Depuis le 1er janvier 2024, ouvrir un plan d'épargne logement vous garantit un taux de rémunération de 2,25% pendant toute la durée de vie de votre PEL, potentiellement pendant 15 ans. C'était 2% en 2023 et encore 1% en 2022. Pourtant, de nombreux observateurs (dont MoneyVox) pariaient sur 2,50%. Raté. La faute à une formule de calcul complexe voire opaque... et qui devient encore plus secrète en 2024 !

Début décembre, la messe semblait dite. « Vers un taux à 2,5% pour le PEL en janvier ? », dans Investir-Les Echos. « Le 1er janvier 2024, son taux d'intérêt devrait augmenter de 2% à 2,5% », dans Capital. Et, mea cupla, MoneyVox titrait même, le 5 décembre : « Pourquoi le taux du plan épargne logement va grimper à 2,5% au 1er janvier (sauf surprise) ». Une série d'articles qui se basait d'une part sur la publication mensuelle de la Banque de France d'un taux « théorique » du PEL issu de la formule de calcul, l'inconvénient de cet indicateur étant un important décalage temporel, et d'autre part sur un communiqué du Cercle de l'épargne, le 8 décembre, où l'économiste Philippe Crevel titrait « vers un taux à 2,5% ».

Raté... Le 14 décembre, RMC publie une indiscrétion de Bercy : ce sera 2,25%. Démarre alors une esquisse de mise en doute de la stricte application de la formule réglementaire. RMC : « En augmentant le taux de rendement du PEL à 2,25%, le ministère de l'Economie et des Finances choisit la fourchette basse. L'application stricte de la formule mathématique prévoyait plutôt un rendement à 2,5%. » Le Figaro : « Si les prévisions misaient plutôt sur un taux à 2,5%, le ministère de l'Économie et des Finances a choisi la fourchette basse. » Philippe Crevel, cité par plusieurs médias dont MoneyVox, évoque une hausse « a minima ».

2,25% est bien la stricte application de la formule de calcul

Si prompte, ces derniers mois, à répondre aux attaques récurrentes envers le taux de l'usure, la Banque de France n'a cette fois pas réagi à ces mises en doute. MoneyVox a contacté Bercy et la Banque de France pour obtenir des explications sur la fixation d'un taux de 2,25% contrairement aux 2,5% attendus. Sans succès.

Et puis, finalement, 2,25% bruts, plutôt que 2,5%, cela ne change pas grand-chose quand le Livret A affiche un taux de 3% net de tout impôt sur toute l'année 2024... Mais le taux d'un nouveau PEL est bloqué sur une décennie, ou plus, contrairement au livret « star ». Fin de la séquence ?

C'était sans compter sur la détermination de Jean-François Filliatre, ancien directeur de la rédaction de Mieux vivre votre argent, longtemps chroniqueur sur BFM Business, et désormais directeur éditorial de MarchésGagnants.com et de EtPlusEncore.com. En ce début janvier, il reprend les calculs des taux swap de novembre, ceux sur lesquels est basée la formule du PEL. Sa conclusion : malgré les doutes, 2,25% est bien le résultat de la stricte application de la formule de calcul.

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Jean-François Filliatre a contacté la Banque de France - en intégrant MoneyVox à la conversation - pour confirmer son calcul et, surtout, savoir pourquoi la Banque de France a laissé éclore une mise en doute du respect des règles de fixation du taux du PEL... Cet infatigable défenseur des épargnants a obtenu une réponse très détaillée et argumentée de la part de la Banque de France. En bref ? L'institution confirme l'intuition de Jean-François Filliatre, le résultat du calcul donne 2,06% sur le mois de novembre, donc 2,25% pour le PEL au 1er janvier en arrondissant au quart de point supérieur comme le veut la loi. « Pour le PEL, les taux publiés depuis 2016 ont toujours été ceux issus de la stricte application de la formule. Le dernier en date aussi, le 2,25% est bien l'application stricte de la formule », insiste la Banque de France.

La Banque de France ne publiera plus de taux théorique

Plus étonnant, face à la question de Jean-François Filliatre sur l'absence de communication sur le calcul du taux du PEL en décembre 2023... la Banque de France choisit non pas de communiquer plus, mais moins ! Le taux issu de la formule de calcul étant publié avec un décalage d'un mois, il a effectivement induit en erreur la presse spécialisée (et MoneyVox en premier). Résolution 2024 de la Banque de France : « Nous avons décidé de ne plus publier compte-tenu de son caractère purement indicatif alors que grandissaient les inconvénients de la mauvaise utilisation faite de cette série et de la confusion qu'elle pouvait donc créer. »

Ce vendredi 5 janvier, la Banque de France publie son baromètre mensuel des taux de rémunération des dépôts, publication qui intégrait jusqu'à présent ce « taux théorique » du PEL. Ce vendredi, cet indicateur a disparu. Pour l'anecdote, l'indicateur existe toujours (pour l'instant) sur le site « open data » de la Banque de France. En novembre, il était de 2,079%, ce qui confirme encore l'absence de tout scandale (2,25% était le bon taux) mais confirme aussi l'extrême complexité de la formule du taux du PEL, puisque ce résultat diverge légèrement du résultat « formule officielle » fourni hier par la Banque de France.

L'avenir du PEL toujours plus menacé ?

Les confusions n'auront plus lieu d'être, sans cet indicateur public. Avec le risque de rendre le plan épargne logement encore plus opaque ? « Le PEL est critiqué par la Cour des Comptes du fait de ses anciens taux élevés, rappelait Philippe Crevel à MoneyVox à la mi-décembre. Les banques qui avant en avaient fait un produit d'appel ne le proposent plus guère. Le gouvernement avait indiqué son intention de le réformer mais rien n'a été présenté. » Faute de réforme, le PEL pourrait-il tomber dans l'oubli ?