La promesse d'une retraite minimum à 1 200 euros devait être l'illustration d'une réforme censée créer un système « plus juste ». Cette promesse a rapidement été égratignée : la pension minimum sera légèrement inférieure à 1 200 euros, montant brut et non net, complémentaire incluse et, surtout... il faut une carrière complète à hauteur du Smic pour en profiter. Le projet de loi étant publié, zoom sur 7 questions pour lesquelles les réponses s'éclaircissent.

Une pension minimale équivalente à « 85% du Smic net », soit « près de 1 200 euros par mois dès cette année » : voici la promesse avancée par la Première ministre Elisabeth Borne à l'heure de présenter la réforme des retraites le 10 janvier 2023. « Avec la réforme, la pension de retraite pour une carrière complètement cotisée au Smic ne pourra être inférieure à 85% du Smic net, soit environ 1 200 euros brut par mois », a rapidement précisé le dossier de presse. Après les hésitations des premières heures, voici les informations disponibles sur cette retraite minimum.

  • Cette retraite minimum sera d'environ 1 200 euros, et durablement indexée à 85% du Smic net.
  • Ce minimum est une pension en brut, avant CSG (variable selon les retraités) et CRDS, soit jusqu'à 9,1% de cotisations sociales.
  • Les près de 1 200 euros (en brut) s'obtiennent par l'addition de la pension de base et de la retraite complémentaire.
  • Ceux qui sont déjà à la retraite en profiteront aussi.
  • Pour bénéficier pleinement de ce minimum, il faut toutefois justifier d'une « carrière complètement cotisée au Smic ».

Réforme des retraites : qui pourra réellement profiter de la pension minimum à 1 200 euros ?

Restent donc de très nombreuses interrogations. Que signifie une « carrière complètement cotisée au Smic » ? De combien les retraites actuelles seront augmentées ? Quid des temps partiels et des revenus inférieurs au Smic ? Et les ex agriculteurs ? Et s'il vous manque quelques trimestres ? Florilège incomplet de la foule de questions reçues par MoneyVox à ce sujet. Ce que l'on sait, à ce stade, suite à la mise en ligne du projet de loi portant cette réforme des retraites version 2023.

1 - Quand ?

Le « 1er septembre 2023 » : c'est la date d'entrée en vigueur inscrite dans le projet de loi, aussi bien pour le nouveau minimum pour ceux qui partent à la retraite, que pour ceux qui y sont déjà.

A cette date, si le projet de loi est adopté, les retraités ayant cotisé suffisamment longtemps « pour bénéficier du taux plein » devront « se voir servir » un « montant brut mensuel total des pensions » de base et complémentaires « au moins égal à 85% du montant mensuel » du Smic net.

2 - Combien de futurs retraités bénéficiaires ?

Sur les quatre derniers mois de l'année 2023, après l'entrée en vigueur de la réforme (si elle est adoptée en l'état), « 54 000 personnes bénéficieront de la mesure et disposeront d'une pension plus élevée qu'en l'absence de réforme », lit-on dans le rapport gouvernemental. Par la suite, chaque année, « le nombre d'assurés qui verront leur pension augmenter par rapport à une situation sans réforme s'établira entre 180 000 et 200 000 personnes ».

Attention : ces chiffres concernent le nombre de nouveaux retraités dont la « petite pension » sera plus élevée qu'en l'absence de réforme. Jamais le gouvernement n'affirme que ce chiffre correspond à ceux qui toucheront la pension de 1 200 euros bruts.

3 - Combien de retraités actuels en profiteront ?

Là, les bénéficiaires de ce « coup de pource » dédié aux petites retraites seront bien plus nombreux ! « 1,8 million de retraités, dont 60% de femmes, bénéficieront ainsi d'une augmentation de leur pension », lit-on dans le même rapport. Mais attention, là encore, cela ne signifie pas que 1,8 million de retraités verront d'un coup leur pension globale portée à 1 200 euros bruts. Seuls ceux qui ont une carrière complète cotisée à hauteur du Smic atteindront ce montant, les autres (carrière incomplète, ancien salaire inférieur au Smic, etc.) profiteront d'une hausse, certes, insuffisante toutefois pour parvenir à ce « minimum ».

4 - Comment le gouvernement compte augmenter les petites retraites ?

Aucun des bénéficiaires ne touchera une pension brute de quasi 1 200 euros « d'un bloc » : ce sera l'équation « pension de base + complémentaire » qui permettra d'arriver à 1 200 euros bruts pour les carrières complètes. Très concrètement, si vous avez déjà une petite retraite, le minimum contributif (ou « Mico ») va augmenter de 25, 75 ou 100 euros selon les cas : ce « Mico » agit sur votre pension de base, en la relevant si cette pension du régime général (Assurance retraite) est trop faible.

En clair, le gouvernement ne peut agir que sur la pension de base, pas sur la complémentaire. Les régimes complémentaires, et en premier lieu Agirc-Arrco pour les ex salariés sur privé, sont pilotés par les syndicats patronaux et de salariés, indépendamment de l'Etat.

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Dans les faits, la pension minimum était déjà censée suivre les évolutions du Smic (à hauteur de 85% du Smic), depuis 2003... Mais cette disposition n'a jamais été appliquée, le minimum contributif ayant uniquement été revalorisé au rythme de l'inflation... ce qui explique l'écart actuel avec le Smic. Le projet de loi indexe cette fois clairement ce seuil de 85% du Smic pour l'ensemble des pensions mensuelles perçues par un retraité, base à hauteur du Mico + complémentaire.

