Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi la monnaie est liquide ? Ou pourquoi les Français ont du mal à parler cash de leur cash ? L’histoire de cet argent est-elle anglaise, italienne ou française ? Troisième épisode de la série d’été « les mots de l’argent » sur « FricVox ».

D’où viennent-ils ?

Cash. C’est le Larousse qui le dit : cash est un anglicisme désignant « l’argent liquide ». Mais le Larousse est formel : « Payer cash, fréquent dans la langue courante, est familier. Dans l’expression soignée, préférer l'équivalent : payer comptant. » Jules Verne, lui-même, consacre l’origine anglophone de cash dans Sans Dessus Dessous dès 1889 : « Il va de soi que cette vente était faite au comptant, cash suivant la formule américaine. » Et pourtant, comme le glisse malicieusement le linguiste Hugo Blanchet sur le blog du Robert, le mot anglais cash provient… de la langue française : « Quand il apparaît en anglais au 16e siècle, le mot cash désigne d’abord une “boîte” contenant de l’argent, puis par extension l’argent lui-même. Il s’agit sans doute d’un emprunt du mot ancien français (dans sa variante normande) casse “boîte, coffre à argent”. » Autant le dire cash : « payer cash » n’a rien mais vraiment rien d’un argot de première jeunesse !

Liquide. Comment la monnaie, faite de métal voire de papier, peut-elle être liquide ? On paie à boire mais on ne paie pas avec de l’eau... pourtant on paie en liquide ! Contrairement à cash, l’origine de cette expression provient bien de l’étranger : de l’Italie, plus précisément (1). Ce sont de riches commerçants italiens installés en France au 15e siècle qui ont importé le mot liquido mais aussi bien d’autres termes financiers, à commencer par banca, qui est devenu « banque » (2). Au sens propre, liquido désignait alors ce « qui coule », qui est « fluide ». Au sens figuré, liquido désignait aussi des biens libres de dettes, facilement transférables… et qui s’écoulent donc facilement, à l'image de la monnaie. Donc, payer en liquide = payer cash.

Les Français aiment-ils encore biffetons et ferraille ?

La ferraille, elle, désigne de façon plus évidente l’argent métallique et les biffetons les billets (on en reparle dans un prochain épisode). Ferraille + biffeton = le cash ou le liquide, l’argent liquide faisant référence à la monnaie physique au sens large.

Mais les Français paient de moins en moins « comptant » : en 2016, 68% des achats en magasin étaient payés en espèces, 3 ans plus tard ce chiffre était tombé à 59% et la crise sanitaire n’a fait que renforcer l’usage de la carte bancaire et du paiement sans contact.

Le déclin de l'argent liquide en France résumé en 3 chiffres

Même avant la Covid-19, sondages et études pointaient déjà une réticence des Français à se balader avec du cash. Si bien que la petite ferraille, les pièces de 1 et 2 centimes, est menacée : la Commission européenne elle-même a lancé une consultation publique sur le sujet entre 2020 et début 2021… Le cash est certes loin d’être liquidé, mais il s’écoule (un peu) moins.

Le liquide des Inconnus et le cash d'Eddy Mitchell

Extraits. Promis, ce sera la dernière référence aux Inconnus dans cette série, après le clin d’œil aux « 100 patates » de la semaine passée. Mais comment ne pas citer leur parodie « fiscale » Rap tout qui coche un quasi grand chelem de l’argot de l’argent : de l’oseille au pognon en passant par le pèze, le blé, les ronds… ou « ton liquide ».

Le Rap tout des Inconnus remonte à 1991. La chanson Cash d’Eddy Mitchell, où il nous apprend que ses parents lui ont « évité une vie à crédit » car « ils ont toujours payé cash », est encore plus ancienne : 1971. Cette chanson n’a pas fait un tabac et le chanteur avoue lui-même dans Cash que sa « carrière est en dent de scie ». Ça s’appelle parler cash.

Les mots d’argent, à suivre…

Sur MoneyVox (que l’on pourrait rebaptiser « Parlons pognon » pour l’occasion), vous en avez pour votre argent ! (Et ce même si lire nos articles ne vous coûte pas un rond…) A suivre, ces prochaines semaines : blé, avoine, biff, maille, caillasse, oseille, fraîche, lové, kichta, yeuma, némo, zeillo, neuthu, iassca, artiche, moula, rond, radis, genar, gengen, dollz, beurre, grisbi, pépètes, picaille, mitraille...

(1) Emprunt à l’italien liquido. Source CNRTL.

(2) Source : Dictionnaire des mots d’origine étrangère, Henriette Walter, citée par la bibliothèque de Genève, laquelle s’appuie aussi sur le site Expressio.