L’argent déposé sur un compte au nom de votre enfant lui appartient, mais c'est à vous de le gérer ! Pouvez-vous prendre des risques avec ce pécule ou êtes-vous condamné à laisser cette épargne sur de simples PEL et Livret A ?

Quels placements sont envisageables ?

De part la réglementation, il n'est pas possible d'ouvrir un LDDS, un LEP ou encore un PEA pour un enfant. Sont disponibles le Livret A, le plus répandu, les livrets bancaires classiques, l'épargne-logement (PEL et CEL), le Livret Jeune à partir de 12 ans, l'assurance-vie et les comptes-titres.

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A qui appartient l'argent de vos enfants ?

L’argent placé sur des comptes au nom des enfants leur appartient. Les parents disposent toutefois d’un droit de jouissance légale. A ce titre, comme l’explique Me Jean-Michel Mathieu, notaire à Bourg-en-Bresse et président de l’Institut notarial du patrimoine et de la famille, « les parents peuvent disposer d’un quasi usufruit de l’argent de leurs enfants » jusqu’aux 16 ans de l’enfant. Mais attention : les parents « restent comptables de l’utilisation, qui doit toujours être faite dans l’intérêt exclusif du mineur ». Dans le cas de l’épargne constituée par les parents pour leurs enfants, « il n’est donc pas possible de reprendre pour soi ce qui a été donné ! »

« Pas possible de reprendre pour soi ce qui a été donné ! »

Ce droit de jouissance laisse toutefois aux parents la possibilité de percevoir les fruits des placements (intérêts, loyers pour un bien immobilier, etc.) pour compenser des frais d’éducation, d’entretien, etc. Ce droit de jouissance ne s’applique pas aux revenus perçus par les enfants pour leur travail, même si les parents restent administrateurs légaux. Pour les biens issus d’une succession, tout dépend des conditions posées par la personne ayant légué ou donné les fonds : par défaut et sauf mention contraire, les parents ont l’administration légale et la jouissance légale des sommes léguées à l’enfant.

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Peut-on placer l’épargne sur des supports risqués ?

La question se pose pour deux types de placements ouverts aux mineurs : les comptes-titres et les supports en unités de compte (UC) de l’assurance-vie multisupports. Premier point, pour l’assurance-vie, tout dépend de qui est l’adhérent-souscripteur. La plupart des banques et assureurs proposent des contrats enfants souscrits par les parents au nom du mineur, mais certains proposent des contrats intergénérationnels : le parent est alors souscripteur et l’enfant bénéficiaire. Dans ce cas, l’adulte étant l’adhérent-souscripteur, il n’existe aucune limitation concernant les risques car l’argent déposé appartient à l’adulte tant que la clause bénéficiaire n’est pas activée, à l’échéance choisie du contrat (souvent les 18, 20 ou 25 ans de l'enfant).

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Dans le cas d’un contrat d’assurance-vie souscrit au nom de l’enfant, l’argent lui appartient, comme pour un livret ou un PEL souscrit en son nom. Pourtant, ces contrats d’assurance-vie comportent des supports en UC, forcément risqués. « Du point de vue du droit civil, tout type de support est possible », juge Me Jean-Michel Mathieu, président de l’Institut notarial du patrimoine et de la famille. « Les seules restrictions viennent de la réglementation bancaire. » Feu vert, donc, pour investir une partie de l’épargne sur les UC.

Quel niveau de risque est possible ?

Jean-Michel Mathieu ajoute toutefois une limite à ce feu vert pour l’investissement en UC, ou sur d’autres fonds via un compte-titres : « Il y a un devoir de prudence naturel et de soins avisés, qui correspond à l’ancienne expression consacrée de gestion ''en bon père de famille''. » Et le notaire de citer le code civil : « L’administrateur légal est tenu d’apporter dans la gestion des biens du mineur des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt du mineur. » Ce principe de prudence s’applique quelle que soit l’origine des fonds, tant que les parents ont la charge de l’administration : épargne constituée par les parents, héritage ou revenus issus du travail des mineurs.

