Près de 30 milliards d’euros et plus de 700 000 contrats : avec leur offre à frais réduits, les banques et courtiers en ligne gèrent une petite partie de l'immense pactole de l'assurance vie en France. Tour d’horizon des forces en présence.

Des frais réduits et surtout pas de frais sur versement, des options de gestion innovantes, des fonds immobiliers accessibles sans avoir à justifier d’un portefeuille se comptant en dizaines de milliers d’euros… Et pourtant, 20 ans après l’apparition des premiers contrats d’assurance vie proposés par des acteurs du web, le marché de l’assurance vie en ligne reste une goutte d’eau face aux 1 761 milliards d’euros d’encours sur l’ensemble des contrats existants en France. Sur la base des chiffres communiqués par les assureurs, banques et courtiers intervenant sur le marché de l’épargne en ligne, moins de 30 milliards d’euros sont déposés sur les contrats web.

Deux assureurs dominants, et plusieurs outsiders

Les courtiers, fintechs et banques en ligne distribuant des assurances vie font tous (ou presque) appel aux mêmes assureurs pour gérer leurs contrats : Generali France, filiale du groupe italien, et Suravenir, filiale du groupe Crédit Mutuel Arkéa, se partagent l’essentiel du marché. Devant Spirica, filiale de Crédit Agricole Assurances, et plusieurs autres assureurs, qui ne détaillent pas leurs chiffres spécifiques à l’assurance vie en ligne : Apicil, Aviva, Oradéa Vie, SwissLife…

Les principaux assureurs sur Internet mi-2020
AssureursEncours webContrats web en gestionSouscriptions en 2019
Generali14,38 milliards € *415 188 *45 032
Suravenir9,5 milliards €223 00098 000
Spirica1,61 milliard €45 79012 494

* Fin 2019

L’année 2019 a été favorable, malgré des rémunérations en berne sur les fonds en euros : la très bonne santé des marchés boursiers en 2019 (+26% pour le CAC40) a mis en valeur les supports en unités de compte (UC) et la gestion pilotée. En témoignent les collectes annuelles (1,76 milliard d’euros pour Generali, 2,14 milliards pour Suravenir, 272 millions pour Spirica…) annoncées par les assureurs pour l'assurance vie en ligne : tous les voyants étaient au vert en 2019, et en hausse par rapport à 2018.

Puis a surgi la crise du coronavirus. Generali ne communique pas encore de chiffres sur l’année 2020, mais Suravenir reconnaît dès à présent accuser une baisse de 5% de la collecte web. Au-delà de la crise sanitaire et économique, l’année 2020 est aussi celle de la mise en place de nouvelles restrictions pour l’accès aux fonds en euros, ce qui a pu peser sur l'attitude des épargnants.

Plus d’infos : AG2R, Afer, Generali… Ces assureurs qui réduisent l’accès au fonds en euros

Banques en ligne : un secret bien gardé…

Combien les clients des banques en ligne ont-ils sur leurs assurances vie ? Mystère. Distillant déjà les informations avec parcimonie sur ce sujet ces dernières années, les banques en ligne se font mutiques en 2020 ! Boursorama n’a communiqué aucun chiffre, pas plus que Fortuneo qui précise tout de même : « La tendance 2020 est très positive sur la collecte en unités de compte dans un contexte marché porteur. » Les deux leaders n’ayant livré aucun chiffre, le tableau ci-dessous fait apparaître leurs statistiques à la fin 2018.

L'assurance vie dans les banques en ligne fin 2019
Banque en ligneEpargne en gestionContrats en gestionAssureur
Fortuneo5,5 milliards € *NCSuravenir
ING5 milliards €126 950Generali
Boursorama5 milliards € *NCGenerali
BforBank617 millions €19 782Spirica
MonabanqNCNCGenerali

* Statistiques fin 2018

Seules les banques en ligne ING et BforBank jouent la transparence cette année. ING affirme ainsi avoir réalisé une année 2019 comparable à 2018, ce qui permet à la filiale du groupe néerlandais de dépasser le cap des 5 milliards d’euros en gestion. Elle ne livre pas d’indication sur la tendance 2020, mais annonce d’ores et déjà « un élargissement important de l’univers d’UC disponibles en octobre ». BforBank confie pour sa part constater une « hausse de la collecte [en 2020] après le confinement qui bénéficie aux UC mais surtout aux fonds en euros, le contexte ne favorisant pas la prise de risques pour les clients détenteurs d’assurance vie, souvent des profils prudents ».

