La campagne du chèque énergie 2024 est lancée depuis mardi 2 avril. Les foyers éligibles ? Strictement les mêmes que l'an passé. Et les nouveaux bénéficiaires ? Ils sont potentiellement un million mais ils vont devoir attendre la mise en ligne d'une plateforme de réclamation... autour de laquelle plane un « flou » que dénoncent les associations de consommateurs.

« Nulle ! La campagne du chèque énergie est nulle ! » Françoise Thiébault, coordinatrice énergie du CNAFAL (Conseil national des associations familiales laïques), ne cache pas sa colère à la vue de la communication du ministère de l'Economie sur le chèque énergie. « Ils ont communiqué sur le chèque énergie... en omettant volontairement de parler des nouveaux bénéficiaires », regrette de son côté le président de la CLCV Jean-Yves Mano.

Car le CNAFAL, la CLCV et une quinzaine d'associations de consommateurs, parmi lesquelles l'UFC-Que Choisir et Familles rurales, ont alerté début février sur un million d'oubliés potentiels du chèque énergie en 2024. La faute à la suppression de la taxe d'habitation, qui servait de référence à l'Etat pour pointer les ménages éligibles. Suite au communiqué des associations, Bruno Le Maire avait immédiatement réagi en tentant d'éteindre l'incendie à la source.

« Les associations ont bien fait de réagir, bien fait de signaler le problème, nous l'avons réglé, il n'y aura pas de perdant », avait réagi Bruno Le Maire en direct France 5 lundi 5 février. La promesse de Bercy : la mise en ligne d'un guichet de réclamation.

« La campagne d'avril 2024 est purement et simplement un envoi aux bénéficiaires 2023 »

Une communication trop floue de Bercy ?

La campagne du chèque énergie est donc lancée. Le barème d'éligibilité, basé sur un revenu fiscal de référence maximum de 11 000 euros par unité de consommation, est le même que d'habitude... mais il fait référence aux revenus de l'année 2021 et non à ceux de 2022 ! En clair, « la campagne d'avril 2024 est purement et simplement un envoi aux bénéficiaires 2023 », simplifie Françoise Thiébault.

Quid des nouveaux bénéficiaires ? Les jeunes actifs, les ménages qui ne se sont déclarés foyers fiscaux qu'en 2022, ou ceux dont les revenus ont baissé entre 2021 et 2022 ? Bercy avait reconnu le problème les concernant en février et avait promis qu'ils pourraient réclamer leur chèque énergie via le guichet de réclamation. Dans le communiqué envoyé à la presse, samedi 30 mars, Bercy ne glisse que la phrase suivante à l'égard de ces nouveaux bénéficiaires : « Un dispositif en ligne va être mis en place d'ici cet été pour permettre aux ménages de formuler une réclamation s'ils estiment y être éligibles. » Mais aucune mention de la complexité 2024 pour les nouveaux bénéficiaires sur la base des revenus 2022.

« Un dispositif en ligne va être mis en place d'ici cet été pour permettre aux ménages de formuler une réclamation s'ils estiment y être éligibles »

Sur le simulateur officiel, mis en ligne en fin de semaine dernière, le RFR pris en compte est celui de 2021, du moins celui de l'avis d'impôt 2022 sur les revenus 2021. Et, comme le montre la capture d'écran ci-dessous, aucun message ne sensibilise sur la particularité des nouveaux bénéficiaires, sur la base du RFR 2022 (avis d'impôt 2023). Ils sont pourtant potentiellement un million comme l'ont révélé les associations de consommateurs en février. Un million de bénéficiaires qui devront donc réclamer le chèque énergie alors que celui-ci est normalement distribué automatiquement. Or, pour cela, ils devront pouvoir bénéficier d'un nouveau simulateur basé sur leurs revenus 2022, et non 2021. Mais avant que la plateforme puisse être mise en ligne, un décret actuellement bloqué au Conseil d'Etat doit être publié, ainsi qu'un autre texte réglementaire. Raison pour laquelle ce guichet de réclamation n'est pas encore disponible.

cheque energie

Caputre d'écran de chequeenergie.gouv.fr le mardi 2 avril 2024.

Problème : « Ils ont régressé dans leur communiqué », s'agace Françoise Thiébault, qui n'a vu aucune trace de ce futur dispositif sur les pages d'information au grand public sur le chèque énergie. « On peut s'inquiéter légitimement sur cette plateforme si l'on ne fait pas de la pédagogie tout de suite. »

« Quand il y a un flou, il y a un loup »

« Je pense qu'il serait bon de rappeler Bruno Le Maire à ses engagements », juge Jean-Yves Mano, de la CLCV. « Dans la recherche des économies à tout prix, nous ne savons pas s'ils feront tous les efforts nécessaires pour mettre en avant cette plateforme de réclamation [pour les nouveaux bénéficiaires, NDLR]. On s'attaquerait alors aux plus pauvres, car pour toucher le chèque énergie, il faut être largement sous le seuil de pauvreté. Honnêtement, il y a un flou. Et quand il y a un flou, il y a un loup. »

La réponse de Bercy

MoneyVox a relancé Bercy à deux reprises mardi 3 avril sur le sujet. Après deux réponses succinctes renvoyant au futur guichet de réclamation et au simulateur officiel (qui ne prend pourtant en compte que le RFR 2021 et non le RFR 2022), le ministère de l'Economie a répondu de façon plus détaillée et se voulant plus rassurant : « C'est lorsque les personnes se déclareront au guichet ad hoc [donc d'ici l'été quand il sera mis en ligne, NDLR] que leur sera confirmée ou non leur éligibilité. »

Bercy nous renvoie ensuite au barème actuel, basé sur les unités de consommation. « C'est le même critère que pour les ménages qui reçoivent directement le chèque énergie, sauf qu'au lieu de prendre les revenus 2021, l'éligibilité au guichet se fait sur les revenus 2022. » Reste à savoir si un simulateur basé sur les revenus 2022 sera ou non mis en ligne pour aider ces nouveaux bénéficiaire à jauger leur intérêt à réclamer cette aide...

Chèque énergie 2024 : chiffres clés

  • Montant moyen : 150 euros
  • Montant maximum : 277 euros
  • Montant minimum : 48 euros
  • 5,6 millions de ménages déjà bénéficiaires + les nouveaux bénéficiaires (un million, potentiellement)
  • Quand ? Envoi automatique du 2 au 25 avril 2024, puis « d'ici l'été » selon Bercy pour le guichet de réclamation en ligne