A qui la possibilité de changer de mutuelle à tout moment va-t-elle le plus bénéficier ? Les retraités pourraient être les grands gagnants de cette mesure qui entre en vigueur au 1er décembre.

Une révolution : à partir du 1er décembre, les assurés pourront changer de mutuelle santé à tout moment après un an d’engagement, sans frais, ni justification. Une possibilité ouverte tant pour les contrats individuels que collectifs à l'initiative de l'employeur. C'est un marché immense qui mute puisque près de 95% des Français sont couverts par un contrat complémentaire (dont 7% par la complémentaire solidaire, ex CMU-C) qui prend en charge en partie ou en totalité les soins de santé non remboursés par l’Assurance maladie. Un marché immense où plus 400 mutuelles, sociétés d‘assurances et institutions de prévoyance cohabitent.

83% des salariés sont couverts par leur entreprise

L’assurance santé n’est pas obligatoire en France contrairement à l'assurance auto mais depuis 2016, les entreprises sont tenues d’en proposer une à leurs salariés et d’en assumer au minimum 50% du coût annuel. Les contrats collectifs représentent désormais 47% des cotisations collectées en santé en 2017, en hausse continue depuis 2010 et dans le détail 84% des établissements, regroupant 96% des salariés du privé, proposent une complémentaire santé d‘entreprise, avec une prise en charge moyenne de 58% selon les études de la Drees (1). Dans la pratique, du fait des dispenses d‘adhésion, 83% des salariés sont couverts par leur entreprise, auxquels s‘ajoutent 4% à 6% de salariés couverts par la complémentaire santé d‘entreprise de leur conjoint. Principal avantage pour les salariés et leurs familles : « les contrats de complémentaire santé collectifs offrent des niveaux de garantie généralement plus élevés que les contrats individuels » écrit la Drees en 2019.

Les salariés peuvent-ils s'attendre à une baisse des cotisations à payer ou à des meilleures garanties sur leur contrat si leur entreprise décide de changer de complémentaire ? Sur les effets de cette nouvelle loi « nous sommes partagés, explique Sabine Marquer, chargée d’affaires entreprise chez Unimutuelles près de Rennes. Cela va générer de nouvelles opportunités qui peuvent nous être favorables ou défavorables. Mais, pour le moment, les services Ressources Humaines ont d’autres sujets de préoccupation avec la Covid. Je constate surtout un manque d’information des entreprises et peu de mouvements » pour le moment. Mais la donne pourrait changer au début de l'année notamment avec les fortes hausses de tarifs attendus pour 2021 : jusqu'à +5%. « On s’attend à un démarchage agressif des grosses compagnies d’assurance », poursuit Sabine Marquer.

Les retraités, les grands gagnants ?

Cette résiliation à tout moment sera-t-elle profitable aux travailleurs non-salariés (TNS), aux étudiants, aux retraités ou aux chômeurs ayant un contrat individuel ? A priori oui. Elle « permettra aux consommateurs dont le contrat d’assurance santé augmenterait fortement ses tarifs en 2021, malgré les économies massives réalisées lors de la crise du coronavirus, qui sont de l’ordre de 2,2 milliards d'euros, de faire enfin jouer facilement la concurrence et d'aller vers des organismes complémentaires plus vertueux », explique Mathieu Escot, directeur adjoint de l’action politique et responsable des études à l’UFC-Que Choisir.

Et parmi tous les assurés, les retraités devraient être les grands gagnants de la réforme selon l'association de défense des consommateurs : C'est en effet eux qui « paient les cotisations les plus élevées, puisque les tarifs augmentent avec l’âge et qu’ils ne peuvent plus bénéficier des contrats d’entreprise, pris en charge pour partie par l’employeur. Pour 20% des ménages de retraités, les cotisations représentent ainsi plus de 10% de leur revenu ! » D'après les simulations réalisées par l'UFC, les économies potentielles pour les retraités peuvent atteindre jusqu’à 1370 euros par an pour un couple. L'association affirme qu'au global, il serait possible pour l'ensemble des assurés de réaliser jusqu'à 1,2 milliard d'euros d'économies par an.

Une réforme inefficace ?

Un raisonnement balayé par certains dirigeants de complémentaire santé. Dans une tribune opposée à la réforme publiée par Les Echos, ils pensent qu'elle « conduira à une hausse des frais de gestion et de distribution. Ils vont nécessairement croître pour organiser les adhésions et les résiliations qui interviendront à tout moment de l'année. Cela ne répond pas aux objectifs légitimes du gouvernement de diminuer les frais des organismes complémentaires d'assurance-maladie (Ocam), et cela se fera au détriment de la qualité de l'accompagnement, de la prévention et surtout de la couverture ».

Une ligne de défense rejetée par le gouvernement. « Cette mesure ne va pas augmenter le coût des primes. L'augmentation de la concurrence permise par cette mesure va, au contraire, inciter les complémentaires à diminuer les prix, notamment en réduisant leurs frais de fonctionnement afin d'attirer ou de garder des assuré », soulignait l'ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn devant les députés lors de l'adoption du texte en mars 2019.

Reste à voir si la baisse des prix sera suffisante pour profiter aussi aux 5% de Français qui n'ont aujourd'hui pas les moyens financiers de s'assurer. Si le prix doit être scruté à la loupe, selon le juriste de l’association de consommateurs CLCV, Olivier Gayraud, il faut aussi bien « regarder le niveau de franchise, ce qui est garanti et ce qui ne l’est pas ». « Ce qui est moins cher est parfois de moins bonne qualité », prévient Christophe Bescond de AcommeAssure.com.

(1) L’activité des différents types d’organismes de complémentaire santé, Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques