Non, c'est illégal ! La prime Macron ne peut pas « se substituer à des augmentations de rémunération ». C'est écrit noir sur blanc dans la loi pouvoir d'achat. Mais... Dans certaines entreprises en difficulté, l'option prime Macron peut permettre de calmer les envies d'augmentations salariales. Et ailleurs, elle peut écarter d'autres avantages.

Plus de 710 euros, en moyenne. Transformée via la loi pouvoir d'achat en prime de partage de la valeur, ou PPV, la prime Macron a perdu son caractère exceptionnel pour s'ancrer dans la durée, avec un plafond triplé, de 1 000 à 3 000 euros (1) ! Selon les premières statistiques livrées par le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, les 400 à 600 euros de prime moyenne de la « PEPA » (prime exceptionnelle de pouvoir d'achat) ont effectivement été bonifiés.

Un véritable carton ?

En 2022 et 2023, la prime Macron version PPV reste entièrement défiscalisée, aussi bien pour l'employeur que l'employé, à condition toutefois que la rémunération annuelle du salarié reste inférieure à trois fois le Smic. Le véritable calcul du plafond (2) est plus complexe mais la prime Macron 100% défiscalisée concerne environ les salariés gagnant moins de 4 000 euros nets par mois. A condition que l'employeur décide de verser cette prime, puisqu'elle n'est en rien obligatoire !

« Environ 20% des salariés en ont bénéficié »

« La première version de la prime Macron, PEPA, environ 20% des salariés en ont bénéficié, pour 500 euros en moyenne environ », pointe le secrétaire national de la CFDT Luc Mathieu, pour relativiser le succès évoqué par le gouvernement. De fait, la version PEPA a selon les années profité à 4, 5 ou près de 6 millions de salariés, soit environ 20% des 25 millions de salariés en France.

« Ce que l'on voit beaucoup, dans les fiches de paie, c'est la prime Macron, observe Emmanuel Labrousse, directeur du service social-paies de Walter France, interrogé sur des augmentations de salaire anticipées dès l'automne 2022. « Depuis qu'elle est devenue pérenne, nos clients [dont beaucoup de PME, NDLR] ciblent plus la prime de partage de la valeur que d'autres dispositifs. »

Prime Macron : quels salariés peuvent profiter de ce bonus de 710 euros en moyenne ?

Un bon remède à l'inflation ?

« Des primes en urgence, oui pourquoi pas », concède Luc Mathieu, de la CFDT, qui regrette e fait de pérenniser cette PPV, même si elle ne sera plus défiscalisée à partir de 2024. La CGT pointe justement le recours trop systématique des « directions des entreprises » aux primes, au premier rang desquelles la PPV, lors des négociations récentes sur le pouvoir d'achat au sein de grandes sociétés. Ce que les syndicats regrettent, c'est que cette prime dépend du bon vouloir de l'employeur, qui n'est pas tenu de la verser chaque année.

« La loi pouvoir d'achat privilégie la prime aux salaires »

« Il peut y avoir un accord » au sein d'une entreprise, insiste Luc Mathieu, de la CFDT. « Cela pourrait s'intégrer dans un véritable dispositif de partage de la valeur », sous-entendant que cela sera rarement le cas : « La loi pouvoir d'achat privilégie la prime aux salaires. »

« Oui la prime Macron n'est pas pérenne mais l'inflation ne l'est probablement pas non plus », observe pour sa part Franck Chéron, associé chez Deloitte et spécialiste du conseil RH.

Une excuse pour ne pas vous augmenter ?

Ce qui serait plus gênant, c'est si cette prime Macron venait vous priver d'une augmentation salariale plus conséquente... Attention, dans les textes, c'est interdit.

Ce que dit la loi. « [La prime Macron] ne peut se substituer à aucun des éléments de rémunération (...). Elle ne peut non plus se substituer à des augmentations de rémunération ni à des primes prévues par un accord salarial, par le contrat de travail ou par les usages en vigueur dans l'entreprise (...). »

Problème, dans les faits, les salariés auront toujours des difficultés à prouver qu'une prime est venue les priver d'une hypothétique augmentation salariale... La loi empêche en revanche une autre dérive : cette prime de partage de la valeur ne peut prendre la place d'une ancienne prime récurrente, par exemple.

Les effets pervers de la prime Macron

A la vue des difficultés de recrutement actuelles, l'idée que la prime ne vienne rogner le salaire ne convainc clairement pas Franck Chéron, de Deloitte. Au contraire, pour attirer, « les entreprises recrutent déjà très cher certains profils », affirme ce spécialiste des ressources humaines : « Alors, cette prime peut apparaître moins prioritaire dans certains cas. » Tout dépend surtout du profil de poste : « [La PPV] se limite pour les cadres à 300 ou 350 euros, ce qui représente dans leur cas uniquement un complément de salaire. Pour les non-cadres, selon les premières remontées, elle a effectivement doublé, entre 900 et 1 000 euros de moyenne, ce qui est bien plus significatif. »

Un bonus qui s'ajoute alors, pour les non-cadres, à des augmentations attendues comme très généralisées à hauteur de 4% en 2023. Cette année, les « petits » salaires devraient progresser plus rapidement que les autres, selon Deloitte. Un effet rattrapage, et une conséquence de la hausse du Smic (+6,6% en 13 mois).

Augmentation de salaire 2023 : combien pouvez-vous négocier face aux 6% d'inflation ?

Va-t-elle prendre la place de votre épargne salariale ?

Mis à part dans certaines entreprises en difficulté, la prime Macron nouvelle génération ne devrait donc pas vous priver d'une augmentation de salaire. En revanche, comme l'Insee le relevait dès 2019, les employeurs auraient « sans doute versé, sous une forme différente, au moins une partie du montant de cette prime en l'absence de cette mesure ».

« Elle risque de cannibaliser l'épargne salariale »

Alors, si elle ne prend pas la place d'une hausse de salaire... sur quel type de rémunération peut-elle rogner ? « Ce qui risque de se passer à compter de 2024, une fois que cette prime aura quasiment le même statut social pour les entreprises que l'intéressement et la participation, c'est qu'elle risque de cannibaliser l'épargne salariale », craint Luc Mathieu, secrétaire national de la CFDT. Or, l'épargne salariale nécessite un accord à moyen terme, avec des objectifs clairs. Quand la prime Macron reste 100% facultative.

Prime Macron : quelle fiscalité, maintenant et en 2024 ?

Zéro cotisation sociale, pour l'employeur comme pour le salarié. Et zéro impôt sur le revenu supplémentaire pour les salariés. Ce régime de défiscalisation ne vaut toutefois que jusqu'à la fin 2023.

A compter de janvier 2024, la prime Macron restera mais elle intégrera vos revenus imposables. L'exonération de cotisations ne sera maintenue qu'en partie : elle sera alors soumise à la CSG et la CRDS et au forfait social. Bref, des charges « allégées ».

(1) Voire 6 000 euros en cas d'accord d'intéressement.

(2) C'est la valeur moyenne du Smic sur les 12 derniers mois (avant le versement de la PPV) qui est prise en compte. Le Bulletin officiel de la Sécurité sociale (BOSS) détaille un exemple pour une PPV versée fin septembre : « il convient de prendre en compte la valeur du SMIC applicable pour la période de septembre 2021 à août 2022 », période lors de laquelle le Smic brut est passé de 1554,58 € à 1678,95 €. Résultat : un plafond de 58 053,48 € annuels, soit 4 838 euros bruts par mois.