Lancée en 2014 par la CCI Caen Normandie, Kiosk to invest était initialement spécialisée dans l’investissement en capital. Véritablement active depuis un an, la plateforme de financement participatif s’est ouverte aux minibons et a densifié son effectif. Entretien avec Olivier Boulay, son président.

Qu’est ce qui a poussé la Chambre de commerce et d’industrie Caen Normandie à s’intéresser au crowdfunding ?

Olivier Boulay : « La mission des CCI est de contribuer au développement économique, commercial et industriel du territoire. Nous sommes là pour conseiller les entreprises, les accompagner et les rapprocher les unes des autres. Mais un volet important nous manquait : nous ne disposions pas d’outil de financement. En 2013, au moment où nous avions cette réflexion, le financement par la foule commençait à se développer en France. Le crowdfunding s’avérait être la première occasion d’envergure de mettre en relation les particuliers et les entreprises par le biais d’une CCI, et d’accroître ainsi la visibilité des Chambres de commerce auprès du grand public. De fait, nous avons décidé de nous approprier cette solution. »

Initialement, vous vous positionniez sur du crowdequity, c’est-à-dire la prise de participation directe des investisseurs au capital de sociétés non cotées. Aujourd’hui, vous proposez principalement des collectes sous forme de minibons. Est-ce une évolution stratégique ?

Les minibons, un changement stratégique « suite à la suppression de l’ISF »

O.B. : « C’est en effet un vrai changement qui est intervenu suite à la suppression de l’impôt sur la fortune. Avec la fin de l’ISF, le levier de défiscalisation que permettait l’investissement en capital n’existe plus dans les mêmes proportions [depuis 2018, les épargnants ne peuvent déduire leur investissement que de l’impôt sur le revenu, NDLR]. En conséquence, nous avons donc initié des levées de fonds en minibons, un instrument plus souple pour les investisseurs. A la différence de l’investissement en capital dont la perception de revenus est incertaine, le minibon équivaut à un prêt et permet à l’épargnant de recevoir chaque mois une partie du capital prêté augmenté des intérêts. »

A votre lancement, vous aviez noué un partenariat avec la place de marché Alternativa qui a depuis cessé son activité. Avez-vous renoncé à proposer un marché secondaire à vos investisseurs ?

O.B. : « A l’heure actuelle, les prêts sont cessibles mais uniquement de gré à gré. A terme, nous souhaitons toutefois permettre à nos souscripteurs de bénéficier d’un marché secondaire organisé afin qu’ils puissent par exemple récupérer leur mise plus rapidement que prévu. En ce sens, nous faisons partie des quelques plateformes retenues pour faire avancer le projet, impulsé par la Caisse des Dépôts, de créer une infrastructure blockchain facilitant les échanges. »

Comment sélectionnez-vous les entreprises présentées sur la plateforme ?

« Les taux d'intérêt varient de 4% à 6% sur les prêts en minibons »

O.B. : « Les entreprises doivent disposer d’un statut de SA, de SAS ou de SARL avec un capital intégralement libéré. Par ailleurs, même si la société ne réalise pas encore beaucoup de chiffre d’affaires, celle-ci doit avoir bouclé au moins 2 ou 3 exercices comptables. L’entreprise doit bien sûr avoir un projet de développement. Sur la base des chiffres et de la pertinence du projet, un comité d’admission est chargé de valider ou non l’intégration de l’entreprise à la plateforme. Un système de scoring évalue le risque inhérent à la société et son projet. Il détermine le taux d’intérêt appliqué, variant de 4% à 6% [si l'entreprise réalise une collecte avec émission de minibons, NDLR]. »

Comment tirez-vous profit de votre filiation avec la CCI ?

O.B. : « Nous collaborons avec le réseau des CCI. Avant de passer par la plateforme Kiosk to invest, le dossier d’une entreprise va être instruit, évalué et suivi par sa CCI. C’est un facteur rassurant pour les particuliers qui savent que l’entreprise sélectionnée est soutenue localement. »

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Vous arrivez à trouver des projets de qualité en quantité suffisante ?

O.B. : « Non. C’est tout à fait clair qu’aujourd’hui il nous manque du volume. Les investisseurs sont dans les starting-blocks. Depuis un an, quelques dizaines d’épargnants ont investi à hauteur 300 000 euros. Mais nous avons plus de 1 000 souscripteurs inscrits sur Kiosk to invest. »

Vous souhaitez également collaborer avec les réseaux bancaires, à l’image du partenariat récemment conclu avec le Crédit Agricole Normandie ?

« Le financement par la foule est complémentaire au prêt bancaire »

O.B. : « Les entreprises en développement sollicitant un prêt bancaire peuvent essuyer un refus à cause de l’insuffisance de leurs fonds propres. Cela peut également être le cas lorsqu’elles souhaitent financer des immobilisations immatérielles (R&D, développement d’un brevet...), donc sans garantie possible pour les banques. En permettant à une entreprise d’accroître ses capitaux permanents, le financement par la foule est complémentaire au prêt bancaire. Et les partenariats avec les banques ont tout leur sens : une fois les premiers milliers d’euros collectés, les établissements partenaires de Kiosk to invest peuvent compléter la levée de fonds. »

Crowdfunding et banques feraient donc bon ménage. La plateforme Unilend, qui vient d’annoncer sa faillite, explique pourtant ses difficultés par la concurrence des banques qui ont ouvert les vannes du crédit...

O.B. : « Entre 4% et 6% de taux d’intérêt pour les prêts en minibons et 1% ou 2% dans le cadre d’un prêt classique, il existe en effet un écart en défaveur du crowdlending. Cette différence est vraie pour le prêt participatif, elle ne l’est plus si l’entreprise réalise une levée de fonds en capital. Dans ce cas, elle versera peut-être ultérieurement des dividendes ou rachètera ses actions, mais dans un premier temps l’argent récolté est bel et bien gratuit. Par ailleurs, pour les entreprises, passer par la foule revêt d’autres avantages comme l’absence de garantie demandée, la rapidité ou le financement des investissements immatériels. »

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