Le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, présentera le volet épargne et financement de son projet de loi Pacte ce jeudi, lors des Assises de l’épargne et de la fiscalité organisées par l’Afer. Interview de Gérard Bekerman, le président de l’association d’épargnants Afer.

Vous attendez-vous encore à des surprises suite aux annonces de Bruno Le Maire fin mars ?

Gérard Bekerman : « A ce jour, les surprises ont été de bonnes surprises. Et nous n’anticipons rien de mal pour les prochaines annonces. »

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Concernant l’assurance-vie, verra-t-on selon vous un jour le « fonds euro bonifié » évoqué dans le rapport Barrot-Zagury ?

G.B. : « Grâce à l’action de l’Afer, ce projet est enterré. Il est bien là où il est. Je ne suis pas convaincu que l’ACPR aurait estimé que l’Euro bonifié eût été un bon conseil. Ce nouveau produit aurait été bonifié surtout pour les assureurs, mais minifié pour les assurés. C’était la porte ouverte à la démutualisation de l’assurance-vie. A l’Afer, jeune ou âgé, modeste ou fortuné, ancien ou nouvel adhérent, les avantages sont les mêmes pour tous. Désormais, ce nouveau produit imaginé à la demande des assureurs n’est plus à l’ordre du jour ! »

Pour l’heure, Bruno Le Maire est resté relativement flou sur la rénovation de l’euro-croissance…

Une « poche de risque » plus performante et une « prime à la fidélité »

G.B. : « Les portes de Bercy s’ouvrent. Le dialogue est constructif. Nous avons pu échanger avec Bercy sur l’euro-croissance bis. Les évolutions envisagées nous semblent positives. Premier point : le calcul de la PDD, la poche de risque, n’est plus rattaché au TEC [taux de rendement des emprunts d’Etat, NDLR]. Dans l’environnement actuel de taux bas, cette contrainte de référencement au TEC limitait à 10% environ la provision de diversification (PDD) de l’euro-croissance. Bercy accepte de supprimer ce rattachement au TEC, donc les actifs des supports euro-croissance pourront plus facilement être investis dans l’equity, dans l’économie réelle, etc. Ce sera forcément positif pour les rendements ! Deuxième point : la prime de fidélité. Au-delà d’une certaine durée de détention, les épargnants profiteront d’un bonus de rendement sur leurs supports euro-croissance, ce qui, au passage, corrigerait les effets négatifs de la flat tax, qui a uniformisé l’incitation à la détention longue avec le court terme. »

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Ce fonds euro-croissance bis se rapprochera-t-il ainsi du fonds en euros ?

G.B. : « Non, c’est un contresens ! Au contraire, les arbitrages se feront en défaveur des fonds en euros vers l’euro-croissance. A l’Afer, nous avons toujours cru en l’euro-croissance, qui est un bon véhicule de financement de l’économie réelle. »

Que pensez-vous des différents projets de produit d’épargne retraite unique, Revavie pour les assureurs, Compte Avenir dans le rapport Zagury-Barrot ?

G.B. : « Sur le fond, c’est une très bonne idée ! Nous sommes favorables à un régime fiscal unique pour les différents produits d’épargne retraite. Déjà, le gouvernement a compris qu’il ne faut plus toucher à la fiscalité de l’assurance-vie, ce qui est un très bon point. Concernant l’épargne retraite, le nouveau dispositif reposera sur la portabilité des produits. Et Bercy a accepté d’unifier les dispositifs de sortie en laissant le choix aux épargnants : sortie en capital ou en rente. »

Sera-t-il donc possible de sortir à 100% en capital ou à 100% en rente ?

« Une fiscalité préférentielle pour la sortie en rente »

G.B. : « Attention, ce n’est pas parce qu’on donne de la liberté qu’il faut en abuser. Ce que le gouvernement a en tête, c’est d’autoriser la liberté. Il s’agirait donc effectivement d’une liberté intégrale de sortie pour l’épargnant à l’âge de la retraite, en rente ou en capital, mais avec une fiscalité préférentielle pour la sortie en rente. Ce principe de liberté nous semble vertueux. »

L’Afer a accueilli favorablement les premières annonces de Bruno Le Maire sur la loi Pacte. Pourtant, vous avez lancé une pétition…

G.B. : « Oui, cette pétition va plus loin que le projet de loi Pacte, qui lui va entrer dans un long cycle parlementaire, probablement jusqu’à l’automne prochain. Au-delà de ce texte, l’Afer va maintenir la pression sur la stabilité des règles fiscales notamment. Nous serons aussi très sensibles, lors des débats parlementaires, à notre proposition d’inscrire un article 1 au code général des impôts, afin de porter en priorité la règle de la confiance envers les citoyens : en cas de doute dans l’interprétation des textes fiscaux, l’intérêt des contribuables doit prévaloir. »