Marine Le Pen, qui affronte Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle dimanche 24 avril, veut exonérer d'impôt sur le revenu les jeunes de moins de 30 ans pour que ceux-ci « restent en France. » Cette mesure est-elle applicable ? Pas sûr.

« Il n'est pas envisagé de nouvelle réforme d'ampleur à brève échéance. (...) Simplement, nous permettrons aux couples qui vivent ensemble de réduire leur impôt sur le revenu en se déclarant comme s'ils étaient mariés ou pacsés », a répondu Emmanuel Macron aux Echos sur la question de l'impôt sur le revenu. En revanche, sa concurrente au second tour de la présidentielle, Marine Le Pen, défend une proposition originale : exonérer d'IR (et d'impôt sur les sociétés le cas échéant) tous les Français de moins de 30 ans pour cinq ans.

Aucune condition de revenus ne sera accolée à cette mesure censée éviter la fuite des talents vers l'étranger. « 80% de nos jeunes partiraient si on leur proposait un emploi mieux payé à l'étranger, a donc assuré Marine Le Pen sur France Inter en novembre dernier. Je ne veux pas qu'ils partent, je veux qu'ils construisent des entreprises, qu'ils s'installent avec leurs familles et envisagent leur avenir en France. »

Mbappé comme un jeune payé au Smic

Mais dans ce système, l'attaquant star du PSG Kylian MBappé est aussi bien loti que qu'un jeune de son âge payé au Smic... et qui paye probablement peu d'impôt comme la majorité des jeunes en début de carrière.

« Ce n'est pas de la poudre de perlimpinpin », a assuré Marine Le Pen juste avant le premier tour en usant d'une formule chère à Emmanuel Macron. Pourtant, cette exonération pour les moins de 30 ans pourrait surtout faire face à une barrière constitutionnelle. « La jurisprudence du Conseil constitutionnel interdit la mise en œuvre d'un tel projet : sur le fondement de l'article 13 de la Déclaration de 1789, le Conseil s'applique à contrôler le respect par le législateur du principe d'égalité devant les charges publiques. Or, si ce principe n'interdit pas de traiter différemment des personnes dotées des mêmes « capacités contributives » au regard de considérations d'intérêt général (exemple : deux foyers de même revenu mais employant, pour l'un et pas pour l'autre, du personnel à domicile : seuls les premiers bénéficieront d'un crédit d'impôt réduisant leur charge fiscale), c'est uniquement si le motif de distinction apparaît « rationnel et objectif » et cohérent avec l'objectif d'intérêt général poursuivi par le législateur », analyse Martin Collet, professeur de droit public à l'université de Paris-Panthéon-Assas.

Une condition de revenus introduite a minima

Un résumé précis qui ne colle pas vraiment avec la proposition de la candidate RN. Quel pourrait être le motif d'intérêt général pouvant justifier que des personnes de moins de trente ans bénéficient d'une même exonération, indépendamment de leurs capacités contributives ? A minima, « une condition de revenus devrait être introduite dans la proposition », estime Martin Collet.

Une analyse partagée par François Ecalle, président de Fipeco, un site d'informations sur les finances publiques et ancien rapporteur général à la Cour des comptes qui rappelle que « l'impôt est progressif pour tous, sert la redistribution aux plus fragiles et que seul le revenu entre en compte. »

Mais Marine Le Pen n'en est pas à son coup d'essai. Dans son programme 2022, il est plusieurs fois fait mention de préférence nationale. Une mesure qui induit une « une rupture d'égalité inconstitutionnelle », selon l'analyse de Nonna Mayer, directrice de recherche émérite au CNRS, interrogée par Mediapart.