Garder son épargne chez soi plutôt que de la déposer sur son compte bancaire ou l'investir dans une assurance vie est un réflexe qui a le vent en poupe dans le contexte économique actuel. Explications.

Ringard l'argent liquide à l'heure du sans contact et du paiement mobile ? Peut-être pas ! C'est ce que laissent penser les résultats d'un récent sondage (1) réalisé par Opinionway pour AuCoffre. A la question de savoir quel est le moyen le plus approprié pour épargner son argent, 27% citent le Livret A, 19% l'investissement immobilier et 14% le garder chez soi, un résultat en hausse de 5 points comparé à la précédente enquête réalisée en mai 2021. Conserver son cash sous le matelas est une solution jugée même plus intéressante que de miser sur une assurance vie (13%).

« Avec la guerre en Ukraine notamment, certains se rapprochent d'une forme d'économie de guerre. C'est une attitude assez mécanique liée à un contexte dégradé qui fait craindre que le modèle institutionnel dont font partie les banques puissent être en péril. 48% des sondés craignent ainsi une faillite bancaire. Les Français ont gardé en tête le souvenir de la crise de 2008 où les grandes banques sont venues frapper à la porte de l'Etat pour être sauvées. Dans ce contexte, ils sont méfiants, analyse Jean-François Faure, président-fondateur d'AuCoffre.

Un phénomène qui progresse

Et pour éviter de mettre tous leurs œufs dans le même panier, des particuliers préfèrent garder de l'argent chez eux. Même si l'inflation vient réduire la valeur de cette épargne, au moins ils estiment que ces économies sont en sécurité. Malgré le risque de cambriolage donc et en dépit du fait que l'argent placé à la banque est garanti à hauteur de 100 000 euros par personne et par établissement en cas de faillite.

Et ce phénomène dit de thésaurisation progresse comme le note Philippe Crevel puisque le volume de numéraire, c'est-à-dire l'argent liquide que les particuliers gardent chez eux, a atteint 275 milliards d'euros à la fin juin, soit 110 milliards de plus qu'à la même période de 2015. « Cette part du numéraire devrait en théorie se réduire car nous payons de moins en moins avec du liquide. Si le numéraire augmente, c'est que certains le gardent chez eux par précaution. C'est le fameux bas de laine », explique Philippe Crevel. Un mécanisme de défense qui s'explique aussi par la crainte, pour 57% des sondés, de la mise en place d'une mesure de prélèvement sur leur épargne. Une décision qui avait notamment été prise fin 2020 par une banque en France avec une taxe sur les dépôts supérieurs à 50 000 euros de ses nouveaux clients.

« Une réalité de comportement »

Une récente étude publiée mi-octobre s'est d'ailleurs intéressée à l'utilisation des billets en euros émis par la Banque de France. Il en ressort que « 25% sont utilisées à des fins de thésaurisation domestique ». Une pratique dont les Français n'ont pas le monopole. Selon une enquête de la Banque centrale européenne, 24% des Européens sondés indiquaient en 2016 « détenir de l'argent liquide hors de leur compte bancaire comme réserve de précaution ou comme moyen d'épargne ». Chez ces derniers, 78% disaient avoir moins de 1 000 euros, 12% plus de 1 000 euros et 10% refusaient de répondre !

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« Garder de la monnaie sous son matelas ou dans la lessiveuse - comme on a coutume de le dire de façon imagée - ce n'est pas une vision de l'esprit, c'est une réalité de comportement », confirmait d'ailleurs en 2019 le directeur général des services à l'économie de la Banque de France, Erick Lacourrège.

Au-delà notamment de l'économie parallèle pour laquelle l'utilisation du cash est essentielle, « ce phénomène touche davantage les personnes plus âgées mais également celles aux revenus modestes qui ont peu confiance dans le système bancaire. Et dans une période d'incertitude, avoir des billets chez soi, ça rassure », abonde Philippe Crevel.

Il y voit aussi le prolongement de la préférence des Français pour la liquidité, de l'argent disponible à court terme et sans risque. A l'image des près de 550 milliards d'euros déposés par les particuliers sur leurs comptes courants non rémunérés ou encore des 500 milliards d'euros placés sur le Livret A et le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) à la fin octobre.

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(1) Sondage OpinionWay pour AuCoffre réalisé les 24 et 25 août 2022 auprès d'un échantillon de 1 008 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, constitué selon la méthode des quotas. Les interviews ont été réalisées par questionnaire autoadministré en ligne sur système CAWI.