La dernière réunion du cycle de négociations entre organisations patronales et représentants de salariés, qui gèrent le régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco, doit se tenir mercredi après-midi. Mais il subsiste un doute sur l'issue favorable des discussions. En cause : le financement du régime à moyen et long terme. Dégât collatéral : le sort du malus, toujours en suspens.

La bataille fait rage à l'Agirc-Arrco. Les négociations paritaires entre patronat et syndicats du régime complémentaire, sujet habituellement réservé aux spécialistes, ont cette semaine écho lors des matinales radio. Car l'Etat est venu - indirectement - mettre son nez dans les négociations par le biais du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qui prévoit « une contribution des régimes de retraite complémentaire ».

Rien à voir avec le fameux bonus/malus de l'Agirc-Arrco, qui grève pendant 3 ans de 10% la complémentaire de ceux qui partent à la retraite à l'âge du taux plein ? En apparence, rien à voir. Dans les faits, le devenir du malus - dites « cœfficient de solidarité » - est au cœur des négociations. Des négociations déjà tendues en juin, annoncées périlleuses en septembre, et complexifiées par l'entremise de l'Etat début octobre. Pour le malus, trois cas de figure sont envisageables. En sachant que deux scénarii sont en ballotage... Le point.

MISE À JOUR. Actuels ou futurs retraités : quand votre malus Agirc-Arrco de 10% sera-t-il supprimé ?

Scénario 1 - Le statu quo. Improbable !

Personne, autour de la table, ne souhaite le statu quo. Ni le patronat. Ni les syndicats de salariés. Alors pourquoi le maintien durable du malus Agirc-Arrco est-il tout de même envisageable ? Car c'est le scénario de l'absence d'accord.

Si les représentants patronaux et de salariés qui co-gèrent le régime Agirc-Arrco ne parviennent pas à s'accorder sur un nouvel accord national interprofessionnel - le texte de référence pour les 4 prochaines années - alors ce sera l'accord existant qui perdurera. Avec le malus. Mais personne ne le souhaite. Ce scénario est très improbable. Mais c'est le scénario du pire, l'absence d'accord, pour toutes organisations autour de la table.

Retraite complémentaire Agirc-Arrco : le malus de 10% sera-t-il supprimé suite à la réforme ?

Scénario 2 - Suppression pour les retraités pénalisés par la réforme. Quasi acquis.

Supprimer le bonus/malus de 10% du prochain accord, pour tous ceux qui partent à la retraite à compter de cette fin 2023. En clair : supprimer le malus pour ceux qui vont devoir travailler plus longtemps pour cause de recul de l'âge légal suite à la réforme des retraites.

Réforme des retraites : combien de trimestres devrez-vous travailler en plus ?

La suppression pour l'avenir, le « flux » de nouveaux retraités, c'est acquis. Du moins si l'accord est signé. Le patronat est d'accord. Les syndicats voient cela comme la moindre des choses.

Scénario 3 - Suppression pour les retraités aujourd'hui pénalisés par le malus. En arbitrage...

« Le flux du stock, c'est ce qui est en négociation », reconnaît Eric Chevée, vice-président chargé des Affaires sociales de la Confédération des PME (CPME). Le « flux du stock », traduction ? Ceux qui sont partis à la retraite voici 1 ou 2 ans... qui sont donc actuellement encore pénalisés par le malus, puisque le cœfficient de solidarité rogne votre complémentaire pendant 3 ans. Donc ceux qui ont déjà commencé à « payer » un malus et qui doivent encore le payer pour plusieurs mois. La question se pose dans leur cas de leur faire cadeau des derniers mois de malus. « Est-ce qu'on annule ou pas pour le restant à courir ? », poursuit Eric Chevée. « C'est juridiquement possible. Est-ce politiquement souhaitable ? Il y a une demande d'arbirtrage. » Hypothèse ouverte, dans le cadre des négociations.

Bonus : scénario 3 bis, remboursement des malus passés. Complexe.

« [Le patronat] souhaite que cela ne s'arrête que pour le flux, pour ceux concernés par la réforme pour des départs à partir du 1er septembre 2023, explique Michel Beaugas, de Force ouvrière (FO). Pour nous, cela doit être pour tous. Le stock [les malus déjà payés par le passé, NDLR] y compris. On avait pu sentir une inflexion. Ce n'est plus le cas. »

« Si on ne sort pas du stock, ce n'est pas acceptable », coupe Régis Mezzasalma, conseiller confédéral CGT en charge des retraites : « Pour nous cela fait partie des prérequis. Certes, les gens chosissent de liquider leur retraite mais peut-être le font-ils parce qu'ils ne sont plus en capacité de travailler : un malus, c'est une double sanction. »

Selon une source proche des négociations, la question du « stock » reste toutefois trop complexe, techniquement parlant. Le remboursement et recalcul d'anciennes pensions serait délicat et trop coûteux pour les gestionnaires de l'Agirc-Arrco. Raison pour laquelle le patronat pourrait tout de même lâcher du lest sur le « flux du stock » (scénario 3) afin de faire un geste envers les représentants syndicaux.

A quand la fin du suspense ?

Difficile d'affirmer que l'issue de la dernière réunion, mercredi 4 octobre, sera favorable. A écouter les différents participants à ces réunions, de tous bords, les avis divergent. « Je suis d'un naturel plutôt optimiste », glisse Eric Chevée, représentant de la CPME, l'une des principales organisations patronales, à MoneyVox. « Il me semblait que l'on s'était accordé sur les paramètres sur la table. Je pensais que la dernière séance permettrait de régler les curseurs. »

« Il n'est pas envisageable que nous financions le minimum contributif à la hauteur que semble le vouloir le gouvernement »

« L'accord ne sera pas celui qu'on nous a proposé aujourd'hui [propos tenus vendredi 29 septembre, après l'avant-dernière réunion, NDLR], sinon pas la peine que l'on y aille le 4 octobre », coupait tout de même Michel Beaugas, représentant de Force ouvrière. La CGT se montre encore plus pessimiste mais elle était le seul syndicat de salariés à ne pas avoir signé les deux derniers accords.

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Dans les colonnes de son magazine interne Syndicalisme Hebdo, le représentant de la CFDT Yvan Ricordeau répète lui aussi que rien n'est gagné avant la réunion du 4 octobre : « Le régime est solide financièrement mais nous n'avons pas de grandes marges de manœuvre. Une fois que nous aurons acté la fin du malus, la mise en place d'un cumul emploi-retraite et revalorisé les pensions, il n'est pas envisageable que nous financions le minimum contributif à la hauteur que semble le vouloir le gouvernement [de 1 à 3 milliards d'euros]. »

Une source proche du dossier confie toutefois à MoneyVox que l'issue de la réunion du 4 octobre a de grandes chances d'être décevante. Pour cause de budget de la Sécu qui ouvre la porte à une contribution imposante et régulière de l'Agirc-Arrco au financement de la réforme des retraites, au-delà de la seule participation au financement des petites retraites, comme cela avait initialement été budgété.

En bref, sans entrer dans les détails budgétaires : la donne budgétaire a changé et cela complique les marges de manœuvre pour le futur accord. Par conséquent, une ultime réunion programmée en fin de semaine sera peut-être nécessaire.

Ultime échéance ? Techniquement, pour que l'Agirc-Arrco puisse mettre en musique le nouvel accord, un accord devra impérativement être ficelé d'ici le tout début de semaine prochaine, les 9 et 10 octobre.