Afin de baisser votre facture d’électricité, de rentabiliser votre toiture ou d’utiliser une énergie propre et locale, vous réfléchissez à installer des panneaux photovoltaïques. Est-ce un investissement potentiellement fructueux ou bien un gouffre financier ?

Le soleil peut-il réconcilier, pour une fois, les écolos et les investisseurs ? En tous cas, le nombre de particuliers ayant installé des panneaux photovoltaïques sur leur toit progresse. En effet, Enedis recensait 370 000 installations début 2018, contre plus de 410 000 aujourd’hui. Pour écouler leur production d’électricité, les ménages ont deux options. Ils peuvent soit la consommer et vendre le surplus non utilisé à EDF. Ou alors, ils revendent en intégralité leur énergie solaire. C’est soit l’un, soit l’autre.

Une fois ce choix fait, le particulier s’engage auprès d’EDF à lui vendre tout ou partie de son électricité pendant 20 ans ou tant qu’il est propriétaire des panneaux solaires. « Initialement, les ménages ont investi pour vendre la totalité de leur production », nous explique Fanny Guibert, journaliste pour 60 Millions de consommateurs. Mais, désormais, « 90% des consommateurs résidentiels font le choix de l’autoconsommation avec vente de leur surplus », souligne Richard Loyen, délégué général d’Enerplan, syndicat des professionnels de l’énergie solaire.

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La vente totale plus intéressante que l’autoconsommation

Le gain financier n'est vraisemblablement pas à l'origine de ce retournement de situation. « Il est toujours plus intéressant de revendre la totalité de l’électricité produite que de la consommer et de vendre le surplus », assure en effet Richard Loyen. Un avis partagé par Fanny Guibert, confirmé également par les données de l’association Hespul. Cette dernière, qui promeut le développement des énergies renouvelables en France, a mis au point un simulateur en ligne qui, en fonction notamment de la puissance de l’installation et de son emplacement, évalue quelle est l’option la plus intéressante.

Toutes les configurations que nous avons testées aboutissent au même résultat : revendre toute sa production rapporte plus que de la consommer. Ni la prime d’Etat - de 90 à 390 euros du kilowatt-crête (kWc) - octroyée uniquement pour l’autoconsommation, ni les frais de raccordement - d’une valeur de 1 000 euros d’après l’Hespul - facturés en cas de vente totale, ne modifient l’équation.

En effet, l’autoconsommation ne permet pas de devenir indépendant énergétiquement. « Elle permet de couvrir entre 20 et 35% de sa consommation énergétique », illustre Richard Loyen. En cause également : un prix de vente de l’électricité solaire nettement plus faible lorsque le particulier fait le choix de vendre son excédent plutôt que la totalité de sa production. Actuellement, EDF rachète en effet 10 centimes d’euro le kilowattheure injecté dans le réseau pour une installation inférieure ou égale à 9 kWc. Un prix d’achat figé pour la durée totale du contrat. En revanche, pour la vente totale, le prix d’achat, plus élevé à la base, est également indexé sur l’inflation. Pour les contrats conclus actuellement, le kilowattheure est rémunéré 15,75 centimes d’euro pour une installation de 9 kWc, et 18,53 centimes pour une puissance installée de 3 kWc.

Illustration de la différence de gains avec le simulateur d’Hespul pour 2 installations équivalentes - 9 kWc d’une valeur de 15 000 euros (+ 1 000 euros de raccordement si vente totale) - l’une à Aix-en-Provence et l’autre à Roubaix (voire encadré suivant pour ce second exemple). Bilan : à Aix-en-Provence, en vendant toute son énergie solaire, les panneaux solaires sont amortis au bout de 8 ans. Autrement dit : avant cette date, les versements d’EDF servent exclusivement à compenser l’achat de l'équipement. Sur 20 ans, la somme totale des revenus perçus atteint 27 000 euros (en déduisant l’investissement initial), soit en moyenne 1 350 euros par an. Dans le cas de l’autoconsommation avec vente du surplus, il faut 9 ans pour amortir l’installation. Après 20 ans, les gains cumulés atteignent 22 000 euros, soit 1 100 euros par an en moyenne.

Crédit, imposition, entretien... des gains réels plus faibles

Ce simulateur est une première approche. Il permet de sensibiliser l’internaute avec la logique d’amortissement et de lui faire comprendre que, s’il investit, il devra attendre plusieurs années avant d’espérer rentrer dans ses frais. En revanche, il ne permet pas de faire un diagnostic définitif. Car les gains présentés, théoriques, se basent sur une estimation de la production. Or, en fonction de l’ensoleillement, de la qualité des panneaux choisis, ou encore de leur perte d’efficacité au fil du temps, la quantité d’électricité réellement produite va êre impactée. De plus, même si cet exemple théorique se réalise, les revenus présentés ne tiennent pas compte de l’ensemble des charges inhérentes à l’installation et à la production d’énergie solaire.

