Le plan épargne retraite - individuel comme collectif - lancé fin 2019 est un succès selon les acteurs questionnés par MoneyVox. Mais le nombre de contrats et les encours sont encore trop faibles pour en faire un produit phare de l'épargne, à l'instar du Livret A ou de l'assurance vie. Et les frais devraient être davantage encadrés.

A l'heure de tirer le bilan des cinq années passées par Emmanuel Macron à l'Elysée, on se souviendra notamment du projet avorté de réforme du système des retraites. Mais quelques mois plus tôt, le PER - pour plan épargne retraite - déboulait sur le marché. « C'est un des piliers de la loi Pacte, qui est elle-même l'un des piliers du quinquennat », affirme le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire. Moins médiatique que le premier cité, il n'en reste pas moins une réforme importante et, peut-être, la première pierre d'un texte complémentaire qui pourrait arriver après les échéances de 2022.

C'est quoi cette réforme ?

Lors de son lancement le 1er octobre 2019, le PER a pour but de relancer l'épargne retraite en France et de concurrencer l'assurance vie. Ce placement se divise en deux catégories : le PERIN pour un plan ouvert à titre individuel pour un salarié comme un indépendant, et un PER collectif dans le cadre d'une démarche d'entreprise. Ce dernier PER collectif regroupe lui-même 2 catégories : le plan d'épargne retraite d'entreprise collectif (PERECO) et le plan d'épargne retraite obligatoire (PERO).

Alimenté par des versements personnels, l'épargne salariale (intéressement, participation, CET...) ou des versements obligatoires de l'entreprise (dans un PERO), iI s'agit d'un placement de long terme qui permet d'accumuler un pécule qui sera distribué à la fin de la vie active en complément de la pension de retraite sous forme de rente, de capital ou de façon panachée.

Les sommes versées sont déductibles du revenu imposable jusqu'à 10% de son revenu imposable et dans la limite de de 32 908 euros par an. Ce plafond est revu chaque année. Cet avantage fiscal accordé à l'entrée sera rattrapé à la sortie (sauf si le client décide de renoncer à l'avantage fiscale d'origine). Quant aux plus-values, elles seront soumises au prélèvement forfaitaire unique de 30%.

De fait, le PER est plus avantageux pour les contribuables avec taux marginal d'imposition de 30% ou plus durant leur vie professionnelle et qui paient beaucoup d'impôts. Pour les tranches à 30%, 41% ou 45% de TMI, le PER est un moyen d'épargner en baissant son impôt.

En conclusion, le PER simplifie la vie de l'épargnant en reprenant en un produit les contours de ses nombreux prédécesseurs : Madelin, Perp, Perco, article 83. Sur la forme, il peut s'agir d'un contrat d'assurance de groupe (similaire à une assurance vie) ou d'un compte-titre investi sur différents supports, fonds euros comme unités de compte. Les épargnants sont d'ailleurs largement incités à regrouper leurs anciens dispositifs d'épargne retraite au sein de leur PER.

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Le PER : quelle rente pour quel placement ?

Une personne de 30 ans qui place 150 euros tous les mois jusqu'à 65 ans, avec un premier versement de 1 000 euros aura déposé au total 63 850 euros. En estimant une rentabilité annuelle croissante (1%, 3% ou 5%) selon le niveau de risque choisi son capital final sera de 76 598 euros, 112 984 euros ou 171 636 euros.

A partir de 65 ans, la rente mensuelle* sera ainsi de 194 euros, 286 euros ou 435 euros.

Une personne, de 40 ans et qui, elle, alimente son PER de 250 euros chaque mois jusqu'à ses 65 ans avec un versement initial de 3 500 euros, aura déposé au total 78 250 euros. Selon le niveau de rendement choisi, son capital final estimé sera de 89 356 euros, 117 952 euros ou 158 036 euros.

A partir de 65 ans, la rente mensuelle versée sera ainsi de 236 euros, 312 euros ou 418 euros.

