Pour se plaindre d'un mauvais conseil en placement financier et engager la responsabilité de celui qui l'aurait recommandé, il ne faut pas attendre que la perte soit officiellement constatée.

Le délai pour saisir la justice, qui est le délai habituel de 5 ans, s'ouvre, selon la Cour de cassation, le jour où le client a su ou aurait dû légitimement savoir qu'il était victime d'un investissement mauvais, voire frauduleux. Et, précise-t-elle, il suffit que des articles de presse aient été publiés à ce sujet pour juger que l'investisseur profane « a su ou aurait dû savoir ».

Investissement dans les manuscrits

La justice avait été saisie par un particulier qui, comme de nombreux autres, avait investi dans des manuscrits supposés de grande valeur qui devaient, à terme, être revendus avec une importante plus-value, présentée comme certaine. Mais quelques temps plus tard, la presse s'était fait l'écho de l'ouverture d'une enquête pénale, de la liquidation de la société organisatrice et de mises en examen pour escroquerie. Plus tard encore, lors de la revente des manuscrits, qui en réalité étaient de peu de valeur, l'investisseur avait constaté ses pertes.

Ayant peu après demandé au juge de condamner au comblement des pertes le courtier qui avait conseillé l'opération, l'investisseur s'est entendu répondre qu'il avait agi trop tardivement, le délai de prescription habituel de 5 ans étant écoulé. Il n'était pas écoulé depuis la revente des manuscrits qui a officialisé les pertes, mais il était écoulé depuis la parution des informations qui auraient dû l'alerter, ont conclu les juges. Or, il existe un principe général selon lequel une prescription, pour agir en justice, court à compter du jour où la victime « a su ou aurait dû légitimement savoir » que son préjudice était « suffisamment certain ».

(Cass. Civ 1, 19.4.2023, R 22-13.925).