Exemple, pour une carrière complète

Le gouvernement prend l'exemple de Ahida, une assurée née en 1961 « avec une carrière complète » : « Elle a été rémunérée au Smic durant toute sa carrière de salariée, qui n'a connu aucune interruption ».

Sans la réforme, sa pension de base est de 781 euros : elle ne bénéficie pas du minimum contributif, puisque le « Mico majoré » est actuellement de 747,57 euros bruts. « Avec la retraite complémentaire qu'elle perçoit, soit 337 euros, ses revenus mensuels s'établiraient donc à 1 118 euros ».

Avec la réforme ? Première conséquence : elle doit travailler 3 mois de plus. Un trimestre de travail qui bonifie mathématiquement sa complémentaire de 8 euros, à 345 euros. Surtout, « avec la réforme des retraites de 2023, Ahida bénéficiera de la revalorisation du Minimum contributif, qui lui permettra de dépasser la cible de 1 170 euros, soit 85% du Smic net, puisqu'elle a réalisé une carrière complète ». Grâce à la hausse du Mico, sa retraite de base est bonifiée de 66 euros, à 848 euros. Résultat : « ses revenus mensuels atteindront 1 193 euros [bruts, avant CSG-CRDS] après réforme, soit un gain de 75 euros ».

Cet exemple d'Ahida illustre donc un cas favorable, profitant pleinement de la pension minimale voulue par le gouvernement.

Source : Direction de la sécurité sociale, dans le « Rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites » publié par le gouvernement en janvier 2023

5 - Quelle complémentaire pour atteindre 1 200 euros ?

Ça dépend... Mais la promesse du gouvernement repose clairement sur l'équilibre « base + complémentaire ». Au rayon retraite, chaque cas est unique...

Mais un retraité ayant cotisé toute sa carrière proche du Smic, dans les clous du fameux Mico... combien touche-t-il de complémentaire Agirc-Arrco aujourd'hui, avant la réforme ? Question complexe, plusieurs cabinets experts ayant décliné notre sollicitation. Réponse de l'Agirc-Arrco, en version AVANT réforme : « Pour une personne née en 1961, ayant commencé à travailler à 20 ans, ayant connu une carrière complète rémunérée au Smic, et ayant liquidé sa retraite le 1er janvier 2023, nous estimons que sa pension mensuelle brute à l'Agirc-Arrco est de l'ordre de 255 euros. Cette pension Agirc-Arrco tient compte des coefficients de solidarité. Pour rappel, pour cette génération, le nombre de trimestres requis est de 168, soit 42 ans. »

Difficile de tirer des conclusions sur la base de cette moyenne... mais à la vue de l'exemple ci-dessus, le gouvernement semble compter sur une complémentaire brute dépassant clairement les 300 euros bruts pour parvenir à la pension minimale de 1 200 euros.

6 - Quel bonus pour votre « petite » retraite ?

Un exemple chiffré, tiré de l'étude d'impact liée au projet de loi. Les futurs retraités de la génération 1962 concernés par la « revalorisation » des minima de pension gagneront 402 euros sur une année de retraite, soit 33,50 euros par mois : 25 euros de bonus mensuel moyen pour les hommes, et 38 euros pour les femmes, pour cette génération fêtant ses 61 ans en 2023 et pouvant donc partir à la retraite à partir de leurs 62 ans et 6 mois. Mais à condition d'avoir 169 trimestres s'ils veulent valider une carrière complète et espérer cette pension minimale.

A quel âge puis-je partir à la retraite ? *

Age légal de départ à la retraite **
Nombre de trimestres requis ** --
Âge du taux plein automatique ** 67 ans

* A compter du 1er septembre 2023, l'âge légal de la retraite sera relevé progressivement de trois mois par an pour atteindre 64 ans en 2030, contre 62 ans aujourd'hui.
** Source : projet de réforme des retraites du gouvernement présenté le 10 janvier 2023.

NB : Il s’agit d’un simulateur simplifié qui présente les cas généraux. Pour une simulation personnalisée, rendez-vous sur le simulateur du site info-retraite.

« Parmi les retraités actuels la mesure concernerait un peu plus de 10% des retraités (1,8 million) pour un montant moyen de 63 euros mensuels pour les femmes et 45 euros pour les hommes », explique Michaël Zemmour, économiste à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, dans un fil décryptant cette pension minimum sur Twitter.

« On aura toujours environ 25% des retraités avec une pension inférieure à 1 200 euros »

7 - Qui restera en-dessous de 1 200 euros ?

« Au terme de la réforme, on aura toujours environ 25% des retraités avec une pension inférieure à 1 200 euros, environ 40% de femmes et 15% d'hommes », ajoute l'économiste Michaël Zemmour, en recoupant les chiffres du gouvernement et les données de l'échantillon interrégimes de retraités (EIR) de 2016.

De fait, les carrières incomplètes et les carrières touchées par des périodes de cotisations inférieures au Smic (pour temps partiel notamment) ne permettront pas d'atteindre cette pension minimale de 1 200 euros bruts.

Exemple pour « carrière heurtée »

Un dernier exemple tiré de l'étude d'impact du gouvernement, pour un « salarié [génération 1961 partant à la retraite en septembre 2023, NDLR] ayant une carrière heurtée (120 trimestres cotisés sur la base du SMIC, 168 trimestres validés) ». Avec la réforme, « sa pension totale à la liquidation devrait atteindre 1 097 euros dont 807 euros pour la pension du régime général », car il ne profite pas pleinement du minimum contributif majoré. A ces 807 euros bruts de pension de base s'ajoutent « 290 euros pour la pension du régime complémentaire Agirc-Arrco ». Conclusion du gouvernement, grâce à cette réforme, la pension augmente « de 78 euros par mois ».