L'intégralité des 403 millions d'euros attribués, en juillet 2008, par un tribunal arbitral à Bernard Tapie et aux liquidateurs de ses sociétés n'a pas atterri dans les poches de l'homme d'affaires, qui en aurait effectivement perçu la moitié, selon divers recoupements.

La somme attribuée est à diviser en deux. D'une part, 45 millions d'euros à titre de préjudice moral, qui sont allés directement à Bernard Tapie. Le reste a transité par les liquidateurs des sociétés de Bernard Tapie. Avant de verser la somme aux liquidateurs, le Consortium de réalisation (CDR, chargé de gérer l'héritage du Crédit Lyonnais) en a déduit 87,1 millions d'euros, qui correspondaient à une ancienne créance.

Lorsque les liquidateurs ont reçu leur dû, ils ont honoré les dettes des sociétés de Bernard Tapie, qui avaient été agrégées, par convenance, au sein de Groupe Bernard Tapie (GBT). Outre les créanciers privés, ils ont notamment versé 26 millions d'euros au fisc, selon une source proche du dossier.

Cela signifie qu'entre les versements au fisc et la retenue du CDR, l'Etat a perçu, directement ou indirectement, au moins 113,1 millions d'euros sur les 403 attribués par le tribunal arbitral. Une fois remboursés les créanciers, dont l'Etat, et provisionné (mis en réserve) divers frais et honoraires, les liquidateurs ont versé à GBT un boni de liquidation.

Il s'agit de la somme qui reste éventuellement disponible une fois que la liquidation d'une société est achevée. Ce boni atteignait 196 millions d'euros, selon une source proche du dossier, qui indique que cette somme n'a pas été imposée une fois versée à GBT car elle avait déjà été soumise à fiscalité. Une information confirmée par les comptes de GBT au titre de l'exercice 2009, qui ne font pas apparaître de fiscalité significative.

Yacht, villa, jet...

Sans préjuger d'une éventuelle fiscalité qui n'apparaît pas dans les comptes de la société, Bernard Tapie, qui était seul actionnaire de GBT avec son épouse, pourrait avoir récupéré 196 millions d'euros, auxquels s'ajoutent les 45 millions d'euros de préjudice moral.

Au total, cela pourrait donc représenter 241 millions d'euros. Un chiffre que n'a pas voulu commenter Bernard Tapie, interrogé par l'AFP, renvoyant à son dernier ouvrage, paru jeudi. Dans ce livre, l'homme d'affaires assure n'avoir récupéré que 47 millions d'euros via sa société, soit environ 92 millions d'euros avec l'indemnité pour préjudice moral.

Lors d'une réunion de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, en septembre 2010, Jérôme Cahuzac, qui en était alors le président, avait déclaré, en ouverture : « À partir des documents dont j'ai pu avoir connaissance dans l'exercice des pouvoirs dont je dispose en tant que président de la commission des Finances et que j'ai dû me résoudre à faire valoir, j'ai fait une estimation de l'enrichissement supplémentaire de Bernard Tapie de 200 à 220 millions d'euros. L'estimation faite, selon une autre méthode de calcul, par M. Charles de Courson est de 200 millions d'euros. »

Selon la presse, Bernard Tapie a, depuis, réinvesti plusieurs dizaines de millions d'euros dans diverses acquisitions, notamment un yacht (prix d'acquisition estimé de 40 millions d'euros), une villa à Saint-Tropez (47 millions), un jet privé (23 millions), le groupe de presse Groupe Hersant Media (25 millions) et un hôtel particulier à Neuilly-sur-Seine (40 millions).

Les biens de Bernard Tapie et de ses sociétés peuvent faire l'objet d'une mise sous séquestre sur demande des juges d'instruction s'ils estiment que les sommes récupérées par l'homme d'affaires sont le fruit d'un arbitrage frauduleux. « M. Tapie est sûr de lui au point qu'il a proposé aux magistrats instructeurs de procéder à un nantissement sur les parts de sa holding personnelle avec une caution de celle-ci sur tous ses biens », a déclaré vendredi l'avocat de Bernard Tapie, Hervé Temime. Cela signifie que l'homme d'affaires propose d'apporter en garantie les parts de sa société de tête (holding) et de mettre en caution ses biens personnels, pour montrer qu'il est prêt à rembourser les sommes perçues en cas d'invalidation de l'arbitrage.