« Mieux partager la valeur au sein des entreprises » : tel est l'objectif du gouvernement avec le projet de loi sur le partage de la valeur. Un texte basé sur un accord entre patronat et syndicats majoritaires, et que le gouvernement compte faire adopter par le Parlement dès cet été. Au menu : des nouveautés pour la prime Macron, les dispositifs d'épargne salariale, et l'actionnariat salarié.

« Aller encore plus loin » que les dernières lois sur la redistribution des gains des entreprises aux salariés. Pour ce faire, le ministre du Travail Olivier Dussopt compte jouer sur plusieurs cartes, citant les « dispositifs d'intéressement, de participation, de versement de la prime de partage de la valeur, d'abondement de plans d'épargne ou d'attribution gratuite d'actions permettent de lier plus directement la rémunération du travail à la performance de l'entreprise ».

Le projet de loi qu'a présenté Olivier Dussopt ce mercredi 24 mai en Conseil des ministres repose sur l'accord national interprofessionnel (ANI) signé le 10 février dernier par les organisations patronales et par 4 syndicats (CFDT, FO, CGC, CFTC) sur 5 à l'exception de la CGT. Le texte qui sera soumis lors des prochaines semaines au Parlement n'est pas encore publié mais le contenu des 15 articles de ce texte ne fait plus l'objet d'aucun suspense. Tour d'horizon des principaux changements à attendre.

Prime Macron en deux fois, et éligible au PEE

La prime Macron, anciennement prime exceptionnelle de pouvoir d'achat transformée en prime de partage de la valeur (PPV) mi-2022, est plus élevée depuis que le plafond a été reboosté : la prime, de 400 à 600 euros en moyenne jusqu'à présent, est passée à 790 euros par salarié en 2022 selon les chiffres du ministère du Travail. Le nombre de bénéficiaires, en revanche, reste constant : 5,5 millions de salariés bénéficiaires en 2022 contre 4 à 5 millions selon les années entre 2019 et 2021.

Cette prime qui vous prive d'une véritable augmentation de salaire

Quelles nouveautés à venir ? Le plafond, passé à 3 000 euros voire 6 000 euros en cas d'accord d'entreprise sur ces dispositifs de partage des profits, ne bougera pas. Mais le texte ouvre la porte à une double prime au lieu d'une seule, chaque année. A condition que le cumul des deux primes ne dépasse pas le plafond annuel qui restera donc à 3 000 euros (ou 6 000 euros en cas d'accord).

Le texte ouvre aussi la porte à un versement de cette prime Macron sur un plan d'épargne salariale. Quel intérêt ? A ce jour aucun (mis à part le fait de miser sur un placement financier) puisque la prime Macron est totalement défiscalisée. Mais, en 2024, cette défiscalisation intégrale prendra fin. Placer la PPV sur un plan d'épargne entreprise (PEE) permettra alors d'échapper à l'impôt sur le revenu, exactement le même arbitrage que pour les primes d'intéressement et de participation actuellement.

Ultime subtilité : la prime Macron version PPV restera totalement défiscalisée jusqu'en 2026 pour les salariés des petites entreprises (moins de 50 salariés) si leur rémunération est inférieure à 3 Smic. Olivier Dussopt reconnaît un risque constitutionnel concernant cette mesure, qui figure dans l'accord signé par le syndicats : « nous savons ce risque au regard de l'égalité vis-à-vis de l'impôt », a déclaré le ministre du Travail en conférence de presse suite au Conseil des ministres, assumant ce risque pour coller à l'accord national interprofessionnel.

Intéressement et participation : des obligations pour les entreprises à partir de 11 salariés

De l'épargne salariale en petite entreprise ? Le projet de loi prévoit que les entreprises entre 11 et 49 salariés mettent en place au moins un dispositif de partage de la valeur à partir du 1er janvier 2025. Principale condition : être rentable... durablement : si le bénéfice net représente au moins 1% du chiffre d'affaires pendant 3 années consécutives. Le gouvernement a retenu cette date d'entrée en vigueur, contrairement à la recommandation du rapport des députés Louis Margueritte (Renaissance) et Eva Sas (EELV) publié le 12 avril : celui-ci préconisait une mise en pratique « dès 2024 » au « regard du contexte inflationniste actuel ». Le gouvernement reste fidèle à l'horizon 2025, conformément à l'accord signé par le patronat et les syndicats.

Partage renforcé en cas de bénéfice exceptionnel ? « L'article 5 crée une nouvelle obligation de négocier sur les bénéfices exceptionnels », lit-on dans le dossier de presse. Les entreprises de plus de 50 salariés devront obligatoirement prévoir un dispositif de partage des profits avec les salariés en cas d'année exceptionnellement profitable.

En clair, un intéressement ou une participation réhaussé ponctuellement. Reste à définir où se situe ce seuil de résultat exceptionnel... « L'accord prévoit que c'est le chef d'entreprise qui décide si le résultat est exceptionnel ou non », rappelle Olivier Dussopt. Une liberté laissée à l'employeur qui a fait tiquer le Conseil d'Etat. Finalement, le texte renvoie à la négociation d'entreprise (via les représentants du personnel) pour définir ce seuil. « Nous allons travailler avec le Parlement » pour affiner la définition de ce caractère exceptionnel, promet Olivier Dussopt. Ce qui fait que cette mesure reste la plus flou de ce projet de loi.

Trop de primes, pas assez de salaire ? Les syndicats n'ont pas caché une inquiétude, face au développement de ces dispositifs de partage de la valeur : que les primes prennent la place de hausses de salaire. Olivier Dussopt reconnaît lui-même que le « principe de non substitution de la prime au salaire (...) constitue un élément important de l'accord » signé par les syndicats. Mais « c'est une disposition qui existe déjà dans le Code du travail », a souligné Olivier Dussopt en sortie de Conseil des ministres. « Il n'est pas nécessaire de le répéter dans le projet de loi ».

Actionnariat salarié : transparence sur la gestion des fonds

Le projet de loi partage de la valeur porte aussi un large volet sur l'actionnariat salarié. Avec à la clé des mesures censées améliorer la gouvernance des fonds d'actionariat salarié, afin que les sociétés de gestion rendent des comptes « chaque année » au conseil de surveillance ; « promouvoir une épargne verte, solidaire et responsable » dans les PEE et plans d'épargne retraite (PER) d'entreprise. Et « ouvrir un plus grande portion du capital aux salariés actionnaires », notamment en augmentant le « plafond global général d'attribution d'actions gratuites ».

Placement : 5 atouts et 5 faiblesses de l'épargne salariale (à connaître avant d'investir)