Les cheminots protestent contre la réforme des retraites qui mettrait fin à leur régime spécial. Le point sur ce dispositif souvent pointé du doigt.

Les 42 régimes de retraites sont dans le viseur de l’exécutif. Il souhaite bâtir un « système universel », « plus juste et « plus lisible », où « un euro cotisé donnera les mêmes droits à tous ». Un projet contesté et contre lequel un mouvement de grève illimité est annoncé à partir de jeudi, notamment à la SNCF. C'est en effet la disparition du régime spécial des cheminots qui est en jeu. Explications de ce dispositif, souvent l'objet de clichés, à l’appui d’un rapport de la Cour des comptes commandité par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale (1).

Un régime qui fête son 110ème anniversaire

Il ne date pas d’hier. Pour comprendre ce régime spécial, il faut remonter en 1850 où se créent les premières caisses de retraites dans les compagnies de chemin de fer. C’est en 1909, il y a 110 ans donc, qu’est mis en place un régime par répartition pour tous les cheminots, conservé au moment de la création de la SNCF en 1937. Mais pourquoi n’a-t-il pas été intégré au régime général de sécurité sociale mis en place en 1945 ? Plusieurs raisons à cela selon les magistrats de la Cour des comptes. Outre que le régime général apparaissait comme un régime « au rabais », de très nombreuses professions, notamment non-salariées, ont refusé d’y adhérer, « ce qui a encore limité l’effet d’entraînement ». Dernière explication de taille : « Le contexte politique et social de l’après-guerre rendait peu envisageable un alignement sur les conditions du régime général de personnels à statut, présents dans des secteurs économiquement stratégiques et socialement particulièrement sensibles ».

Une pension moyenne théorique de 2 636 euros

A la SNCF, comme dans le reste de la fonction publique, la pension de retraite à taux plein correspond à 75% du salaire des six derniers mois d’activité. Avec une petite différence valable aussi pour d’autres régimes spéciaux : « Certaines primes sont prises en compte dans le calcul ». « Dans le régime général, le salaire de référence correspond à la moyenne des 25 meilleurs salaires annuels de la carrière », rappelle la Cour des comptes.

Résultat, la pension brute moyenne en équivalent carrière complète des agents partis à la retraite en 2017 est de 2 636 euros par mois à la SNCF. Si c’est plus que les 1 804 euros des retraités des collectivités territoriales, c’est bien moins que les 3 705 euros mensuels des retraités de la RATP. Attention, il s’agit de chiffres théoriques pour des personnes ayant effectué une carrière complète. Selon une récente étude de la Drees (2), le montant mensuel moyen de la pension perçu par les retraités de la SNCF, hors majoration pour enfant, est plutôt de 2013 euros bruts par mois. Tous régimes confondus, pour les salariés du public et du privé, la retraite mensuelle moyenne brute est de 1 381 euros bruts, en 2017 toujours.

Un âge moyen de départ à la retraite de 57 ans

En raison de métiers « historiquement jugés pénibles donnant droit à départs précoces », rappelle la Cour des comptes, les agents de conduite de la SNCF peuvent partir à la retraite à partir de 50 ans et 8 mois pour un âge effectif de départ à 53,3 ans. Pour l'ensemble du personnel, l’âge moyen de départ est désormais de 56,9 ans en 2017 (en hausse de 1,8 année en 10 ans). A titre de comparaison, l’âge moyen de départ à la retraite est de 59,2 ans dans la fonction publique hospitalière, de 61,6 ans dans les collectivités territoriales, de 61,3 ans pour les fonctionnaires civils de l’État et de 63 ans ans pour régime général. « Des écarts entre les différents régimes qui ne reflètent pas des différences manifestes d’espérance de vie à 60 ans et se traduisent ainsi par des écarts du même ordre pour les durées passées à la retraite », constate cependant le rapport de la Cour des comptes. En effet, l’espérance de vie à 60 ans des hommes était de 22,1 ans en 2010 à la SNCF contre 22,4 ans au sein de la population française.

Mais suite à une série de réforme des régimes spéciaux depuis 2008, l'âge de départ à la retraite des agents de la SNCF est petit à petit retardé pour obtenir une pension à taux plein sans décote. Ainsi, le relèvement de deux ans de l’âge légal de départ s’appliquera totalement d’ici 2024. Quant à la durée de cotisation, aujourd’hui de 164 trimestres pour partir à la retraite à taux plein à la SNCF, elle passe à 172 trimestres pour les employés de la SNCF nés après 1981, soit 43 ans, comme les salariés du régime général.

143 000 cotisants pour 261 000 retraités ou ayants droit

Au 31 décembre 2017, il y avait 142 943 salariés qui cotisaient à ce régime de retraite. Un chiffre en-deçà des 176 842 cheminots retraités. Un nombre de retraités auquel il faut également ajouter les 84 191 personnes qui touchaient une pension de réversion. Au total, ce sont 5,3 milliards d’euros de prestations qui ont été versées en 2017.

Un coût de 3,28 milliards d’euros pour les finances publiques

Les cotisations salariales et patronales de retraite de la SNCF ne représentent que 36% du financement des prestations servies dans le régime spécial des cheminots, pour environ 2 milliards d'euros par an. Le reste du financement est couvert par une dotation budgétaire de l'Etat de 3,28 milliards d’euros (en 2017). Une situation qui s’explique principalement par une démographie défavorable de ce régime spécial, le nombre de cotisants par retraité étant 2 fois inférieur à celui du régime général.

« Aujourd’hui à la SNCF, on n'a quasiment plus d’embauches, on a de plus en plus de postes qui sont supprimés. On a donc de moins en moins de cotisants ce qui fait qu’aujourd’hui notre système de retraite est menacé à cause du gouvernement », dénonçait dimanche soir sur France 2, Bruno Poncet, secrétaire fédéral Sud-Rail.

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(1) Les régimes spéciaux de retraite de la RATP, de la SNCF et des industries électriques et gazières, Rapport de la Cour des comptes de juin 2019. (2) Les retraités et les retraites 2019, Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de la Santé.