 12,94% entre 40 000 euros et 120 000 euros de revenu, « pour éviter une hausse de leurs charges qui fragiliserait leur équilibre économique ».

A noter que dans le nouveau système, le gouvernement entend garantir que certaines périodes d’inactivité (chômage, de maladie, de maternité, d’invalidité ) ne pénalisent pas les personnes pour le calcul de leur pension. « Contrairement au système actuel, la compensation de ces périodes d’interruption se traduira mécaniquement par une augmentation des droits constitués et une amélioration de la pension versée au moment du départ », précise le texte. Concrètement, « en plus des points acquis par leur cotisation, les Français pourront bénéficier de points financés par la solidarité nationale, au titre de leurs périodes d’inactivité involontaire. »

64 ans pour une retraite à taux plein

C’est un point qui cristallise l’attention. Le patron de la CFDT Laurent Berger estime même qu’une ligne rouge a été franchie. Edouard Philippe a indiqué un âge pivot à 64 ans. Concrètement, il sera toujours possible de partir à la retraite à 62 ans, mais pour avoir un taux plein, il faudra, en principe, atteindre « cet âge d’équilibre », sous peine de se voir appliquer un malus qui pourrait atteindre 5% par an, à partir de 2027.

Si le sujet doit encore être affiné avec les partenaires sociaux, des aménagements à cette règle sont déjà prévus. Le dispositif « carrières longues » sera maintenu pour permettre à ceux qui ont validé 5 trimestres avant 20 ans, de partir deux ans plus tôt. Les départs anticipés des travailleurs handicapés entre 55 et 59 ans seront conservés et simplifiés. La retraite pour incapacité permanente qui permet un départ à 60 ans sans décote sera étendue aux fonctionnaires et salariés des régimes spéciaux. « Les personnes exerçant des métiers usants pourront partir deux ans plus tôt que les autres », a également détaillé Edouard Philippe.

Par ailleurs, des dérogations à l’âge de départ de 62 ans seront maintenues dans le système universel pour les fonctionnaires ayant des missions régaliennes, et « sous réserve d’avoir effectivement occupé pendant une durée minimale des fonctions opérationnelles les exposant au danger ». Ainsi les droits à un départ anticipé seront ouverts pour les policiers, les personnels de l’administration pénitentiaire, et les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne à compter de 52 ans ; et pour les sapeurs-pompiers professionnels, la branche surveillance des douanes et les policiers municipaux dès 57 ans. Pour les militaires du rang et les sous-officiers, le droit à un départ à la retraite continuera d’être possible au bout de 17 années de services. Pour les officiers, le droit à une retraite immédiate sera maintenu à 27 ans de services sous réserve d’avoir atteint l’âge de 52 ans.

La fin retardée des régimes spéciaux

« Le temps du système universel est venu, celui des régimes spéciaux s’achève », a souligné Edouard Philippe. Certainement pour ne pas rajouter de l’huile sur le feu, le dossier de presse contenant le projet de réforme ne consacre pas de chapitre particulier aux 418 776 salariés des régimes spéciaux (SNCF, RATP...), hors fonction publique. Le principe est donc bien la fin des régimes dit spéciaux, mais de façon progressive. Pour ceux dont l’âge légal de la retraite est 57 ou 52 ans, la première génération concernée par la réforme sera 1980 (pour ceux dont l’âge est 57 ans) et 1985 (pour ceux dont l’âge est 52 ans).

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1 000 euros minimum de pension

Comme promis, il y aura désormais « une pension minimale de 1 000 euros net par mois pour une carrière complète au Smic ». Plus précisément, ce minimum de pension « sera garanti par la loi à 85% du Smic dans la durée et évoluera comme celui-ci ». Aujourd’hui, selon le gouvernement, une personne ayant cotisé toute sa vie a une pension de l’ordre de 815 euros nets par mois si elle a été salariée, de 730 euros si elle a été commerçante, de 890 euros si elle a été exploitant agricole. C’est moins que le minimum vieillesse, revalorisé à 900 euros par mois en janvier 2020.

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Des garanties pour les enseignants

Le gouvernement souhaite mieux prendre en compte « la situation spécifique des professeurs de l’éducation nationale, des universitaires et des chercheurs, dont les primes sont faibles par rapport à celles de fonctionnaires comparables, et qui seraient pénalisés par l’application aveugle des nouvelles règles, sans changement par ailleurs ». Ainsi, il garantit que leurs pensions ne baisseront pas, un engagement qui figurera dans la loi. Ces personnels bénéficieront ainsi d’une revalorisation progressive de leurs primes à partir de 2021, en priorité pour les enseignants en début de carrière.

Quand ce système universel s’appliquera-t-il ?

Voici le calendrier. Le projet de loi relatif à la création du système universel de retraite sera présenté en conseil des ministres d’ici la fin janvier 2020. Il sera ensuite discuté à l’Assemblée nationale un mois plus tard pour une adoption programmée d’ici l’été prochain.

Le système universel de retraite s’appliquera d’abord en 2022 aux jeunes nés à partir de 2004. 3 ans plus tard, en 2025 donc, les nouvelles règles entreront en vigueur pour les actifs ayant moins de 50 ans fin 2024, c’est-à-dire nés à partir de 1975, et qui sont à 17 ans de la retraite. Ils auront concrètement une première partie de leur pension calculée selon les anciennes règles et une seconde partie de pension calculée selon les nouvelles règles, au titre des années travaillées à partir de 2025.

En revanche, comme expliqué plus haut, cette réforme pour les fonctionnaires et les agents des régimes spéciaux dont l’âge légal de la retraite est de 57 ou 52 ans, ne s’appliquera qu’à partir de 2037.

Pour rappel, les personnes actuellement à la retraite ne sont pas concernées par la réforme.