C'est sans doute le bon moment pour prêter de l'argent à une entreprise ou un État européen, avec le principal taux directeur de la BCE à son plus haut niveau depuis plus de 20 ans. Taux nominal, rendement, risque de taux et sensibilité, voici les éléments-clés à connaitre avant d'investir dans les obligations.

Différencier taux nominal et taux de rendement

Quand on parle de « Prêter de l'argent à la France » pour investir ses économies, c'est un peu un abus de langage. Quand la France, via l'Agence France Trésor (AFT), lance un emprunt, c'est seulement une sélection de banques dites « SVT » (spécialistes en valeur du Trésor) qui peuvent répondre à l'adjudication. Une partie de ces titres est ensuite disponible sur le marché secondaire, la Bourse, et c'est là que vous pouvez acquérir de la dette de la France, notamment sous forme d'OAT (obligation assimilable au Trésor) pour des durées de 2 à 50 ans.

Exemples d'OAT à échéance 2026
NomEchéanceCouponIntérêtsDernière adjudication
OAT 3,50%
25 avril 2026
25/04/20263,50%Annuels
au 25 avril
16/07/2020 au prix moyen
de 123,27%
OAT 0,50%
25 mai 2026
25/05/20260,50%Annuels
au 25 mai
20/10/2022 au prix moyen
de 93,94%

Il peut paraître curieux que des obligations de la France soient proposées à des taux d'intérêt aussi différents que 0,50% ou 3,50% (voire 6%). Ce taux d'intérêt nominal est seulement utilisé pour déterminer le montant du coupon, c'est-à-dire des intérêts versés en principe chaque année, à partir de la valeur faciale de l'obligation.

Mais ce n'est pas le rendement réel de l'obligation qui dépendra, lui, de votre prix d'acquisition. Ainsi, au début du mois de février, le cours des deux OAT du tableau ci-dessus sur le marché secondaire était de respectivement 101,85% et 95,30%. En effet, les obligations sont cotées en pourcentage de leur valeur nominale. Cette cotation évolue, non seulement en fonction de l'offre et de la demande, mais aussi en fonction du risque que représente l'émetteur pour les marchés.

En ce qui concerne, les deux OAT de la dette française, leur cours sur le marché secondaire représentait des rendements annuels de 2,63% et 2,64%.

C'est bien ce rendement proposé par le marché qu'il faut regarder en priorité pour acheter une obligation, et non pas le taux d'intérêt du coupon.

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Le risque de taux

Quand les taux montent, le prix des obligations baisse. Ce point est essentiel pour bien comprendre le comportement des obligations. Et ce n'est pas forcément très intuitif.

Vous avez par exemple en portefeuille de la dette de l'État italien, avec une obligation avec un coupon annuel de 4,50% à échéance octobre 2053. Avec un endettement de l'État plus important que celui de la France, il n'est pas impossible qu'il y ait un jour des tensions sur le marché obligataire et que les taux d'intérêt de l'Italie flambent.

On pourrait penser que, puisqu'il y a un risque accru sur le pays et que les taux montent, les porteurs d'obligations sont gagnants. Mais non, c'est bien le contraire qui se produit. Si les rendements du marché passent de 4,35% (situation actuelle pour la dette italienne) à 5,35%, le prix de l'obligation baissera ici de manière assez importante d'environ -15%. Le cours passera alors de 102,40% du nominal à 87,40% du nominal. A l'inverse, une détente sur les taux ferait remonter la valorisation de l'obligation, puisque les nouvelles obligations seraient moins rémunératrices que les anciennes.

La sensibilité de l'obligation

On parle aussi de la sensibilité du cours face à une fluctuation de taux (ou simplement sensibilité de l'obligation).

« La notice de tout fonds obligataire doit indiquer sa sensibilité. Cet indice mesure l'incidence d'une baisse (hausse) de 1% des taux sur la valeur du fonds », explique le site la finance pour tous. Une sensibilité de -5 veut dire que le cours de l'obligation baisse de 5 points pour une augmentation de 1 point du rendement.

Dans l'exemple précédent avec la dette italienne et une durée restante de 29 ans, la sensibilité est particulièrement forte, avec une valeur de -15 puisque le cours passerait de 102,40% à 87,40% si le rendement du marché passait de 4,35% à 5,35%. C'est une règle générale : plus la durée restante est importante, plus la sensibilité est grande.

Avec cet indicateur, même s'il reste approximatif, vous pouvez savoir facilement à quoi vous attendre si jamais la BCE baisse drastiquement les taux directeurs, et que le rendement de votre obligation se retrouve divisé par deux !

Stratégie obligataire et risque financier

Avec ces bases du comportement, vous pouvez investir sereinement dans les obligations en direct, d'une manière plus sélective qu'avec un fonds obligataire. Vous pouvez ainsi prévoir différentes stratégies d'investissement :

  • Acheter des obligations pour leur rendement en les conservant jusqu'à leur remboursement complet, quelle que soit l'évolution du cours.
  • Acheter des obligations pour les revendre d'ici quelques mois ou années, quand la BCE aura abaissé les taux directeurs. Vous visez alors une plus-value et vous bénéficierez des intérêts courus et des coupons versés pendant la période.
  • Pour équilibrer un portefeuille boursier en y consacrant une part dans l'obligataire.
  • Et pourquoi pas de manière opportune lors d'une crise de la dette d'un État, à l'image de la Grèce en 2016, en achetant des obligations à bon compte, et en les revendant une fois les difficultés passées (à vos risques et périls).

Car, outre le risque de taux, investir dans la dette d'un État ou d'une entreprise présente plusieurs facteurs de risque. Le risque de défaut, c'est-à-dire l'impossibilité pour l'émetteur de rembourser sa dette, en cas de difficultés financières ou de faillite. Le risque de liquidité, quand il y a des complications voire une impossibilité de revendre une obligation sur un marché peu actif. Et enfin le risque de change, quand une obligation est libellée dans une autre devise que l'euro (ou que la devise de vos revenus).

Toutefois, ces risques sont moins élevés qu'un placement dans des actions de sociétés. En cas de faillite de l'entreprise, les porteurs d'obligation sont remboursés prioritairement aux actionnaires. La volatilité d'une obligation reste, par ailleurs, inférieure à celle d'une action.

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Acheter des obligations françaises

Les obligations de la France sont particulièrement accessibles aux particuliers, avec une coupure nominale de 1 euro. Plus généralement, et selon les bourses, les obligations d'États européens sont souvent négociables avec un montant minimum de 1 000 euros. Pour les obligations d'entreprise, au contraire, il n'est pas rare de trouver des valeurs nominales très élevées : 100 000 euros sur « Bouygues 4,625% 2023 » ou « Air Liquide 1% 2027 » par exemple.

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