Donnez, do-dooonnez… Si vous, vos enfants, vos proches, vos amis ou (pourquoi pas) vos parents écoutent du rap, vous avez sûrement entendu et (pourquoi pas) dansé sur la « Moulaga », tube de la fin d’année 2019 ! La moula, comme la kichta, c’est de l’argent. Et les rappeurs ont clairement aidé à la popularité de ces mots d’argot. Cinquième épisode de la série d’été « les mots de l’argent » sur « KichtaVox ».

D’où viennent-ils ?

Moula, ou mulla, moolah voire moulaga. « Il s’agit d’un emprunt à l’argot américain », nous apprend Aurore Vincenti dans Les mots du bitume (1). « Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, il s’agit d’un argot plutôt ancien puisqu’on employait ce mot aux États-Unis dans les années 1920. » Et dans la culture américaine, Moolah is money, ajoute Aurore Vincenti. The Times of India affirme même que moolah est un mot fidjien qui serait lui-même l’ancêtre du mot anglais money… Dans son ouvrage Aurore Vincenti souligne toutefois que l’origine lointaine de moula reste incertaine. Une chose est sûre : en France, moula a été pioché de l’autre côté de l’Atlantique pour désigner l’argent.

Kichta. Elle désigne une « liasse de billets de banque » et plus généralement l’argent selon le Dictionnaire de la zone. Pour l’origine du mot, c’est plus délicat, de l’aveu même d’Abdelkarim Tengour, fondateur du site : « Kichta est le dernier ajout du Dictionnairedelazone.fr. Pour celui-là, je n’ai pas de certitude sur l’origine ! »

D’abord la rue ou le rap ?

« Moula vient de la culture américaine. Des rappeurs comme Booba y puisent beaucoup de vocabulaire », confie Abdelkarim Tengour, par ailleurs auteur de Tout l’argot des banlieues. « Des mots comme artiche ou moula, moi, je ne les ai jamais entendus dans la rue ! C’est du vocabulaire qui est surtout popularisé par le rap. »

Difficile de savoir qui, en France, a le premier utilisé le terme moula pour parler d’argent… mais Booba est le premier à l’avoir glissé dans les paroles d’une chanson (Caramel en 2012). Et il en a popularisé l’usage auprès des plus jeunes, comme en témoigne Abdelkarim Tengour : « Par exemple, pour moula, la plupart des contributeurs [le Dictionnaire de la zone est collaboratif, NDLR] ont entre 15 et 23 ans. »

Dans Les mots du bitume, Aurore Vicenti voit dans cet emprunt à la culture américaine une recherche de street credibility : « On emploie ce mot pour dire que l’on connaît les réalités de la rue, que l’on a tâté́ du bitume. (…) Entendez par là tout un univers de violence, de thune et de drogue. » La linguiste ajoute en effet que l’usage du mot moula renvoie désormais aussi à de la drogue.

Pour kichta, l’usage est encore plus récent… et popularisé là encore par des rappeurs. Rendez-vous dans quelques années pour mieux en tracer origine(s) et usage(s).

Heuss, Booba, Soolking…

Extraits. Totalement hors sujet Abba et leur célèbre Money, money, money ? Oui ! Quoique… Outre l’évident clin d’œil au nom du site d’information que vous êtes en train de consulter, ce retour en 1976 permet simplement de rappeler que la chanson s’est souvent faite l’écho d’envies d’argent. « Money, money, money, ça doit être amusant, dans le monde des gens riches (…) Tout ce que je pourrais faire, si j’avais un peu d’argent (…). »

Dans un léger – ou gros – raccourci, les rappeurs s’inscrivent ainsi dans une certaine tradition, quand ils réclament de l’argent tout en maquillant le mot d’un mot d’argot. D’ailleurs le tout récent (2020) clip Kichta de Soolking démarre sur un faux jeu télévisé où la présentatrice demandent « le mot le plus populaire en argot pour désigner une grosse quantité d’argent ». Flouze, moula, écu… Non ! Kichta ? Oui. « Oh, la kichta. Eh, j'veux la kichta (...) »

Avant de faire le parallèle avec le tube Moulaga (100 millions de vues sur YouTube, tout de même), moulaga étant une extension de moula, répétons que c’est bien Booba qui a été le premier à populariser cette expression d’origine américaine dans Caramel, en 2012 : « J’dois faire du biff, de la moula, du caramel ».

Mais c’est bien Heuss (qui chantait déjà « la moulaga » dans le refrain d'Aristocrate début 2019) et Jul qui ont fait passer l’expression moula dans une toute autre dimension… tout en glissant, au détour d’un couplet, donc quelques mois avant Soolking : « Kichta compressée c’est pour mieux décompresser ». Quand les rappeurs se répondent par morceaux interposés...

Les mots d’argent, à suivre…

Sur « Parlons de cash » (MoneyVox), vous en avez pour votre argent ! (Et ce même si lire nos articles ne vous coûte pas un biffeton…) A suivre, pour cette série d’été : blé, avoine, biff, maille, caillasse, brique, fric, oseille, fraîche, lové, rond, radis, beurre, grisbi, pépètes, picaille, mitraille…

(1) Éditions Le Robert.