Le plan d'épargne retraite séduit. Près de 4 millions de PER ont été vendus en 2 ans, la moitié en épargne salariale, et l'autre moitié à des particuliers soucieux de booster leur retraite... tout en réduisant leur impôt sur le revenu. L'apparente simplicité du produit cache toutefois 3 subtilités d'importance, pour éviter les mauvaises surprises.

1 - Imposition, rente... De petites cases à ne pas prendre à la légère

PER = moins d'impôts. Ça, le grand public l'a probablement bien compris puisque la fiscalité est l'un des principaux arguments mis en avant pour vanter les mérites du plan d'épargne retraite (PER). Plus précisément, quand vous versez sur un PER, vous réduisez votre revenu imposable : 1 000 euros de revenus annuels imposables en moins si vous déposez 1 000 euros. On parle de déduction fiscale, ce qui in fine revient à réduire votre impôt, mais dans des proportions différentes selon votre niveau d'imposition (ou « taux marginal d'imposition »).

Versement de 1 000 € sur un PER, avec déduction
Taux marginal d'impôt sur le revenuGain sur l'impôt à payer
0%0€
11%110 €*
30%300 €
41%410 €
45%450 €

* Hors décote

Comment réduire vos impôts avec le PER

Mais saviez-vous que vous pouvez renoncer à cette déduction fiscale ? A la clé, une imposition plus douce de votre épargne une fois débloquée à la retraite. L'avantage fiscal étant proportionnel au taux marginal d'imposition, les ménages peu ou pas imposés n'ont ainsi que peu d'intérêt à opter pour la déductibilité.

Le bulletin d'adhésion de tout PER individuel vous permet d'effectuer ce choix stratégique. Mais encore faut-il le savoir ! Le plus souvent, y apparaît la mention suivante : « Je renonce à la déductibilité fiscale de mon versement », suivi de « oui » ou « non », ou d'une case à cocher si vous voulez renoncer à la déduction fiscale. De fait, leurs clients visant en masse cette déduction, les courtiers en ligne interrogés par la rédaction évoquent une « part insignifiante » de clients cochant cette case : 1% à 2% par exemple chez Meilleurtaux Placement. Benoît Berchebru, directeur de l'ingénierie patrimoniale chez Nortia, estime que les épargnants sont bien informés sur ce point, y compris dans les réseaux bancaires : « Sur le choix de la déduction ou non, oui, le conseil existe, puisque la défiscalisation est l'un des aspects les plus importants » du PER.

Mais même pour une clientèle « aisée », cette case ne doit pas être prise à la légère : car vous pouvez changer d'option fiscale d'une année à l'autre ! Rien ne vous empêche de choisir ponctuellement la non-déductibilité, une année de creux d'activité ou de moindres revenus, afin de réduire l'impôt à payer à la retraite sur cette partie du capital, comme le confirme Christine Valence, ingénieur patrimonial au sein de BNP Paribas Banque Privée : « Les indépendants et les professions libérales peuvent être sujets à des fluctuations de revenus. Cela peut être également le cas en présence d'un changement ou d'une cessation d'activité. »

Rente : attention à cette option irrévocable !

Voilà une ligne qui peut interloquer sur un bulletin de souscription : le gestionnaire du PER vous demande si vous opter « expressément et irrévocablement » pour une liquidation en rente viagère ! Et ce même si la liberté totale de choix à la sortie (rente ou capital) fait partie des grands atouts du PER.

Cette case n'existe que sur une poignée de contrats. Mais si elle figure dans votre bulletin d'adhésion et que vous hésitez... ne cochez pas ! « Il n'est pas dans l'intérêt du client d'opter pour cette option dans la mesure où son besoin une fois à la retraite n'est pas encore déterminé au moment de sa souscription », nous répond Linxea, dont un contrat (sur 3 PER proposés) dispose de cette option, laquelle « n'est pour le moment pas choisie ». Même retour chez Placement-direct.fr : « Cette option n'a jamais été retenue jusqu'à présent par nos clients », affirme le directeur général Gilles Belloir.

Stellane Cohen, présidence d'Altaprofits, ajoute qu'opter irrévocablement pour une rente dès la souscription n'est intéressant que pour une poignée de contrats spécifiques : « ceux avec un taux garanti pour la conversion ». Sauf cas particulier d'une garantie claire sur une rente avantageuse, mieux vaut éviter de cocher cette case étonnante.

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2 - Déduction fiscale, oui, mais avec une facture à la retraite

S'il voit d'un bon œil le conseil donné sur la déduction fiscale au moment du versement, quel que soit le réseau, Benoît Berchebru, du courtier Nortia, se montre plus mesuré concernant l'explication des incidences de cette décision sur l'impôt au moment du retrait, à l'âge de la retraite : « Les conseillers vont-ils jusqu'à calculer la refiscalisation à la sortie ? J'espère que oui. La déductibilité à l'entrée est simple à expliquer. Pour la refiscalisation à la sortie, là, oui, il faut être conseillé. C'est comme si vous vendez du Sofica ou du Girardin [des produits de défiscalisation de niche, NDLR] sans prévenir des risques... »