« Le mineur peut demander un contrôle a posteriori et ce dans les 5 ans de la majorité »

« De fait, le risque est plutôt déconseillé par la législation », analyse ainsi Jean-Michel Mathieu. « En cas de préjudice, le mineur peut demander un contrôle a posteriori et ce dans les 5 ans de la majorité. Les parents peuvent ainsi être considérés comme responsables d’une perte anormale. Pendant la minorité, toute personne intéressée, dont le ministère public, pourrait aussi demander un contrôle de la gestion. » Le notaire résume ce principe de prudence en une formule : « Liberté, oui, mais liberté de ne pas dilapider ! » En clair, ce n’est pas avec l’épargne des enfants qu’il faut miser sur le Bitcoin !

Quelles solutions pour limiter les risques ?

L’épargne des mineurs étant par définition une épargne longue, puisque placée sur un horizon de 10 ou 20 ans, quelle solution s’offre donc aux parents soucieux d’optimiser les placements réalisés pour leurs enfants ? Le code civil n’indique bien entendu pas quelle part du patrimoine de l’enfant peut être placée sur un actif risqué !

La part de risque envisageable est donc totalement subjective, les parents devant uniquement garder en tête qu’ils agissent dans l’intérêt de l’enfant. S'ils maîtrisent leur sujet, ils peuvent ainsi réaliser eux-mêmes une allocation d’actifs équilibrée. Les établissements financiers ont évidemment intégré cette problématique. Sollicitée, la Banque Postale met ainsi en avant la gestion évolutive de son assurance-vie pour enfant Vivaccio Initial : 30% sur le support en UC Vivaccio Actions jusqu’à 8 ans, puis sécurisation progressive des avoirs jusqu’au réinvestissement à 100% du contrat sur le fonds en euros à partir de 16 ans. Une garantie plancher permet aussi à l’enfant de retrouver a minima le capital versé à 20 ans.

« La question à se poser est : cette gestion convient-elle à l’enfant ? »

L’an passé, la fintech Yomoni a lancé l’assurance-vie Yomoni Kids. Avec des dispositions particulières pour sécuriser les avoirs sur ces contrats enfants ? Non, répond Tristan Boussand, directeur produit et développement de la fintech, qui précise que l’approche « en matière de recommandation de profil de risque approprié » est identique « qu’il s’agisse d’une contrat enfant ou d’un contrat adulte », avec une nuance sur le questionnaire de risque préalable à l'ouverture : « les questions portant sur le projet d'épargne concernent l'enfant », et « les questions portant sur la connaissance des marchés financiers, l'appétence au risque, et le besoin de liquidité concernent les représentants légaux ».

Le notaire Jean-Michel Mathieu ne voit pas la gestion pilotée d’un mauvais œil. Il glisse tout de même un conseil aux parents : « La question à se poser est : cette gestion convient-elle à l’enfant ? Il est donc conseillé de choisir les options de gestion au risque modéré. »

Que se passe-t-il à la majorité de l’enfant ?

La donne change même avant les 18 ans de l’enfant, comme le souligne Me Mathieu : « A 16 ans, l’enfant devient pleinement utilisateur des sommes. Un compte de gestion doit lui être fourni et il pourra demander des comptes à ses parents en cas d’utilisation contraire à son intérêt. » Jusqu’à la majorité, l’autorité parentale confère tout de même aux parents un droit de regard. A 18 ans, l’enfant peut ensuite disposer des sommes à sa guise !

Ce qu’il faut retenir

Les parents ne sont pas contraints de se limiter aux livrets ou à l’épargne-logement pour l’épargne de leur enfant, quelle que soit l’origine des fonds.

Ils peuvent placer l’épargne de leurs enfants sur un compte-titres ou sur les supports risqués de l’assurance-vie, à condition toutefois d’opter pour une gestion raisonnable du contrat.

Leur gestion de l’argent de leur enfant doit toujours se faire dans l’intérêt exclusif du mineur, jamais dans l'intérêt du parent. Dans le cas contraire et en cas de perte anormale, l’enfant pourra mettre en cause la gestion de ses parents à sa majorité.