Le chantier est-il terminé ? Si le feuilleton politique n'est probablement pas clos, le circuit législatif du projet de réforme des retraites touche à sa fin. Suite à la censure partielle (mais pas sur la mesure emblématique de l'âge légal à 64 ans) du Conseil constitutionnel, le président de la République a promulgué cette loi, parue au Journal officiel du 15 avril 2023. Mais... de nombreux aspects, et pas des moindres, restent à éclaircir par décret.

Les jeux sont-ils faits ? D'un strict point de vue législatif et réglementaire, oui. L'obstacle du Conseil constitutionnel est passé, pour cette réforme des retraites repoussant progressivement l'âge légal à 64 ans. Elle a déjà été promulguée par le président de la République. Reste l'ultime étape : connaître toutes les modalités d'application avant une entrée en vigueur au 1er septembre du projet de loi partiellement censuré par les Sages.

Pourtant, sur de nombreux points, ce « projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023 » renvoie à des décrets. MoneyVox a compté : cette loi comporte 98 occurrences du mot « décret ». La loi étant promulguée, la voie est libre pour leur publication. Le contenu de ces décrets sera-t-il adapté afin de tenter de renouer le dialogue avec les syndicats ? Sont-ils déjà prêts ou restent-ils à rédiger ? Voici deux mesures phares sur lesquels les décrets changent totalement la donne.

Carrières longues : précisions attendues, et suspense pour les générations 61, 62 et 63

Résumons. Le projet initial adaptait déjà le dispositif de départ anticipé à la retraite pour carrière longue. Mais celui-ci a été adapté et amendé au Parlement. Avec des amendements renvoyant à des décrets. Résultat, avant (enfin aujourd'hui, pour l'instant), un départ pour carrière longue est possible si vous avez validé vos 4 ou 5 trimestres avant la fin d'année de vos 16 ou 20 ans.

Après réforme, ce même dispositif s'appliquera différemment selon que vous ayez vos trimestres requis avant vos 16, 18, 20 ou 21 ans. Et c'est sur l'application de cette nouvelle « borne de 21 ans » que subsistent le plus d'incertitudes. Concrètement, la loi crée ces 4 « bornes d'âge »... et renvoie à un décret pour les modalités.

Carrière longue : ce que changera la réforme des retraites

Le casse-tête se complique si vous êtes né entre septembre 1961 et décembre 1963. Etes-vous éligible au dispositif carrière longue ancienne ou nouvelle version ? Un amendement a été ajouté à la dernière minute au Sénat puis en commission mixte paritaire afin de garantir aux générations 1962 et 1963 pouvant initialement partir en carrière longue de profiter d'une exception : profiter du dispositif ancienne version. Mais quid de ceux de la fin d'année 1963 ? Et combien de trimestres à cotiser ? Tout cela doit encore être éclairci par décret...

Vous êtes né en 62 ou 63 ? Ce que change l'amendement carrière longue

Retraite « minimum » : des intentions... qui restent à écrire dans les textes

La question de la « pension minimum à 1 200 euros », qui a tant été écorchée et qui a tant fait débat, est différente de celle des carrières longues. Les intentions du gouvernement sont connues : la promesse de cette retraite de quasi 1 200 euros, en brut, avec complémentaire incluse, concerne ceux qui peuvent justifier d'une carrière complète (ils ont tous leurs trimestres), avec un salaire proche du Smic pendant toute leur vie active.

Côté chiffres, le flou concernait le nombre de bénéficiaires. Mais les montants concernés, avec un boost « grand maximum » de 100 euros, sont connus.

Alors, où se situe l'incertitude ? Le texte de loi ne détaille que très succinctement cette mesure, qui passera par une évolution du « minimum contributif ». En bref, l'indexation du « montant brut mensuel total des pensions de vieillesse de droit personnel » (base + bomplémentaire), « au moins égal à 85% » du Smic net au moment du départ à la retraite, si vous justifiez d'une carrière complète (1), figure bien dans la nouvelle loi. Quels montants, précisément (au-delà de l'intention des 100 euros en commentaire du projet de loi) ? Un texte réglementaire ou une circulaire Cnav devra préciser les modalités concrètes. Cette première mesure concerne uniquement les futurs retraités.

Quid de la revalorisation ou majoration promise à 1,8 million de retraités actuels vivant d'une petite pension ? Là, un décret doit suivre... En clair, autant les intentions du gouvernement sont claires, autant celles-ci restent à confirmer par décret.

Réforme des retraites : ce qui va changer pour les petites retraites

(1) Durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension à taux plein.