L’argent n’est évidemment pas la première des préoccupations suite à une tentative de suicide… Pourtant, cet événement peut avoir des répercussions financières handicapantes, à court ou moyen terme.
Plus de 220 000 tentatives de suicide chaque année en France (1) : la souffrance psychologique est loin d’être une exception ! Une personne sur cinq affronte des problèmes psychiques au cours de sa vie, comme le répètent psychiatres, associations de prévention et observatoires publics.
Quand se pose la question de la vie après un tel acte, l’aspect financier n’est évidemment pas la première conséquence qui vient à l’esprit. Mais il existe un risque de « double peine », quand un préjudice financier s’ajoute à une souffrance morale. Sans que ces conséquences pécuniaires ne soient systématiques.
Prêt immobilier : des freins suite à une tentative à cause de l’assurance ?
Si la tentative de suicide nécessite une hospitalisation, un traitement médical ou encore si elle a engendré un long arrêt de travail, elle pourrait avoir une incidence sur l’accès au crédit immobilier. Pourquoi ? Car il est interdit de mentir ou d’omettre des informations sur un questionnaire de santé d’assurance emprunteur. Or, parmi les questions standards figurent l’hospitalisation récente ou encore les traitements médicaux (antidépresseurs, anxiolytiques…). « Dans les questionnaires de santé il n’y aucune question relevant des tentatives de suicide mais plutôt des dépressions, catégorisées comme “maladies non objectivables”, si celles-ci causent un arrêt de travail supérieur à 90 jours ou par exemple une hospitalisation supérieure à X jours », explique Astrid Cousin, porte-parole du comparateur Magnolia.fr.
« Si vous n’êtes plus suivi ou traité pour, il n’y a pas de raison que l’assurance de prêt en tienne compte »
Cet « antécédent » n’empêche heureusement pas toujours d’emprunter. « Si vous n’êtes plus suivi ou traité pour, il n’y a pas de raison que l’assurance de prêt en tienne compte », explique Antoine Fruchard, fondateur de Réassurez-moi.fr. Mais si la tentative de suicide apparaît dans l’historique médical, cela peut être un frein handicapant, à des degrés divers selon l’assureur et le médecin auquel ce dernier fait appel : « La première conséquence est l’exclusion de certaines garanties, la couverture perte d’emploi par exemple. La deuxième conséquence est une surprime [une cotisation mensuelle d’assurance majorée, NDLR] : le coût de l’assurance emprunteur peut être doublé ou multiplié par 2,5. La troisième conséquence, la plus pénalisante, est un refus. » Antoine Fruchard estime à 20% le nombre de dossiers refusés à cause d’un antécédent psychique, et ce malgré la convention Aeras, dispositif censé permettre d’emprunter malgré un « risque aggravé ».
Magnolia a récemment consacré une étude au crédit immobilier suite à un « burn-out ». Dans 70% des cas, l’assureur accepte de couvrir pleinement l’emprunteur en excluant toutefois les « conséquences d’un éventuel arrêt de travail lié à une pathologie psychiatrique ». L’assureur évite ainsi de couvrir une récidive de la dépression. Concernant le burn-out, 28% des dossiers sont couverts partiellement, mais uniquement sur le décès et plus sur l’incapacité temporaire totale ; pour 2% de refus. Astrid Cousin ajoute que certains assureurs proposent un questionnaire de santé spécifique aux « maladies non objectivables », lequel fait parfois mention de la mention « tentative de suicide » au fil d’une énumération d’« affections psychiques ».
L’assurance emprunteur et l’exclusion de garantie du suicide
L’assurance de prêt immobilier comporte toujours une garantie décès. Or : « L’assurance en cas de décès est de nul effet si l'assuré se donne volontairement la mort au cours de la première année du contrat », dispose l’article L132-7 du Code des assurances. L’assurance décès ne s’applique donc pas en cas de suicide lors des 12 mois suivant la signature du contrat…
La loi prévoit justement une exception pour l’assurance de prêt : la loi impose à l’assureur une indemnisation minimale plafonnée à 120 000 euros, si cette garantie décès couvrait l’acquisition d’une résidence principale.
Mutuelle santé : d’éventuelles exclusions à court terme, pas à long terme
Les petites lignes des complémentaires santé peuvent elles aussi avoir l’effet d’une « double peine » pour une personne ayant tenté de mettre fin à ses jours. En effet, le Code des assurances (2) impose aux complémentaires santé la prise en charge des « cas fortuits » causés par l’assuré, sauf si les « dommages » proviennent d’une « faute intentionnelle ». Or un assureur santé peut se réfugier derrière le caractère intentionnel de la tentative de suicide pour ne pas rembourser certains frais. Tout dépend, dans ce cas, des termes du contrat.
Benoît LETY
Benoît LETY suit principalement les thématiques impôt, retraite, salaire, aides sociales et épluche chaque semaine les questions de lecteurs. Tout... Lire la suite
© MoneyVox / BL avec Carole-Anne CORNET / Février 2021