La Banque centrale européenne va remonter ses taux directeurs dès le mois de juillet. Et par ricochet, plusieurs produits d'épargne pourraient voir leur taux augmenter dans les mois à venir. Explications.

C'est la fin d'une époque. Pendant des années, la Banque centrale européenne (BCE) a injecté en continu de l'argent pour soutenir l'économie européenne. Mais la donne est en train de changer. Au mois de mai, l'inflation en Europe a atteint 8,1%, soit son plus haut niveau depuis la création de la zone euro. Résultat ? Pour enrayer la hausse des prix, la BCE n'a plus le choix. Le jeudi 9 juin, à l'occasion du Conseil des gouverneurs, l'institution a annoncé la fin de son programme d'achats d'actifs, ainsi qu'une revalorisation de 25 points de base de ses taux directeurs, effective dès le 1er juillet prochain.

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Hausse graduelle

La hausse reste pour l'instant mesurée. D'une part pour éviter de freiner la reprise économique, déjà fragilisée par les pertes de pouvoir d'achat des ménages. Et d'autre part pour éviter de mettre en difficulté les Etats fortement endettés, comme l'Espagne, l'Italie ou, dans une moindre mesure, la France.

« Compte tenu du niveau d'inflation, les taux directeurs devraient plutôt être proches de 5 ou 6% », estime l'économiste Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'épargne. Or, même après la hausse de juillet, les taux de la BCE ne seront que de -0,25% pour le taux de dépôt, 0,25% pour le taux de refinancement, et 0,5% pour la facilité de prêt marginal. « Ce changement de politique monétaire marque un tournant pour l'économie européenne. C'est la fin de l'environnement de taux bas qui prédomine depuis plusieurs années », reprend Philippe Crevel. D'autant que la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a d'ores et déjà prévenu que de nouvelles hausses de taux sont à prévoir à partir de septembre.

Les premières conséquences sont déjà visibles : selon la Banque de France, les taux des crédits immobiliers sont passés de 1,10% en décembre à plus de 1,25% en mai. Mais si la remontée des taux est une mauvaise nouvelle pour certaines classes d'actifs, comme les actions, les cryptomonnaies, et l'immobilier, les produits d'épargne classiques pourraient, eux, tirer leur épingle du jeu.

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1. Le Livret A

Premiers gagnants de la hausse des taux directeurs, le Livret A et son faux jumeau, le Livret de développement durable et solidaire (LDDS), devraient vous rapporter plus dès le 1er août prochain. La rémunération de ces livrets avait déjà été revalorisée en février dernier, passant de 0,5 à 1%. Mais une nouvelle hausse semble probable.

Tous les 6 mois, la Banque de France calcule en effet le taux théorique du Livret A en se basant sur la moyenne arithmétique entre l'évolution de l'inflation annuelle hors tabac au cours du dernier semestre, et l'€STR, un indice basé sur les taux d'intérêt des prêts contractés par les banques de la zone euro à court terme en euros.

Or « si la BCE remonte ses taux, les banques commerciales vont devoir répercuter la hausse sur leurs propres taux d'emprunt, et l'€STR va augmenter », résume Philippe Crevel. Bilan : dans un précédent article, MoneyVox a estimé que le taux théorique du Livret A atteindrait 2% cet été.

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a d'ailleurs confirmé que le taux du Livret A serait revalorisé au 1er août. En revanche, il n'a pas précisé le montant de la hausse. Car c'est le gouvernement qui aura le dernier mot. « Le taux du Livret A est fixé de manière discrétionnaire », rappelle Philippe Crevel.

2. Le Livret Jeune

Le Livret Jeune devrait lui aussi profiter de la hausse des taux directeurs. Et pour cause : son taux, fixé librement par chaque établissement bancaire, doit être au moins égal à celui du Livret A. Si le taux du Livret A est revalorisé suite à la remontée des taux directeurs, le taux plancher du Livret Jeune augmentera donc mécaniquement. En moyenne, la rémunération de ce livret dépasse celle du Livret A de 0,50 point à 1 point. La banque HSBC, par exemple, propose un Livret Jeune rémunéré à 2%.

3. Le Livret d'épargne populaire

Le taux du Livret d'épargne populaire (LEP) correspond au chiffre le plus élevé entre le taux du Livret A augmenté de 0,5 point et la moyenne semestrielle de l'inflation hors tabac en glissement annuel. Or, avec une inflation 4,8% en avril puis 5,2% en mai, c'est sans doute ce second chiffre qui sera retenu pour calculer le taux théorique du LEP.