Une partie des gains va en effet servir à couvrir les frais d’entretien des panneaux. A ce titre, il faut prévoir « 150 à 200 euros par an », d’après Richard Loyen d’Enerplan. Une autre partie servira à rembourser l’emprunt souvent nécessaire à cet investissement. En effet, pour un particulier, les panneaux solaires coûtent, hors frais de raccordement, de 6 000 euros à plus de 16 000 euros en fonction de la quantité installée (voire plus bas pour le détail). De fait, rares sont les ménages à être en capacité de financer, sans crédit, leur installation.

Enfin, les revenus tirés du solaire sont imposables, à moins que la puissance des panneaux ne dépasse pas 3 kWc. Rappelons également que, dans le cas de la vente totale comme en autoconsommation, le ménage continue à avoir besoin d’un fournisseur d’énergie. « Il ne faut pas croire qu’en installant des panneaux, vous n’aurez plus de facture d’électricité, insiste Fanny Guibert. Il y a un décalage entre le moment où ils produisent (en journée et l’été) et le moment où vous consommez le plus d’électricité (en soirée et l’hiver) ». D’après la Commission de régulation de l’énergie (CRE), la facture d’électricité pour un ménage type abonné au tarif réglementé d’EDF atteint en moyenne 1 462 euros par an (1).

De fait, parce que sans soleil la production décline, l’emplacement géographique est déterminant pour savoir si le photovoltaïque peut être rentable. « Dans le nord, il est évidemment plus difficile d’amortir ses panneaux solaires », rappelle Fanny Guibert de 60 Millions de consommateurs. Effectivement, à Roubaix – toujours en nous appuyant sur le simulateur d’Hespul avec la même installation qu’à Aix-en-Provence - il faut attendre au moins 12 ans pour que la vente totale de l’électricité rembourse a minima l'installation. Après 20 ans de fonctionnement, l’association estime à 12 500 euros (en déduisant l’investissement initial) les revenus totaux, soit 625 euros par an en moyenne. En optant pour l’autoconsommation avec vente du surplus, EDF verse au total 10 500 euros à ce ménage roubaisien, soit 525 euros par an. Et l’investissement est amorti au mieux au bout de 14 ans.

Le prix des panneaux déterminant clé de la rentabilité

Emplacement, besoins électriques du foyer, inclinaison du toit… : autant de paramètres à prendre en compte pour calibrer l’investissement, voire y renoncer si le retour sur investissement s’avère peu probable. Pour évaluer la rentabilité d’un tel projet, le prix de l’installation est aussi l’un des facteurs clés. La bonne nouvelle, c’est que « les prix du photovoltaïque ont énormément baissé. Il y a 10 ans, une installation de 3kWc coûtait encore de 18 000 à 22 000 euros », se souvient Richard Loyen. La mauvaise nouvelle, c’est que certains vendeurs continuent à surfacturer leurs panneaux.

« Je reçois tellement de témoignages d’arnaques, de gens endettés sur 20 ans dans des circonstances catastrophiques que j’ai du mal à recommander de se mettre au photovoltaïque, avertit Fanny Guibert. Ce projet nécessite beaucoup de préparation. Il ne faut pas hésiter à questionner ses proches ou ses voisins ayant installé des panneaux ou s’étant un jour posés la question », poursuit la journaliste. « Il est également impératif de s’adresser à des professionnels certifiés RGE [Reconnu Garant de l'Environnement, NDLR] dans le domaine du photovoltaïque, de comparer plusieurs devis et de ne surtout pas faire confiance aux promesses souvent mensongères des démarcheurs », recommande quant à lui Richard Loyen.

Pour évaluer si le devis proposé est a priori compétitif ou non, voici quelques fourchettes de prix à connaître (hors frais de raccordement). Ces dernières nous ont été communiquées par l’association Hespul. Ainsi, une installation photovoltaïque de 3 kWc, soit 20 mètres carrés de panneaux installés sur la toiture, doit être en principe facturée en 6 000 à 7 000 euros. Pour 6 kWc, soit 40 m2, cela doit revenir de 10 000 à 12 000 euros. Et pour 9 kWc, soit 60 m2, Hespul estime entre 14 000 à 16 000 euros le coût à prévoir.

Lire aussi : Panneau solaire... Les « pratiques désastreuses » de la rénovation énergétique dénoncées

En résumé,

  • S'équiper de panneaux photovoltaïques est un investissement coûteux qui revient, uniquement en matériel et pose sur le toit, de 6 000 à 16 000 euros au moins en fonction de la quantité de panneaux installés.
  • A ces frais s'ajoutent le coût du raccord au réseau, l'entretien, le tarif d'utilisation du réseau public d'électricité (TURPE) ou encore, souvent, les intérêts du crédit. De fait, la rentabilité de ce projet nécessite de sortir la calculatrice et de mettre en compétition les installateurs.
  • Comme débouché de votre production d'électricité solaire, vous pouvez soit la vendre en totalité à EDF, soit la consommer et vendre le surplus seulement. Dans les deux cas, les prix sont encadrés. Mais, en principe, la revente totate est plus intéressante financièrement.

(1) Observatoire des marchés de détail du 3e trimestre 2019. Abonnement heures pleines / heures creuses de 9 kVA. Cela correspond à un logement de 80 mètres carrés avec un chauffage électrique.