Fins de mois difficiles, dépenses imprévues : certains salariés aimeraient, en cas de besoin, pouvoir toucher une fraction de leur salaire avant la fin du mois. Le droit de travail ne le permet pas, mais quelques fintechs proposent des solutions.

On ne compte plus les sondages qui mettent en évidence les difficultés vécues par une partie de la population face au retour de l'inflation depuis deux ans. L'un d'entre eux, réalisé par l'Ifop pour Monpetitforfait (1), affirmait récemment que près d'un Français sur trois (31% précisément) disposait de moins de 100 euros sur son compte après avoir réglé ses dépenses contraintes (loyers, factures, abonnements...). Difficile, dans ce contexte, d'éviter les découverts ou le recours à un crédit conso en cas de dépense imprévue.

Une des solutions possibles à ces problèmes de décalage de trésorerie se nomme l'acompte sur salaire (2). En France, c'est un droit inscrit dans le Code du travail : tout salarié peut en faire la demande à son employeur, qui se doit d'accepter. Il a l'immense avantage d'être gratuit pour le salarié, alors que le coût d'un découvert non autorisé peut rapidement se chiffrer en dizaines d'euros. Mais il doit rester exceptionnel et son cadre est peu souple : cet acompte correspond nécessairement à la moitié de la rémunération mensuelle, versée au terme de la 1ère quinzaine du mois.

Une proposition de loi pour assouplir le cadre

Signe que le sujet est d'actualité, une proposition de loi déposée fin avril par des députés LR (3) veut assouplir ce cadre. En autorisant, d'abord, les employeurs, en accord avec les salariés, à verser les salaires toutes les deux semaines. En permettant ensuite aux salariés qui en font la requête de faire jusqu'à 3 demandes d'acompte par mois, les 7, 14 et 21 du mois. Il s'agit, en clair, d'introduire la possibilité d'un paiement à la semaine, comme cela existe dans les pays anglo-saxons, notamment.

Si elle a, a priori, peu de chance d'aboutir, cette proposition de loi rencontre les préoccupations d'un nombre croissant de salariés, en particulier parmi les plus jeunes. Selon un sondage, à paraître jeudi, réalisé par l'Ifop pour Payfit, 23% des sondés ont demandé un acompte de salaire en 2023, chiffre qui monte à 36% par les 18-34 ans. Un autre sondage (4), un peu plus ancien, l'affirme : pour 37% des sondés, changer le rythme de versement des revenus leur permettraient de mieux gérer leur budget. 39% seraient intéressés par le fait de recevoir leurs revenus tous les quinze jours, 27% chaque semaine et 19% tous les jours.

Des fintechs flairent le filon

En attendant que la réglementation sur le sujet évolue, des jeunes entreprises technologiques ont flairé le filon. Elles se nomment Stairwage, Rosaly ou Spayr et proposent toutes, peu ou prou, le même service.

Côté salarié, la promesse est la suivante : vous pouvez suivre en temps réel, dans une application mobile, le montant de votre salaire disponible, sur la base des jours déjà travaillés, et demander le versement, immédiat et sans frais, d'une partie de cette somme sur votre compte. Côté employeur, l'enjeu est plutôt symbolique. Il s'agit d'améliorer son image de marque et de fidéliser ainsi les collaborateurs, en leur offrant notamment la possibilité d'éviter les découverts.

La demande, toutefois, est encore embryonnaire. Stairwage, qui se présente comme le leader de ce petit marché, revendique 1 000 clients en France, soit 0,7% environ du total des entreprises du pays.

(1) Étude Ifop pour MonPetitForfait réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 5 au 9 mai 2023 auprès d'un échantillon de 1 525 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. (2) A ne pas confondre avec l'avance sur salaire, qui s'apparente à un prêt, et que l'employeur est en droit de refuser. (3) Proposition de loi visant à renforcer et élargir le droit à l'acompte sur salaire, n° 1130, déposée le mardi 25 avril 2023. (4) Sondage OpinionWay pour Rosaly, réalisée du 5 au 6 janvier 2022 et du 26 au 27 janvier 2022, auprès d'échantillons de 1 027 et de 1 028 personnes, représentatifs de la population française âgée de 18 ans et plus, constitués selon la méthode des quotas.