Comme en 2023, le volume des placements financiers des Français devrait rester à un niveau relativement bas en 2024. Cela ne les empêchera pas de déplacer leur argent au gré des opportunités. Voici les produits qui, dans ce contexte, pourraient tirer leur épingle du jeu.

« N'oubliez pas le vieil adage : les crédits font les dépôts. » La forte contraction du crédit immobilier, liée à une baisse des transactions de l'ordre de 20% sur un an, a été « le phénomène le plus marquant de l'année 2023 », estime Cyril Blesson, associé au sein du cabinet PAIR Conseil. Il a entraîné un « coup de frein très net sur le marché des placements », poursuit le macroéconomiste, « car pour chaque ménage qui souscrit un crédit immobilier pour acheter, il y a un autre ménage qui vend et a, au terme de l'opération, de l'argent à placer. »

Résultat : avec la chute des transactions, les placements des Français ont plafonné autour de 110 milliards d'euros en 2023, contre 160 milliards un an plus tôt.

Qu'en sera-t-il en 2024 ? « L'épargne financière restera contrariée par la baisse des crédits », annonce Cyril Blesson, qui s'attend tout de même « à une légère reprise du marché global ».

Cette relative atonie n'empêche pas les Français d'effectuer des arbitrages sur leur stock d'épargne. En clair, de déplacer leur argent d'un support vers un autre, au gré des opportunités. Ces arbitrages ont été massifs en 2023, et cela devrait être encore le cas cette année. Dans ce contexte, certains placements s'en tireront mieux que d'autres. Voici quels sont les gagnants et les perdants attendus de 2024.

Le transfert des dépôts à vue vers les livrets et les comptes à terme va se poursuivre

Après des années d'accumulation, au plus fort de la crise sanitaire, les dépôts à vue - c'est-à-dire, pour l'essentiel, l'argent détenu par les ménages sur leurs comptes courants, faute d'être dépensé ou placé - ont fondu comme neige au soleil en 2023, comme cela avait déjà été le cas fin 2022. Entre janvier et octobre, le volume d'argent détenu par les Français sur leurs comptes à vue a diminué de plus de 34 milliards d'euros, selon la Banque de France.

Malgré les 3% du Livret A, les Français ont encore plus de 16 000 euros sur leur compte courant

Quel support a profité de cette manne ? Principalement, les dépôts bancaires rémunérés : l'épargne réglementée, les livrets ordinaires et les comptes à terme, revenus en grâce avec la hausse spectaculaire de leurs rémunérations. « On devrait retrouver cette situation de transfert massif en 2024, avec une décollecte forte des dépôts à vue au profit des comptes à terme et de l'épargne réglementée », estime Cyril Blesson.

Super livret à taux boosté ou compte à terme : le match des concurrents du Livret A

L'épargne réglementée, notamment, va continuer à faire le plein. Un produit en particulier : le Livret d'épargne populaire. Boosté par un taux imbattable de 6% net, le LEP a passé, en 2023, le cap des 10 millions de comptes. Mais il reste 8 millions de Français éligibles qui n'en profitent pas encore. Le produit a également profité de la hausse récente de son plafond de versement, passé en 7 700 à 10 000 euros le 1er octobre dernier. « Le LEP va continuer à grignoter un peu de la collecte du Livret A et du LDDS », annonce Cyril Blesson.

Pas le Plan Epargne Logement, en revanche. La hausse de son taux au 1er janvier (de 2% à 2,25% brut) ne devrait pas suffire : le PEL « devrait rester en souffrance », même si l'hémorragie a toutes les chances d'être un peu moins spectaculaire qu'en 2023 (-24 milliards d'euros).

Assurance vie, le retour ?

Le momentum des dépôts bancaires rémunérés a fait une autre victime : l'assurance vie en euros. L'ancien placement star a connu une année 2023 noire, avec une baisse d'encours de plus de 25 milliards d'euros à fin novembre. Un chiffre tout juste compensé par l'assurance vie en unités de compte (UC), qui enregistrait à la même date une collecte nette positive de 28,8 milliards d'euros, selon France Assureurs.

Cyril Blesson estime que l'année 2024 devrait être marquée par un léger redressement, avec une collecte nette, supports euros et UC confondus, qui pourraient doubler, passant de 5 milliards à 10 milliards d'euros. Rien de bien spectaculaire, toutefois. L'assurance vie, en effet, va probablement continuer d'enregistrer un haut niveau de prestations (c'est-à-dire de retraits), là encore en raison de la contraction du crédit immobilier. « Historiquement, dès qu'on entre dans une phase de durcissement des conditions de crédits, on constate des pics de prestations », rappelle Cyril Blesson. La raison en est simple : pour acheter, les ménages doivent puiser plus largement dans leur épargne.

Des nuages pourraient également apparaître dans le ciel de l'assurance vie en UC. Déjà en 2022, les difficultés des SCPI, ces supports immobiliers fréquemment logées dans les contrats, ont semé le doute chez certains épargnants. En 2024, les unités de comptes pourraient aussi subir un possible retournement des marchés actions, sur fond de récession économique.

Assurance vie : les meilleures offres

Le PER sur la pente ascendante

Un placement devrait, en revanche, continuer à tirer son épingle du jeu : le Plan épargne retraite (PER) individuel. Le produit lancé en 2019 n'a cessé depuis de grossir, passant de 4 milliards d'euros de collecte en 2020 à 12 milliards attendus en 2023. Cette tendance devait se poursuivre. « Nous ne voyons pas le PER ralentir », développe Cyril Blesson. « Le produit a toujours le vent en poupe, porté par la réforme des retraites et par les avantages fiscaux offerts. Il rencontre la volonté de certains épargnants de se couvrir pour leurs vieux jours et de faire, en même temps, des économies d'impôts. »

Le comparatif 2024 des meilleurs PER

Des incertitudes nombreuses

Voilà pour les perspectives. L'année 2024, toutefois, reste incertaine par bien des aspects. Les opportunités offertes aux épargnants dépendront, en particulier, des choix de politique monétaire que fera la Banque centrale européenne (BCE) lors des prochains mois.

Depuis la mi-2022, l'institution a fortement relevé ses taux, pour refroidir l'économie et contenir l'inflation. L'objectif semble en passe d'être atteint, avec une hausse des prix attendue autour de 2,5%, en moyenne, au 1er semestre 2024, contre plus de 5,5% à la mi-2023. Le temps paraît donc venu de faire redescendre ces taux, qui commencent à peser sur l'activité économique. Avec, pour conséquence, une baisse d'attractivité des dépôts bancaires rémunérés, livrets et comptes à terme, qui pourraient changer la donne.

Plusieurs facteurs, pourtant, risquent d'interférer dans les choix de la BCE. Le contexte géopolitique notamment, avec des risques d'embrasement au Moyen-Orient qui pourraient faire repartir à la hausse les prix de l'énergie.

Dans ce contexte, Cyril Blesson pronostique une grande prudence des institutions monétaires. « Nous pensons qu'elles attendront d'être certaines d'être sorties de cette épisode inflationniste pour baisser leurs taux, sans doute pas avant la fin du 2e trimestre ».