Sept diagnostics de performance énergétique sur 10 seraient contestables selon l'entreprise spécialisée HelloWatt. « Pour une même maison, les cinq professionnels n'aboutissent pas au même résultat », fulmine de son côté 60 millions de consommateurs. Comment faire pour garantir la fiabilité de ces documents aux lourdes conséquences et considérés comme essentiels par les acheteurs ?

Selon une étude YouGov réalisée pour MoneyVox en juillet 2023, les diagnostics de performances énergétiques (DPE) et les nouveaux audits énergétiques sont reconnus comme des documents essentiels au moment d'acheter un bien immobilier. Précisément, plus de 8 acheteurs sur 10 y accordent une haute importance. Pourtant, il y aurait de quoi douter de leur fiabilité malgré un coût d'environ 150 euros pour le premier et autour de 800 euros pour le second.

Un tarif qui déjà soulève les premières questions. L'affichage des prix laisse clairement à désirer : « Que ce soit à l'accueil de leur établissement ou sur une plateforme en ligne, les diagnostiqueurs immobiliers n'informent pas correctement les consommateurs sur le prix des prestations. La grille tarifaire de la prestation est peu claire, voire incomplète compte tenu des multiples éléments intervenant dans le calcul du prix (nature du diagnostic, surface du bien, nombre de pièces, type de transaction, etc.) », regrette la Répression des fraudes dans une enquête de septembre 2022.

Sur les 312 établissements ciblés par la DGCCRF en fonction des plaintes reçues, pour un total de 7 500 diagnostiqueurs sur l'ensemble du territoire, 72% ont présenté une anomalie !

71% des DPE sont incorrects

Mais ce n'est pas tout. Au moment où les sanctions contre les « passoires thermiques » ont commencé à tomber, interdisant aux propriétaires concernés d'augmenter le loyer ou de louer leur bien, Hello Watt, qui propose des solutions pour optimiser la consommation énergétique du logement, estimait que 71% des DPE n'étaient pas corrects, c'est-à-dire qu'ils ne correspondaient pas à la consommation du logement en kWh par m2 et par an. « Il faut remettre le logement au cœur de la notation et ne pas laisser quelques acteurs tirer tout le monde vers le bas », estime le porte-parole de l'entreprise, Bastien Piot, auprès de MoneyVox.

« Parmi les logements possédant une étiquette énergétique et répertoriés dans la base de l'ADEME, nous en avons identifié 221 qui utilisent l'application Hello Watt. Pour ces logements, nous possédons donc leur consommation réelle, et leur superficie. Nous pouvons ainsi faire correspondre leur consommation/m2 réelle avec leur étiquette énergétique, et donc avec leur consommation/m2 estimée », poursuit-il. Dans un tiers des cas, l'écart de notation est énorme : une étiquette E au lieu de B ou C. Surtout, une passoire thermique peut ainsi être bien notée, contrairement à un appartement bien isolé qui verrait sa note dégringoler sans explication.

DPE le calendrier
Passoires énergétiques : le calendrier

« Le DPE a pour principal défaut d'être froid »

Le DPE évalue la performance énergétique actuelle sur la base des factures. De son côté, l'audit énergétique étudie structure du bâti, la qualité de l'isolation et des équipements du logement avant de proposer des axes d'amlioration chiffrés. « Pour répondre à l'objectif, la personne qui réalise l'audit doit être plus qualifiée, estime Baudouin De La Varende, le cofondateur d'Ithaque, une entreprise qui propose d'accompagner les ménages dans leurs projets de rénovation et emploi des ingénieurs thermiciens. Le DPE a pour principal défaut d'être froid, il ne tient pas compte des spécificités du lieu et du ménage qui y habite. »

En attendant que l'audit énergétique fasse ses preuves sur la méthode et rassure les clients, HelloWatt n'est pas seul à critiquer les examens énergétiques des logements français.

Dans son numéro de juin, 60 millions de consommateurs pointe de nombreuses erreurs et incohérences. « Pour une même maison, les cinq diagnostiqueurs n'aboutissent pas au même résultat ! Il y a toujours au moins deux lettres différentes, et parfois trois pour les étiquettes énergie qui vont de A à G », écrivent-ils avant de lister ce qui justifie ces différences. « Erreur de superficie, portes ou fenêtres oubliées, isolation mal prise en compte, chauffage et production d'eau chaude mal évalués... », ont été relevés.

Des documents contestables en justice

« La différence entre DPE et audit énergétique, c'est que les DPE sont faits plus rapidement, avec moins de données. On peut facilement faire une erreur sur l'isolation ou sur l'orientation, alors que ce sont des données qui ont leur importance. Ensuite, dans les logiciels qui sont utilisés, plus on ajoute des informations et plus le calcul sera précis. Lors d'un audit énergétique, on est souvent plus pointilleux, ce qui explique que l'audit énergétique soit plus fiable », explique à MoneyVox, Fanny Delsol, ingénieure thermicienne chez Ithaque.

Désormais, le DPE est opposable, c'est-à-dire qu'on peut le contester en justice et obtenir une éventuelle réparation qui couvrira, a minima, le montant estimé des travaux. La moindre incertitude sera au désavantage du propriétaire et abaissera le prix de vente. Dans les grandes villes, un appartement classé F ou G se vend, en moyenne, 2,1% moins cher que s'il était classé C, D ou E, selon SeLoger.

DPE, diagnostics, audit énergétique : les astuces pour payer moins cher ces documents obligatoires

Une certification renforcée

« Nous avons à mieux normer, à mieux encadrer, d'abord pour qu'il y ait moins de fraudes », expliquait la ministre Amélie de Montchalin, éphémère ministre de la Transition écologique en avril-mai 2022. « Les diagnostiqueurs immobiliers respectent globalement leurs obligations en matière de certification et de formation », tempère la DGCCRF. Mais le gouvernement veut faire plus.

Selon un arrêté publié le 20 juillet dernier au Journal officiel, à partir du 1er juillet 2024, les examens théoriques et pratiques seront plus exigeants pour obtenir la certification initiale de diagnostiqueur. Par contre, les professionnels ne seront plus soumis à des examens pour renouveler leur certificat de compétences.