Le parquet a requis vendredi trois mois de prison avec sursis à l'encontre d'un ancien agent de la cellule de lutte anti-blanchiment Tracfin pour avoir divulgué des informations confidentielles relatives à l'affaire Cahuzac, qu'il craignait de voir occultées.

Sur un blog hébergé par Mediapart, Olivier Thérondel avait publié, les 22 et 26 avril 2013, deux billets, retirés depuis, qui mettaient en cause les consignes de sa hiérarchie et des lenteurs présumées dans le suivi du dossier de Jérôme Cahuzac.

L'ancien ministre du Budget a été contraint à la démission, le 19 mars 2013, après avoir menti pendant des mois sur l'existence d'un compte bancaire lui appartenant à l'étranger.

M. Thérondel dit avoir enregistré, le 5 avril, une déclaration de soupçon relative au rapatriement en France de 685.000 euros par M. Cahuzac depuis un établissement situé à Singapour. Il explique que lorsqu'ont été transmises à Tracfin les informations relatives aux transferts effectifs, son supérieur direct l'a enjoint, oralement, de ne plus effectuer d'opérations liées aux comptes de Jérôme Cahuzac. L'ancien agent s'est inquiété de cette situation, de même, a-t-il dit à l'audience, du fait que l'ensemble de ces informations ne faisait pas l'objet d'un signalement au parquet.

A l'audience, le procureur, Annabelle Philippe, a souligné que, dès le 2 avril, M. Cahuzac avait indiqué publiquement qu'il rapatrierait ces fonds en France. L'information n'était donc plus confidentielle et ne risquait pas d'échapper à l'autorité judiciaire, a-t-elle estimé, ce qui était la principale préoccupation de M. Thérondel. L'ancien agent, qui a quitté depuis Tracfin pour rejoindre la direction des douanes, a admis ne pas avoir été au courant que l'information était publique, mais a plaidé la bonne foi. « Mon seul motif, quand j'ai fait ces blogs, c'était m'assurer que la justice avait bien l'information ».

Signalement d'un « conseiller présidentiel » en 2010

Se présentant comme un lanceur d'alerte, il a également justifié son geste par la constatation préalable de plusieurs dysfonctionnements. Il a notamment dit avoir signalé, en 2010, le rapatriment de 100.000 dollars depuis le Panama par un « conseiller présidentiel », ce qui lui avait valu, selon lui, une réprimande de sa hiérarchie. « On a essayé de comprendre ce quelque chose de grave que M. Thérondel a voulu signaler. J'avoue que je n'ai toujours pas compris », a dit Mme Philippe, qui a requis, outre la peine avec sursis, une amende de 1.000 euros.

« Cette affaire fait énormément de mal au service », a assuré, à l'audience, le directeur de Tracfin, Jean-Baptiste Carpentier, pour qui M. Thérondel « remet en cause la loyauté de l'ensemble de ses agents ». « Oui, il y a une anomalie considérable qui n'a échappé à personne, sauf à vous », a affirmé le conseil de M. Thérondel, Me William Bourdon, soulignant que trois semaines s'étaient écoulées entre le signalement à Tracfin et la transmission de l'information à l'autorité judiciaire.

« C'est un dysfonctionnement majeur », a-t-il martelé, rappelant les états de service immaculés de M. Thérondel, qui avait donné toute satisfaction lors de ses neuf années à Tracfin. Il a concédé « une couche fantasmatique et peut-être de rêverie » dans son interprétation des faits, qui ne devait pas remettre en cause, pour autant, « l'intensité de sa sincérité ».

La décision a été mise en délibéré au 16 mai.