Le traitement avantageux dont les dettes d'Etat font l'objet dans le bilan des banques recommence à faire naître des craintes en cas de soubresauts économiques et des voix s'élèvent pour améliorer les règles prudentielles en la matière.

Pour l'heure, les obligations souveraines échappent à plusieurs décisions mises en œuvre pour réduire l'impact des crises sur le système financier, dont celle limitant à un quart de son capital éligible l'exposition d'une banque à une contrepartie unique.

« Aujourd'hui, les obligations d'Etat sont considérées comme un actif sans risque. Certaines approches prudentielles requièrent donc une faible charge en capital pour la dette souveraine en monnaie locale, ce qui est cohérent avec le profil de risque historique de ce type d'actifs », a expliqué une source bancaire française.

Mais le président de la Banque centrale d'Allemagne, Jens Weidmann, a tiré la sonnette d'alarme la semaine passée dans le Financial Times en relevant que « l'hypothèse actuellement retenue selon laquelle les obligations d'Etat ne présentent aucun risque a été battue en brèche par l'expérience récente », cas grec en tête. « Le moment est venu de revoir la réglementation concernant l'exposition aux titres souverains. Sinon, je ne vois pas de moyen sûr pour couper le lien entre dettes souveraines et banques », a-t-il ajouté.

Au cours des dernières années, les banques de la zone euro ont vu la part des obligations d'Etats de la zone euro dans leur bilan croître d'un tiers pour atteindre un peu plus de 5%. La tendance a été particulièrement marquée dans les pays considérés comme les plus fragiles de la zone.

Espagne, Portugal et Italie

En Espagne, l'exposition totale du secteur bancaire aux dettes souveraines atteignait ainsi 266,1 milliards d'euros en août, alors qu'elle s'élevait à 87,9 milliards d'euros en 2008, selon la Banque d'Espagne. Dans le détail, Santander détenait 41,9 milliards d'euros d'obligations espagnoles fin 2012, contre 37,7 milliards en 2010. La progression a été encore plus importante pour CaixaBank, de 12,1 milliards fin 2011 à 28,3 milliards fin juin 2013.

Au Portugal, les banques avaient en portefeuille 47,9 milliards d'euros de dette nationale en juillet 2013, contre 13,6 milliards fin 2009. L'Italie ne fait pas exception : au 30 juin, Unicredit avait 46% de son portefeuille d'obligations souveraines placés en dette italienne, soit 48,78 milliards d'euros, une proportion qui atteignait 84% pour Intesa Sanpaolo (65,1 milliards).

Difficile d'avoir des règles claires

Plusieurs sources interrogées par l'AFP ont mis en avant le rôle des prêts à long terme (LTRO), à travers lesquels la Banque centrale européenne (BCE) a prêté plus de 1.000 milliards d'euros aux banques de la zone euro, pour expliquer ce phénomène. Elles ont ainsi pu profiter des taux très faibles consentis par la BCE pour acheter de la dette d'Etat au rendement plus élevé.

Les obligations d'Etat détenues par les banques seront tout de même soumises aux contrôles de la BCE à l'occasion de la procédure d'évaluation de leurs actifs qu'elle va mener prochainement. « L'exposition des banques aux obligations émises par leur Etat est moins importante qu'on le dit, de 3% à 15% de leurs capitaux propres. La BCE utilisera le cadre actuel pour mesurer l'exposition des banques aux obligations d'Etat car la BCE sera un superviseur, pas un régulateur. On appliquera les règles, on ne les inventera pas », a souligné une source bancaire européenne.

La difficulté à constituer des règles claires est d'ailleurs pointée du doigt par plusieurs acteurs du secteur, en raison de la présence de trois sources de régulation : les normes comptables, l'Autorité bancaire européenne et la BCE. Mais « si on change les règles en vigueur concernant la façon de prendre en compte les dettes souveraines, les banques devront renforcer leurs fonds propres de façon substantielle », ce qui contraindra leur capacité à octroyer du crédit et à soutenir la reprise, a prévenu une source bancaire française.