Les Entreprêteurs lancent cet automne une plateforme de crowdfunding permettant aux investisseurs d'obtenir une réduction d'impôts sur le revenu. Comment ? En finançant des opérations éligibles au Girardin agricole. Entretien avec Jean-Philippe Gontier et Marc-Antoine Van Heems, les co-fondateurs des Entreprêteurs.

Vous venez d’obtenir l’agrément de conseiller en investissements participatifs auprès de l’AMF. Comment souhaitez-vous en tirer parti ?

Jean Philippe Gontier : « Nous avons obtenu en juillet le double agrément d’intermédiaire en financement participatif (IFP) et de conseiller en investissements participatifs (CIP). Cela nous permet de proposer du financement, plus uniquement sous la forme de prêts rémunérés, mais aussi d’obligations, de minibons et d’equity [prise de participation au capital de la société, NDLR]. Sur notre plateforme historique, Les Entreprêteurs, nous continuons à proposer des projets sous forme de prêts. Mais bientôt nous proposerons des levées de fonds sous forme d’obligations et de minibons. »

Votre plateforme historique ? Allez-vous lancer de nouveaux sites de financement participatif ?

J-P.G. : « Nous avons en effet également obtenu une accréditation pour générer des plateformes en marque blanche. Et, après plusieurs mois de travail, nous avons initié en septembre dernier cette offre de partenariat. Elle est inédite sur le marché. Car, à la différence de nos concurrents, elle ne s’arrête pas à la seule fourniture des briques technologiques. Nous opérons également la plateforme avec nos propres agréments : nous nous occupons de l’analyse financière et du suivi des projets (fiscalité, échéancier…). »

Avez-vous déjà mis en ligne des plateformes pour tiers ?

J-P.G. : « En septembre, nous avons lancé Siinaps, une plateforme dédiée au financement de Paris-Saclay [pôle scientifique et technologique qui vise notamment à rassembler les écoles d’ingénieurs du groupement ParisTech, des Universités, des laboratoires de recherche… NDLR] et qui permet de regrouper tous les acteurs du financement concernés : des institutionnels locaux tels le Syndicat d’initiative et la Chambre de commerce et d’industrie, des fonds d’investissement et des business angels. Ces derniers viennent abonder les comptes et ensuite nous proposons au grand public (personnes morales mais aussi physiques) de venir compléter les collectes. Sur Siinaps, nous avons lancé deux premiers projets en equity avec des tickets d’entrée élevés, entre 200 000 et 500 000 euros. »

La plateforme Dom Com Agricole, dont vous faites actuellement la promotion, entre-t-elle aussi dans le cadre d’un partenariat en marque blanche ?

J-P.G. : « Nous lançons la plateforme Dom Com Agricole à la suite d’un appel d’offres de la société Dom Com Invest que nous avons remporté. Dom Com Invest est spécialisé dans le Girardin Agricole. Elle propose déjà à des conseillers en gestion de patrimoine d’investir dans l’aménagement de terres agricoles guyanaises pour permettre ensuite leur exploitation par des familles d’agriculteurs de la communauté Hmong (originaires du Laos). Nous avons été séduits par le principe du Girardin. Il permet à l’épargnant d’investir à fonds perdus – son apport n’est pas restitué – et d’obtenir une réduction d’impôts supérieure à son apport. Cela représente pour lui un gain net de pouvoir d’achat. De plus, nous avons estimé que le sous-jacent pouvait intéresser notre base d’investisseurs, attentifs au fait que leur argent serve au développement économique d’un territoire. »

Girardin agricole : de quoi parle-t-on ?

Le Girardin agricole est un dispositif de défiscalisation qui permet à un particulier de financer l’activité d’une entreprise située en Outre-mer et, en contrepartie, d’obtenir une réduction d’impôt sur le revenu supérieure à son investissement. Elle s’effectue en « one shot » : elle est octroyée en totalité dès la première année. Dans le cadre de Dom Com Agricole, le montage de l’opération consiste à investir au capital d’une SAS qui va financer des installations et les louer aux exploitants agricoles pendant 5 ans. La rentabilité fiscale oscille entre 20 et 25%, promet la plateforme.

Ce type d’opération de défiscalisation est risqué. Si, par exemple, l’entreprise ne respecte pas ses engagements ou fait défaut avant la 5ème année, le fisc peut requalifier l'opération et l'investisseur voir sa réduction remise en cause. Il doit alors rembourser l'avantage précédemment perçu avec d'éventuels intérêts de retard. Ce risque de requalification peut aussi émaner du montage même de l'opération. Récemment, le fisc a procédé à des redressements sur des opérations guyanaises pour des raisons de forme (réalisation de travaux effectués directement par l'exploitant sans mise en concurrence des devis).

Les opérations peuvent bénéficier d’un agrément octroyé par l’administration fiscale. Cet agrément, obligatoire dès lors que l’opération porte sur un montant de plus de 250 000 euros, vient notamment valider la viabilité économique de l’entreprise et l’éligibilité au dispositif Girardin. Cet agrément ne prémunit toutefois pas d'un risque de requalification fiscale a posteriori.

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Au travers de la notion de gain de pouvoir d’achat par exemple, il semble que vous cibliez plutôt le grand public alors que la défiscalisation s’adresse aux ménages aisés…

Marc-Antoine Van Heems : « Dom Com Agricole est la première plateforme totalement dématérialisée à proposer du Girardin. L’internaute visite le site, sélectionne le projet, complète son profil d’investisseur, évalue sa réduction d’impôts, reçoit un conseil personnalisé, signe son bulletin de souscription et obtient à l’issue de la collecte son attestation fiscale, le tout en ligne ! De fait, la plateforme permet à notre partenaire de toucher des personnes qui ne correspondent pas aux épargnants qu’il sert via ses partenariats avec des conseillers en gestion de patrimoine. Nous sommes donc effectivement dans une logique de démocratisation de ce dispositif de défiscalisation. Mais cette démocratisation reste évidemment relative puisque nous nous adressons aux ménages s’acquittant chaque année d’au moins 3 000 euros d’impôts sur le revenu, soit le haut du panier de la classe moyenne. »

Comment vous rémunérez-vous ?

J-P.G. : « Nous conservons un pourcentage de 4,5% HT sur le montant collecté. Et notre partenaire nous paie une redevance mensuelle via notre filiale regroupant nos activités digitales pour exploiter la plateforme en marque blanche. »

Si l’entreprise ne satisfait pas les critères de la loi Girardin ou si elle fait défaut précocement, l’avantage fiscal peut être remis en cause. De fait, la sélection et le suivi des projet sont essentiels. Est-ce votre responsabilité ou celle de votre partenaire ?

J-P.G. : « La sélection des projets est effectuée par notre partenaire. Nous disposons toutefois d’un droit de regard sur les dossiers en vertu de notre rôle de conseil en investissement. Quant au suivi post-collecte, notre partenaire exerce un contrôle périodique des porteurs de projets grâce à un membre de son équipe qui est présent en permanence en Guyane. Ce dernier rend visite régulièrement aux agriculteurs financés et vérifie que les terres sont entretenues et exploitées. Un compte rendu est ainsi rédigé avec photos à l’appui. Ce suivi régulier vise à rendre les projets tangibles aux yeux des investisseurs et peut servir de justificatif en cas de contrôle ultérieur de l’administration fiscale. »

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