Courtiers web : un trio de leaders confirmé, des outsiders ambitieux

Les courtiers d’épargne en ligne communiquent plus facilement leurs résultats. Le tableau ci-dessous confirme la domination d’Altaprofits, Linxea et Mes-Placements, le trio de leaders depuis de nombreuses années sur ce marché. Altaprofits a toutefois passé un nouveau cap, puisque ce courtier faisant figure de « pionnier de l’épargne en ligne » ne revendiquait « que » 38 000 clients et 1,7 milliard d’euros d’encours fin 2018. Entre temps, Altaprofits a rejoint le groupe Generali en fusionnant avec Cosevad, filiale de Generali France dédiée à la gestion de patrimoine. L’enseigne Altaprofits a donc absorbé les clients de Cosevad, ce qui explique le bond du leader des courtiers web. Derrière Altaprofits, Linxea affiche toutefois une dynamique forte, confirmée en 2020 avec une collecte de « 190 millions d’euros pour 48 000 clients », tous produits confondus (assurance vie et autres placements).

Statistiques des courtiers en 2020
Courtier en ligne (année du 1er contrat)EpargneClients en assurance vieOuvertures en 2019
Altaprofits (2000)3 milliards €51 000NC
Linxea (2001)1,7 milliard € *40 000 *10 000
Mes-placements.fr (2005)1,3 milliard €31 0002 800
Assurancevie.com (2010)NCNC4 350
MeilleurPlacement (2007)713 millions €16 6522 282
Placement-direct.fr (2004)324 millions €9 0001 069
Yomoni ** (2015)251 millions €21 0005 000
Patrimea, avec E-patrimoine et Ethic Vie (2008)170 millions €3 000400
Touslesplacements.com ** (2013)122 millions €3 180NC
Grisbee (2016)52 millions €1 371421
Epargnissimo (2009)30 millions €1 350140
Investisseur Privé (2018)25 millions €130NC

* Statistiques à la fin 2019
** Tous produits d'épargne confondus
Source : déclaration des plateformes

Derrière le trio de leaders, un double constat : une poignée d’outsiders confirme ses positions, et le nombre de « petits courtiers » diminue fortement. Fin 2017, ce même palmarès recensait près de 25 courtiers web. Ils ne sont que 12 dans le tableau ci-dessus, même si le décompte peut grimper à plus d'une quinzaine d’acteurs en ajoutant les courtiers et fintechs EasyBourse (contrat EasyVie), Nalo, Binck Vie, WeSave ou encore Link Vie (de Primonial et Oradéa Vie) qui ne détaillent pas leurs résultats. EasyBourse précise par exemple avoir collecté 21 millions d'euros en 2019, et 8 millions au 1er semestre 2020. Mais le marché attire toujours, comme en témoigne le lancement de Mon Petit Placement début 2020.

Parmi les outsiders, Assurancevie.com et MeilleurPlacement (nouveau nom de MonFinancier suite au rachat par Meilleurtaux) sont les plus proches du trio de tête. En 2019, Assurancevie.com annonce ainsi une collecte (brute) de 227 millions d’euros, pas si loin des 315 millions de collecte de Linxea, qui réalise en parallèle la plus forte progression en nombre de nouveaux clients en 2019. MeilleurPlacement annonce pour sa part une collecte de 174 millions d’euros en 2019 en assurance vie, et de 164 millions d’euros à ce stade en 2020 (pour 4 205 nouveaux contrats).

Le courtier Placement-direct, filiale de SwissLife, dévoile lui aussi une progression en 2020 malgré la crise avec « près de 3 000 contrats souscrits » à ce jour. Autre progression notable : la fintech Yomoni qui revendique au 1er août (tous produits confondus) 6 000 nouveaux clients en 2020, après en avoir attiré 5 000 en 2019.

Le contexte très particulier de l’année 2020, avec un surplus d’épargne pour certains Français mais d’importantes difficultés et la peur des lendemains pour d’autres, se ressent parmi les courtiers. Patrimea et Investisseur Privé communiquent sur une tendance stable en 2020 par rapport à 2019 (collecte de 25 millions d’euros pour Patrimea), Grisbee anticipe une progression, Epargnissimo prévoit à ce stade 15% de nouveaux contrats en plus mais 20% de collecte en moins sur l’année 2020. Les courtiers Mes-Placements et Touslesplacements anticipent eux dès à présent une année en retrait par rapport à 2019, « de l’ordre de 5% », précise Mes-Placements.

Performances financières : 2019 au top, 2020 chaotique ?

Difficile de se distinguer à l'aide des rendements des fonds en euros, puisque tous les taux baissent, année après année, y compris ceux présents sur les contrats web. Mais certains courtiers et certaines banques proposent des fonds dynamiques aux performances plus attractives, à condition de miser une partie de son épargne en unités de compte.

D'autres tentent de se distinguer grâce à la gestion pilotée. Pour ce mode de gestion, l'année 2020 sera très instructive : en 2019, tous ou presque ont communiqué sur des performances annuelles records. L'évolution des marchés financiers est bien plus chaotique en 2020 : la comparaison sera donc pertinente dans quelques semaines, pour savoir qui a su tirer son épingle du jeu...

Voir aussi le comparatif d'une sélection d'assurances vie en ligne