Résultat ? Au 1er août, le taux du LEP pourrait grimper à 4,5%, soit son plus haut niveau depuis 14 ans. De quoi peut-être accélérer l'adoption de ce produit d'épargne, souvent délaissé par les épargnants. Près de 50% des Français sont éligibles au LEP. Et pourtant, son taux de détention n'est que de 13,3%, selon le rapport 2020 de l'Observatoire de l'épargne réglementée de la Banque de France.

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4. Les Livrets bancaires

Les livrets bancaires ne sont pas un produit d'épargne réglementée. Les banques sont donc libres de choisir leur taux de rémunération. En avril, le rendement moyen de ces livrets était de 0,09%, selon les chiffres de la Banque de France. Et après prise en compte de la fiscalité, ces livrets ne rapportaient que 0,063%. Un niveau historiquement bas.

Pourtant, là encore, la remontée des taux directeurs pourrait bien faire bouger les choses. « La rémunération des livrets bancaires est en lien direct avec les taux des marchés monétaires », confirme Philippe Crevel, pour qui les taux de ces livrets devraient augmenter dès le trimestre prochain.

D'autant qu'en dépit de leur rémunération famélique, l'encours des livrets bancaires continue à progresser. Fin mars, il atteignait près de 220 milliards d'euros, soit 5 milliards de plus qu'il y a un an. « Il s'agit d'un marché très concurrentiel », complète Philippe Crevel. « Et certaines enseignes pourraient être tentées de remonter leur taux rapidement pour grappiller des parts de marché ».

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Les taux des comptes à terme en hausse

Dans le sillage des livrets bancaires, les comptes à terme profitent également de la rémontée des taux à venir. Ces comptes d'épargne offrent une rémunération plus attractive, sous réserve de bloquer son argent pendant une certaine durée qui va de 3 mois à 5 ans en général. Le compte à terme Distingo proposé par PSA Banque offre désormais une rémunération annuelle garantie brute qui peut atteindre 1%. Elle atteint désormais même 1,70% sur le compte à terme de Klarna d'une durée de 4 ans.

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5. Le PEL

Depuis 2011, la Banque de France peut réviser chaque année le taux du Plan d'épargne logement (PEL). Pour son calcul, l'institution s'appuie sur les taux sans risque du marché monétaire européen, dits « swap », à échéance 2, 5 et 10 ans. Dans le détail, la formule intègre 70% du taux swap à 5 ans et 30% du taux à 10 ans minoré du taux à 2 ans.

Sur papier, la hausse des taux directeurs devrait par conséquent entraîner une revalorisation des rendement servis par le PEL (1% avant fiscalité depuis 2016). Le cas échéant, le nouveau taux devra être publié d'ici le 5 décembre 2022 au plus tard. Toutefois, là encore, le gouvernement peut décider de déroger à la règle.

Particularité du PEL : le taux de rémunération est fixé à l'ouverture du contrat et ne change plus par la suite. Autrement dit, seules les nouvelles souscriptions seront concernées en cas de revalorisation du taux du PEL. De quoi peut-être relancer ce placement, dont le taux de détention n'a cessé de baisser depuis 2016 pour atteindre 19% en 2020.

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6. Les fonds euros de l'assurance vie

Le rendement moyen des fonds euros était de 3% en 2011. Mais après 10 années de baisse, il n'est plus que de 1,30%. Aujourd'hui, la lente dégringolade des fonds euros touche peut-être à sa fin. Car « l'épargne placée sur les fonds euros est ensuite investie en obligations assimilables du Trésor (OAT), c'est-à-dire en titres de dette de l'Etat », explique Philippe Crevel. Or, les taux des OAT sont en partie corrélés aux taux de la BCE.

L'anticipation de la remontée des taux directeurs produit déjà ses premiers effets : le 15 mai, le taux de l'OAT 10 ans était de 1,5%. Un mois plus tard, il progresse à 2,33%. « La remontée des taux directeurs ne fera que renforcer le mouvement de hausse que l'on observe déjà depuis le début d'année sur les OAT », estime Philippe Crevel.

Toutefois, il faudra encore attendre un peu avant de constater une réelle différence sur les rendements de vos fonds euros. « Une grande partie de ces fonds est déjà investie dans d'anciennes obligations. Il y a donc une forte inertie, à la hausse comme à la baisse », poursuit l'économiste.

De nouveaux fonds euros pourraient cependant voir le jour, pour tenter de capter les bons niveaux de rémunération actuels des OAT, et proposer des rendements plus élevés. En réponse, les assureurs traditionnels pourraient de leur côté puiser dans les réserves des fonds euros pour éviter que l'écart avec ces nouveaux fonds devienne trop important.

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