Ces derniers mois, les banques ont réduit le champ des opérations possibles depuis et vers un compte épargne. Qu'est-ce qu'il n'est plus possible de faire, exactement ? Pourquoi ce tour de vis ? Nos explications.

Si vous avez, depuis longtemps, l'habitude de faire des virements entre vos différents comptes épargne ou de verser de l'argent sur les livrets de vos proches, vous avez sans doute dû changer vos habitudes. Ces dernières années, les banques de détail opérant en France ont durci les règles encadrant les opérations réalisées au débit et au crédit des comptes épargne. Des changements dont elles ont généralement averti leurs clients, mais pas toujours de façon très claire. Voici les clés pour comprendre ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas.

Quelles sont les opérations interdites ?

Le cadre mis en œuvre par les banques tient en une phrase : toute somme d'argent entrant et sortant d'un compte épargne doit transiter par un compte à vue - autrement dit un compte courant ou compte chèques - détenu par le même titulaire.

Dans les faits, voici les opérations qui ne peuvent pas aboutir.

Les virements directs entre deux de vos comptes épargne - Vous détenez plusieurs comptes épargne - un Livret A, un LDDS, un livret fiscalisé, etc - dans la même banque ou non ? Vous ne pouvez plus transférer directement de l'argent de l'un à l'autre, que ce soit de manière ponctuelle ou permanente : il vous faut obligatoirement le faire transiter par un compte chèques à votre nom.

Les virements ponctuels vers les comptes épargne d'une autre personne - C'est sans doute une des nouvelles limitations les plus pénalisantes. Vous aviez l'habitude de faire des virements, ponctuels ou permanents, vers le livret d'un de vos proches ? En principe, ce n'est plus possible, même au sein de la même banque.

Les virements depuis votre compte épargne vers le compte courant d'un autre titulaire - Vous souhaitez prélever directement votre compte épargne pour rembourser un proche ou régler une facture ? Ce n'est pas possible : il vous faut faire transiter la somme par votre compte courant.

Les autres opérations interdites :

  • Les virements permanents depuis votre livret vers votre compte courant, même détenus dans la même banque.
  • Les virements permanents vers un compte courant ou un livret détenu dans une autre banque, que vous en soyez le titulaire ou non
Virements au sein de la même banque
Compte de départCompte d'arrivéeVirement
ponctuel
Virement
permanent
Compte courantLivret
LivretCompte courant
LivretLivret

NB : les virements autorisés le sont uniquement si les deux comptes ont le même titulaire ou si le bénéficiaire est mineur et sous la responsabilité légale du payeur.

Virements vers une autre banque
Compte de départCompte d'arrivéeVirement
ponctuel
Virement
permanent
Compte courantLivret
LivretCompte courant
LivretLivret

NB : les virements autorisés le sont uniquement si les deux comptes ont le même titulaire.

Une exception pour les virements vers les comptes des enfants mineurs

Il existe une exception à l'interdiction générale de transférer directement de l'argent vers le livret d'épargne d'un autre personne. Les virements effectués par les parents, en tant que représentants légaux, vers les livrets de leur enfants mineurs, ou depuis un livret vers le compte chèque de l'enfant, sont parfois tolérés, à condition que les comptes soient détenus dans la même banque. Ce n'est pas le cas, en revanche, pour les oncles, les tantes ou les grands-parents qui souhaitent garnir directement le livret de leurs nièces, neveux, ou petits-enfants : ces opérations sont interdites sans passer par une compte courant au nom de l'enfant.

« Pourquoi je ne peux plus virer d'argent sur le compte épargne de mes petits-enfants ? »

Quels sont les comptes concernés ?

Ces limitations concernent :

  • les comptes sur livret, fiscalisés et à taux de marché, distribués par les banques de détail ;
  • les comptes à terme ;
  • les produits d'épargne réglementée : le Livret A, le Livret Bleu du Crédit Mutuel, le Livret de développement durable et solidaire (LDDS), le Livret d'épargne populaire (LEP), les Livrets Jeunes et les Comptes d'épargne logement (CEL).

Le Livret A constitue toutefois un cas particulier. Le code monétaire et financier (1) autorise les banques à accepter certains virements entrants interdits pour les autres comptes épargne. C'est le cas notamment des virements de prestations sociales (Assedic, CAF) et des salaires des fonctionnaires. Attention toutefois : toutes les banques ne tolèrent pas ces exceptions.

Pourquoi les banques ont-elles durci leurs règles sur les virements ?

Elles n'ont pas eu le choix. C'est en effet à la demande des pouvoirs publics, et plus précisément de leur autorité de tutelle, le ministère de l'Economie et des Finances, qu'elles ont durci leurs règles. Pourquoi ? Pour le comprendre, il faut remonter en 2018.

À l'époque, le Parlement examine un projet de loi (2) destiné à transposer dans le droit français une directive européenne sur les services de paiement. Ce texte, mieux connu sous le nom de DSP2, donne notamment un cadre juridique à deux nouveaux services financiers : l'agrégation de comptes et l'initiation de virement. Point commun entre les deux : pour y accéder, vous devez autoriser l'acteur qui vous fournit le service à récupérer les transactions de vos comptes, via votre espace bancaire en ligne, en lui confiant vos identifiants bancaires.

Appelée à donner son avis sur ce texte, la commission des finances du Sénat a estimé, dans un rapport publié en juillet 2018 (3), que ces nouveaux services comportaient un « risque d'opération non-autorisée » et que, concernant les livrets d'épargne, ce risque n'était pas couvert par la directive. Un vide juridique qui expose les titulaires à un refus d'indemnisation de leur banque en cas de fraude. C'est donc dans un souci de protection des usagers que les pouvoirs publics ont demandé aux banques de serrer la vis sur les virements.

Quel est le cadre réglementaire ?

Pour y parvenir, Bercy n'a même pas eu besoin de modifier la réglementation. Virer de l'argent depuis ou vers un compte sur livret dont on n'est pas le titulaire n'a en effet jamais été autorisé ! En tout cas pas depuis... mai 1969, et la publication d'un texte du Conseil national du Crédit, ancêtre de l'actuel Comité consultatif du secteur financier (CCSF).

Cette « décision à caractère général », révisée au fil des années, fixe les règles en vigueur pour les livrets : le minimum de 10 euros par opération, l'interdiction de mettre le compte dans le rouge, l'absence de carnets de chèques, le calcul des intérêts par quinzaine... Sur les virements externes, elle est relativement claire : « Les opérations enregistrées sur des comptes sur livret sont limitées à des versements ou des retraits au profit du titulaire ou à des virements de ou à son compte à vue ». Au fil du temps, toutefois, les banques ont pris des libertés avec cette règle. Jusqu'à 2018 où, alerté par le Sénat de nouveaux risques liés à la DSP2, Bercy leur a demandé de faire preuve de plus de rigueur.

(1) Plus précisément son article R221-5. (2) Projet de loi n° 644 (2017-2018) ratifiant l'ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur. (3) Rapport du sénateur Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi ci-avant, enregistré par la Présidence du Sénat le 18 juillet 2018.