Y compris à distance, les banques et courtiers doivent délivrer une information intelligible, complète et non orientée à l’épargnant et s’assurer que le produit financier est adapté à sa situation. Mais, dans les faits, certaines pratiques commerciales repérées par les autorités de contrôle nuisent au consentement éclairé de l’investisseur.

Non. Quand il s’agit de vendre un placement à un particulier, tous les coups ne sont pas permis pour arriver à ses fins. Il incombe aux établissements financiers de vérifier que l’épargnant dispose des connaissances suffisantes. Ils doivent également lui fournir une information lisible, complète et non biaisée, et l'aiguiller en tenant compte de sa situation. La réalité est parfois tout autre et certains scandales retentissants étroitement liés au non-respect de ces obligations, comme l’illustre, par exemple, l’affaire Aristophil, du nom de cette entreprise qui proposait d’investir dans des vieux manuscrits à un prix largement surestimé. Sans en arriver à de telles extrémités, certaines pratiques commerciales émanant d’acteurs agréés peuvent également nuire à la bonne et entière compréhension des produits d’épargne vendus aux particuliers. C’est ce qu’il ressort de plusieurs études récentes des gendarmes financiers français.

Les risques relégués en notes de bas de page

Conduits fin 2020, les tests consommateurs mystères ont notamment donné à l’Autorité des marchés financiers (AMF) quelques exemples saisissants de mauvaises pratiques, synthétisés dans un rapport sorti au début de l’été. Réalisés à distance sur les canaux digitaux, ceux-ci ont porté sur 11 établissements « représentatifs de l’environnement commercial actuel », précise l’AMF. Il était demandé aux testeurs d’ouvrir un compte-titres et de souscrire trois produits financiers dont des parts de fonds actions et de SCPI. Or, dès l’arrivée sur le site internet, les clients mystères ont identifié des pratiques agressives. Ils ont été confrontés à des offres promotionnelles très visibles qui relèguent souvent en second plan les risques inhérents aux produits qu’elles vantent.

« Les risques sont de manière générale peu visibles, lisibles et intelligibles. Ils sont souvent présentés en bas de page et rarement dans une police d’une taille au moins égale à celle employée de manière prédominante. […] Certains acteurs présentaient en premier lieu les avantages du produit, puis les liens de souscription, avant les risques inhérents à ce dernier. Ce qui peut être considéré comme une pratique ne favorisant pas le consentement éclairé », relève l’AMF. Les publicités peuvent également participer à la mauvaise compréhension des tarifs pratiqués. En cause : des offres de bienvenue différentes selon les courtiers (ou présentées de manière différente) conditionnées à un nombre minimal d’ordres passés et renvoyant vers des conditions tarifaires « souvent peu accessibles et intelligibles ».

Dans le cadre des SCPI, c’est l’argument du gain particulièrement mis en avant qui interpelle. « Certains établissements ont mis en avant sur la première page de leurs sites, une promesse de rendement de 5%, alors que les risques apparaissaient d’une manière moins lisible que les promesses de rendement. Ceux-ci sont bien souvent présentés en bas de page, dans une police de moindre taille », déplore le gendarme boursier.

La promotion des produits maison

A l’occasion d’une autre étude, évoquée dans leur rapport commun de 2020, l’AMF et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) s’inquiétaient également des pratiques commerciales visant à promouvoir les titres auto-placés. C’est-à-dire la vente par un établissement financier de ses propres actifs à ses clients particuliers. Selon les chiffres mis en avant par le Pôle commun, l’auto-placement en compte-titres, assurance vie et en organismes de placement collectif représente plus de 150 milliards d’euros, soit près de 15% des encours des titres émis par les principales banques françaises, « avec un poids prépondérant des groupes bancaires mutualistes, compte tenu des émissions de parts sociales », précisent l’AMF et l’ACPR.

Dans un contexte où il est demandé aux banques une exigence marquée de fonds propres (la vente de ses titres en est une source), les autorités appellent notamment à « la fixation de règles claires et cohérentes pour encadrer l’achat de titres auto-placés » et au renforcement de l’information précontractuelle des épargnants.

Des informations techniques et disséminées à plusieurs endroits

En matière justement d’informations devant être portées à la connaissance de l’investisseur avant la souscription, les derniers tests clients mystères de l’AMF montrent que les sites internet des intermédiaires financiers sont, pour beaucoup, largement perfectibles. « Globalement, il est apparu que l’ensemble de ces informations n’étaient pas assez accessibles pour le prospect car celles-ci étaient dispersées à plusieurs endroits du site ou sur différents documents. […] Les formulations employées étaient assez techniques et peu vulgarisées, ce qui a engendré un effet repoussoir du consommateur à la lecture », peut-on lire dans le rapport de l’AMF.

L’Autorité note tout de même l’effort de tri de certains acteurs en ne soumettant à leurs prospects que les informations contractuelles qui concernent son investissement cible. « Le nombre de pages peut osciller entre 5 pages chez un acteur qui opère une distinction par produit et services, à 132 pages chez un établissement qui concentre l’ensemble des informations relatives aux produits et services bancaires et financiers en sein d’un même document », observe l’AMF.

Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que les testeurs peinent à retrouver les informations importantes, relatives par exemple à leur délai de rétractation. Pour rappel, il est de 14 jours calendaires dans le cadre de l’ouverture d’un compte-titres. « Les testeurs ont déclaré que cette information n’était pas disponible, ce qui permet d’observer que cette dernière n’était pas suffisamment mise en évidence par les établissements », explique l’AMF. Les internautes peuvent également être mis en difficultés par la différence de terminologie selon les plateformes. Pour certains, les « frais courants » peuvent être appelés « frais de gestion » chez d’autres. « Certains intègrent des droits de garde qui pourraient être assimilés à des frais liés à l’enveloppe compte-titres, ajoute l’AMF. Les frais de courtage sont parfois assimilés à des frais de transaction, mais il n’est pas précisé à chaque fois ce qu’ils comportent ».

L’argument contestable de la rapidité d’achat

La rapidité de souscription, présentée comme un atout commercial, peut également mettre en péril l’étude attentive des informations soumises à l’épargnant. « Concernant le délai nécessaire au client à l’ouverture du compte-titres, certains acteurs ont indiqué que « 15 minutes suffisent » pour ouvrir un compte, tandis que d’autres mentionnent un délai de « 5 minutes ». Cette durée parait relativement courte pour prendre raisonnablement connaissance des informations précontractuelles, redoute le gendarme des marchés financiers. Surtout que la procédure comprend une étape importante, le questionnaire client, qui doit permettre à l’enseigne d’évaluer les connaissances de l’investisseur et l’adéquation de celles-ci avec le produit qu’il souscrit et son objectif. Mais, là encore, le ton technique ou, à l’inverse, une présentation sous forme de « quizz » ou de « jeu » n’incite pas l’investisseur à mesurer l’importance de répondre avec sérieux au questionnaire.

Plus interpellant encore : la possibilité offerte de corriger a posteriori les réponses apportées. Les testeurs de l’AMF ont ainsi « constaté chez certains établissements que le client devait modifier le questionnaire lorsqu’il souhaitait souscrire à un produit dont le caractère n’était pas approprié ». A nouveau, cela questionne sur le respect de l’obligation, qui incombe aux prestataires de services d’investissement et conseiller en investissements financiers, de recommander un produit adapté à leur clientèle.

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