Le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, a demandé mardi à la Cour de justice de la République (CJR) d'ouvrir une enquête contre la ministre de l'Economie Christine Lagarde pour abus d'autorité dans l'arbitrage favorable à Bernard Tapie.

Jean-Louis Nadal a saisi la commission des requêtes de la CJR. Celle-ci devrait se prononcer d'ici un moi sur le dossier et déterminer si la requête est recevable. Si tel était le cas, le procureur général saisirait immédiatement la commission d'instruction de la CJR, qui mènerait ses investigations, avant un éventuel renvoi devant la CJR.

Cette décision fait suite à un courrier, adressé il y a quelques semaines à Jean-Louis Nadal par des députés socialistes afin d'obtenir la saisine de la CJR. Ils y visaient le choix de la ministre de l'Economie de recourir à un tribunal arbitral dans le règlement de cette affaire, plutôt que de s'en remettre à la justice traditionnelle, en l'espèce la cour d'appel de Paris.

Soupçons d'illégalité

Jean-Louis Nadal avait donné au ministère de l'Economie, à la Cour des comptes et à la commission des Finances de l'Assemblée nationale jusqu'au 20 avril pour lui transmettre des éléments complémentaires relatifs à la sentence rendue par le tribunal arbitral. « L'ensemble de ces pièces a permis au procureur général de relever de nombreux motifs de suspecter la régularité, voire la légalité du règlement arbitral litigieux pouvant caractériser le délit d'abus d'autorité », écrit le parquet général dans un communiqué.

Fin 2007, Christine Lagarde avait ordonné la désignation de trois juges-arbitres pour trancher une bonne fois pour toutes le litige tentaculaire opposant depuis douze ans Bernard Tapie au Crédit Lyonnais dans le cadre de la vente d'Adidas. Après six mois de travail, en juillet 2008, le tribunal arbitral avait condamné le Consortium de réalisation (CDR, gérant le passif de la banque) à verser 240 millions d'euros de réparation à M. Tapie, auxquels s'ajoutaient une centaine de millions d'euros d'intérêts et 45 millions d'euros pour préjudice moral. Cette décision avait alors provoqué l'indignation de nombreux parlementaires de gauche.