Une dernière personne, de 50 ans, qui place 900 euros tous les mois jusqu'à 65 ans, après avoir effectué un premier versement de 15 000 euros aura déposé au total 176 100 euros. Selon le niveau de rendement choisi son capital final sera de 191 156 euros, 226 085 euros ou 268 026 euros.

A partir de 65 ans, la rente mensuelle sera ainsi de 529 euros, 626 euros ou 744 euros.

*Ce sont des estimations obtenues grâce à la calculatrice MoneyVox et qui donnent une idée générale. Chaque contrat, selon ses spécificités, offrira un rendement différent.

Quel bilan pour le PER ?

La création du PER part d'un constat : en 2019, l'épargne retraite ne représentait que 230 milliards d'euros d'encours contre 1 700 milliards d'euros pour l'assurance vie ou près de 350 milliards pour le Livret A. Mais la marche est encore longue puisque fin novembre 2021, les PER comptaient un nombre total de 2,5 millions d'assurés pour un encours de 27,1 milliards d'euros, selon les chiffres de France Assureurs, le nouveau nom de la Fédération française de l'assurance.

Ce sont des résultats inférieurs aux objectifs fixés par le gouvernement et différents de ceux communiqués par Bercy : le ministère de l'Economie évaluait à 3,3 millions les Français titulaires d'un PER (individuel ou collectif) à fin mars 2021, avec au total 40 milliards d'euros d'encours. De plus, la vague de PERIN est surtout liée aux transferts des anciens plans d'épargne retraite. Une somme importante mais qui reste infime si l'on prend le total de l'épargne retraite en France.

Le PER a aussi profité d'une promotion importante à compter de sa mise en vente, parfois au détriment des particuliers et que les assureurs n'ont pas su satisfaire.

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Le PER est-il une réussite ?

« C'était un produit attendu depuis longtemps qui connaît un vrai succès auprès des épargnants, salue Stellane Cohen, présidente d'Altaprofits. C'est un produit qui n'exige aucun minimum de versement et qui peut nous suivre toute la vie professionnelle, quelles que soient les évolutions de carrière. Plus largement, le PER ouvre la voie à une réforme attendue des retraites vers la capitalisation. » Un projet loin de faire l'unanimité en France. « C'est un bilan positif et on observe une dynamique positive avec ce produit récent, lisible et simple, notamment dans les entreprises dans le cadre des PER collectif », abonde Benjamin Pedrini, directeur Général d'Epsor. Selon lui, l'apport du PER se situe aussi dans sa portabilité même si la procédure de transfert gagnerait à être simplifiée.

Son point faible ? Des niveaux de frais, notamment de versement, qui en réduisent la rentabilité. « Une harmonisation des frais et de leur fiscalité serait la bienvenue, notamment dans le cadre des PERCO », détaille Benjamin Pedrini. Pour contrer cette mauvaise publicité, les assureurs promeuvent leurs contrats en insistant sur leur bas niveau, forcément inférieurs à ceux de la concurrence. Leur baisse et leur lisibilité sont jugées prioritaires par Bercy et un accord avec la profession doit être signé ce mercredi. Une colonne recensant les frais de gestion (contrat + support) pourrait notamment apparaître dans l'annexe financière.

Quant aux axes d'amélioration, Stellane Cohen aimerait assouplir la « sécurisation » du capital induite par la loi Pacte. Plus on approche de la retraite, plus les sommes épargnées sont placées sur des fonds euros, plus protecteurs mais moins rémunérateurs. « On approche de 80% du total et cette orientation mécanique peut être désastreuse selon le timing. Tout le monde ne cherche pas la sécurité à ce moment de la vie », explique-t-elle. Autre piste, revoir la fiscalité après 70 ans qui est très désavantageuse pour l'épargnant et/ou ses héritiers et qui pousse à « vider » le PER avant cette échéance.

Pour Benjamin Pedrini, il faut désormais « mettre davantage l'accent sur la pédagogie » car « l'utilité du PER est encore trop floue pour le grand public. Il doit être vu comme un produit d'épargne populaire ». Il faut aussi « insister sur la nécessité de préparer sa retraite et d'anticiper le différentiel de revenus entre la vie active et l'après. »