Patates, radis, billes, balles, boules, briques… Pour désigner la monnaie, la langue française est imagée ! Si les Inconnus – ou plutôt les 3 frères – n’ont jamais remis la main sur les 100 patates, MoneyVox se demande d’où venaient ces fameuses patates. Et les briques. Et les balles. Deuxième épisode de la série d’été « les mots de l’argent » sur « FlouzeVox ».

D’où viennent-ils ?

Patates. Les fameuses « 100 patates » des Inconnus, dans Les 3 frères, désignaient 1 million de francs. Et ce même si, à l’origine, 1 patate = 1 million de francs… anciens. En 1960, on a en effet ôté deux zéros (1 franc = 100 anciens francs). Mais pourquoi « patates » ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, les linguistes n’ont pas résolu cette énigme…

Briques. Restons dans les francs. Jadis, une liasse de 1 000 billets de 1 000 francs valait un million : la « brique » vient de l’image de cette « brique de billets de banque » (1). A l’époque, une brique valait donc un million de francs. Puis, suite au passage au nouveau franc, la valeur de la brique - dont le cours n’a évidemment jamais été officiel – est officieusement passée à 10 000 francs. Et cela vaut aussi pour la « plaque » ou le « bâton », là encore des expressions anciennes qui désignaient un million d’anciens francs.

Balles. Les « balles », ce sont à l’origine des francs, anciens, puisqu’on retrouve ce synonyme de franc dès le milieu du 19e siècle (1) ! Pourquoi ? A l’image du « rond » ou de la « galette », une balle renvoie à la forme d’une pièce de monnaie : « C’est une métonymie [utiliser un mot pour évoquer un autre, le lien entre les deux étant considéré comme logique, NDLR], à cause de la forme ronde », explique la professeure en philologie, Kétévan Djachy.

Les patates, les briques et les balles, ça fait combien, en euros ?

Peut-on réellement parler de règles et de conversion pour des mots d’argot désignant l’argent ? Pas sûr… Mais ces unités utilisées par le passé pour désigner des francs existent toujours, même si l’argot du quotidien s’est déplacé vers d’autres termes.

Si l’on se veut rigoriste, 1 brique, 1 patate ou 1 plaque = 1 million d’anciens francs… Problème, en euros, difficile de parler d’une brique pour désigner 1 523 euros (la valeur d’un million d’anciens francs). Sacrée dévaluation pour cette monnaie argotique !

Finalement, aujourd’hui, si l’on vous réclame 1 brique ou 1 plaque, dans une curieuse conversion simplifiée, cela signifie probablement 10 000 euros… Peu importe la monnaie, c’est l’image l’important, comme l’expliquait dans un article universitaire (3) la linguiste Mireille Piot : « Bâton, brique, patate, plaque (…) ont obligatoirement l’interprétation de ‘‘quantité X+++ d’unités monétaires’’ qui sont celles qu’a à l’esprit le locuteur particulier dans la mesure où cette quantité d’unités peut référer à des monnaies différentes : centimes, francs, euros, etc. » Par extension, si jamais les Inconnus tournaient Les 3 frères (la suite du Retour) aujourd'hui, et qu'ils espéraient mettre la main sur « 100 patates » en 2021, cela signifierait plutôt 1 million d'euros.

Alors que l’euro fête ses 20 ans, pourquoi les briques, patates, plaques et autres balles tomberaient-elles totalement en désuétude ? Le « sou » est bien resté dans la langue populaire… alors que cette monnaie remonte au Moyen-Âge…

Les Inconnus, NTM et… BNP

Extraits. Les « 100 patates », les Inconnus les répètent encore et encore dans Les 3 frères (1995). Mais le premier à les citer, c’est Didier (Bourdon) face au notaire : « Excusez-moi parce que j’ai pas compris, les 13 000… c’est tout ce qu’on touche ? » Le notaire lui répond : « Heu… Non, ce sont les émoluments compensatoires… » Didier, encore : « L’héritage, il est où ? Les 100 patates ? »

Kool Shen, de NTM, en 1995, dans Le rêve : « C’est même l’avance de 100 briques / C’est pratique, idéale, idyllique même, plutôt sympathique / Une année sabbatique sous les tropiques »

BNP 2 balles

Même la banque BNP joue de l’argot au début des années 90, avec ce slogan « T’as pas deux balles » pour soigner son sponsoring de Roland-Garros.

Roland-Garros : pourquoi BNP Paribas mise des millions sur le tennis

Les mots d’argent, à suivre…

Sur MoneyVox (que l’on pourrait rebaptiser « FlouzeVox », « Voix du fric » ou « Parlons pognon » pour l’occasion), vous en avez pour votre argent ! (Et ce même si lire nos articles ne vous coûte pas un radis…) Voici les mots qu’il vous reste à découvrir lors des prochaines semaines pour cette série d’été sur « les mots de l’argent » :

  • liquide, cash, blé, avoine, biff, maille, caillasse, oseille, fraîche, lové, kichta, yeuma, némo, zeillo, neuthu, iassca, artiche, moula, rond, radis, genar, gengen, dollz, beurre, grisbi, pépètes, picaille, mitraille, brique, ferraille…

Premier épisode : Fric, pognon, flouze ou pèze : ce que cachent les mots de l'argent

(1) Centre national de ressources textuelles et lexicales.

(2) Source CNRTL.

(3) Quelques remarques sur bâton(s), brique(s), patate(s) et autres grand(s) format(s)