En effet, quand vous déduisez un versement de 1 000 euros à l'entrée, ces mêmes 1 000 euros seront soumis au barème classique de l'impôt sur le revenu à la sortie. Alors que ces 1 000 euros sont exonérés d'impôt à la sortie si vous avez renoncé à la déductibilité. Raison pour laquelle on parle, avec cette déduction fiscale, de report d'imposition. Benoît Berchebru détaille : « Quand je refiscalise les primes et intérêts à la sortie, il faut que je gagne au moins au moins une tranche de TMI [voir le tableau ci-dessus, NDLR] par rapport au moment de la défiscalisation ! Par exemple, si vous défiscalisez à 41% et que vous refiscalisez à 41%, l'avantage fiscal n'existe pas... » En clair, il faut miser sur une baisse de revenus à la retraite, et sur le fait que vous passez de la tranche à 41% à celle à 30%, ou par exemple d'un TMI à 30% au moment de verser à un taux de 11% ou de 0% à la retraite.

En cas d'imposition importante à la sortie, une astuce : vous pouvez fractionner vos retraits sur plusieurs années afin d'éviter d'alourdir la fiscalité l'année du déblocage. Stellane Cohen, présidente d'Altaprofits, glisse un utlime conseil pour les détenteurs de PER qui approchent déjà de l'âge de la retraite : « Il vaut mieux décaler les retraits d'un an pour éviter une trop forte imposition l'année de départ à la retraite. D'autant que c'est souvent une année fiscalement plus lourde avec les éventuelles indemnités de départ. »

Imposition du capital et des gains du PER : la fiscalité du plan d'épargne retraite en détail

3 - Un PER pour un enfant, vraiment une bonne idée ?

Fin 2019, peu après le lancement en grandes pompes du tout nouveau plan d'épargne retraite, une approche surprenante – et séduisante, pour certains ménages fortement imposés - a vu le jour : « le PER est-il le nouveau PEL ? » En bref : avec l'apparition de l'acquisition de la résidence principale parmi les cas de déblocage anticipé possibles de ce produit d'épargne retraite, il est possible d'ouvrir un PER au nom d'un enfant mineur avec pour lui la possibilité de débloquer les sommes pour un futur achat immobilier... tout en élargissant le plafond de déduction fiscale des parents.

Après l'enthousiasme du départ, cette stratégie a suscité de plus en plus de frilosité. Exemple, chez Meilleurtaux Placement : « Nous ne poussons pas les adhésions PER enfant mineur. En effet, dans le cadre d'une adhésion par un mineur, il existe une incertitude concernant le bénéfice de la déductibilité des versements et donc un risque de remise en cause de cette déductibilité par l'administration fiscale. »

Par précaution, si vous optez tout de même pour un PER au nom d'un enfant, il faudra soit limiter les montants afin de rester dans le cadre du présent d'usage, soit déclarer un don manuel ou une donation.

La spécialiste de l'ingénierie patrimoniale Christine Valence se veut plus ferme : « Oui, la loi n'indique pas d'âge minimal de souscription. Mais il convient d'être vigilant et préserver les droits de l'enfant. Si les fonds à investir sont issus d'une donation, il peut être recommandé de plutôt privilégier l'ouverture d'un contrat d'assurance vie au nom de l'enfant, en prévoyant simultanément à la donation, un pacte adjoint afin de poser des conditions à l'utilisation des fonds. »

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PER compte-titres : un gros avantage... et un petit bémol

Le plan d'épargne retraite est une enveloppe fiscale... qui cache deux grandes familles de produits : le PER bancaire et le PER assurance. Financièrement parlant et donc sans parler des contraintes de blocage jusqu'à la retraite, le premier prend la forme d'un compte-titres et le second ressemble comme deux gouttes d'eau à une assurance vie.

Cette différence financière induit une différence notable : des frais moins élevée sur le PER bancaire (ou « PER compte-titres »), l'absence de l'assureur permettant la suppression d'une couche de frais. Christine Valence nuance toutefois l'idée d'une niche trop méconnue en rappellant que les épargnants ont parfois déjà diversifié leur épargne retraite sur les deux types de PER grâce à leur épargne salariale [PER collectif d'entreprise, NDLR].

Surtout, il existe à ce jour une subtilité de taille entre PER assurance et PER bancaire, d'ordre successoral : « Le décès entraine la clôture du plan. Si le PER individuel a été ouvert sous la forme d'un compte-titres, les sommes figureront à l'actif successoral et seront soumises aux droits de succession. Si le PER individuel a été ouvert auprès d'une compagnie d'assurance, les sommes seront versées à un ou plusieurs bénéficiaires » et relèvent alors d'un régime fiscal favorable proche de celui de l'assurance vie, détaille Christine Valence, ingénieur patrimonial au sein de BNP Paribas Banque Privée. Une distinction qui ne manque pas d'agacer Sébastien d'Ornano, président de Yomoni, fintech commercialisant l'un des seuls PER compte-titres aux particuliers (sans passer par l'épargne salariale) : « Qu'ils alignent la fiscalité ! Si l'on veut favoriser la concurrence sur le PER et donc les PER compte-titres, il faut commencer par harmoniser cet aspect successoral. » La balle est envoyée aux parlementaires...

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