Aujourd'hui, si vous êtes salarié du privé, quand vous partez à la retraite à taux plein, vous subissez une décote de 10% sur votre pension complémentaire Agirc-Arrco. Décote temporaire, pendant 3 ans. Sauf si vous acceptez de travailler un an de plus. Fortement décrié, ce malus a toutes les chances de sauter à l'occasion de l'entrée en vigueur de la réforme des retraites. Mais il faut un accord entre patronat et syndicats. Ce que l'on sait du devenir du malus Agirc-Arrco, en 3 questions.

1 - Malus Agirc-Arrco : c'est quoi ?

Age légal, taux plein, décote temporaire... Quand vous êtes encore loin de l'âge de la retraite, ces termes ont tout du jargon indécodable. L'âge légal c'est - sauf carrière longue - l'âge à partir duquel vous avez le droit de prendre votre retraite : 62 ans aujourd'hui, bientôt et progressivement 64 ans avec la réforme des retraites.

L'âge du taux plein, c'est non seulement quand vous avez dépassé l'âge légal mais aussi cotisé ou validé suffisamment de trimestres pour partir à taux plein (« carrière complète »), donc sans décote sur la pension de base.

Pour la pension complémentaire Agirc-Arrco, atteindre l'âge du taux plein n'est à ce jour pas suffisant. Si vous partez à taux plein, il vous faut travailler un an de plus pour éviter la « minoration de 10% », ou encore « coefficient de solidarité » : le malus spécifique au régime Agirc-Arrco. Ce malus de 10% est temporaire : il s'applique pendant 3 ans au maximum, et s'arrête dans tous les cas à 67 ans, même si les 3 ans évoqués ne sont pas écoulés.

Exemple. Nadia est née en janvier 1961. Son âge légal de départ est de 62 ans. Elle a commencé à travailler à environ 23 ans et n'a pas d'enfants : elle atteindra l'âge du taux plein à 65 ans, quand elle aura accumulé 168 trimestres (42 ans). Sa future retraite : 1 500 euros, dont 500 euros de complémentaire. Et, en l'état, elle devra attendre ses 66 ans pour partir avec une complémentaire sans décote. Si elle part à 65 ans, sa pension Agirc-Arrco sera temporairement de 450 euros par effet du malus, avant de revenir à 500 euros à ses 67 ans.

Agirc-Arrco : « Je pars à la retraite. Pourquoi je perds 10% sur ma complémentaire ? »

2 - Pourquoi est-il remis en cause par la réforme ?

Le malus va-t-il survivre à la réforme ? La question se pose depuis plusieurs semaines. Car l'Etat ne gère pas l'Agirc-Arrco : ce sont les partenaires sociaux, syndicats de salariés et organisations patronales (1), qui pilotent ce régime complémentaire aux plus de 13 millions de pensionnés... et qui vont donc décider du sort du malus de 10%.

Mais deux arguments mettent à mal ce malus. Le premier : la réforme repousse l'âge de départ. Face à ce constat, ce malus censé vous inciter à travailler plus longtemps a-t-il encore une raison d'être avec un âge légal à 64 ans ? Deuxième argument : selon nos informations, le gain financier du malus pour les comptes de l'Agirc-Arrco est quasi nul. De nouveaux chiffres doivent venir documenter la rentabilité de ce dispositif mais, selon nos informations, l'incitation est peu efficace : le malus temporaire n'empêcherait pas (ou peu) ceux qui ont décidé de partir à l'âge du taux plein de faire valoir leurs droits à la retraite.

Des discussions au point mort entre patronat et syndicats

L'accord national interprofessionnel (ANI) sur la complémentaire Agirc-Arrco aurait dû être renouvelé début 2023. Le dernier accord vaut en effet théoriquement pour la période 2019-2022. En théorie, un nouvel ANI devait intervenir début 2023. Face à l'imminence d'une réforme des retraites, les partenaires sociaux se sont accordés voici quelques mois pour discuter du nouvel ANI une fois le dossier réforme des retraites bouclé. Sauf que ce dossier douloureux a du mal à se refermer...

Les discussions devaient s'ouvrir en juin mais « la négociation n'a pas encore démarré », glisse la CPME. C'est encore « un peu tôt » pour se prononcer sur le malus de 10%, entend-t-on du côté du Medef. « Nous notre priorité c'est la réforme des retraites : elle conditionne tout », affirme Régis Mezzasalma, conseiller technique CGT à l'Agirc-Arrco, avant d'ajouter : « mais le patronat n'est pas pressé non plus d'ouvrir les discussions ».

Patronat et syndicats se rejettent la responsabilité de discussions au point mort. Mais certains regrettent ouvertement ce délai inattendu, à l'image de Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO notamment en charge des retraites. Il craint que les discussions soient renvoyées en « septembre », alors qu'il aimerait éviter d'expédier ces négociations à la va-vite.

Investissez dans l'immobilier dès 1 000 €. Notre palmarès des meilleures SCPI

3 - Quand les partenaires sociaux vont-ils trancher sur le sort de ce malus de 10% ?

Pas besoin d'être devin pour connaître le sort du malus Agirc-Arrco : un quasi consensus - côté syndicats et patronat - se construit autour d'une disparition de la minoration temporaire de 10%. A ce stade, un maintien du malus de 10% après l'application de la réforme des retraites serait une immense surprise. Seul suspense : savoir si le bonus (dispositif inverse, d'une pension complémentaire bonifiée si vous travaillez 2 ans de plus après le taux plein) est maintenu, lui.

Mais le flou demeure sur le moment où les partenaires sociaux se mettront d'accord. Selon nos informations, un premier échange informel s'est tenu en début de semaine. Un nouvel échange doit avoir lieu fin juin, en vue de discussions plus formelles en septembre avant de dresser un nouvel accord national interprofessionnel Agirc-Arrco.

« On peut pas rester sur l'ancien accord ! »

Les véritables négocations pour établir un nouvel ANI s'ouvriront-elles fin juin ? Ou en septembre ? Ou in extremis en octobre ? Suspense. Sans nouvel accord, ce sont les règles actuelles - dont le malus de 10% - qui continueront de s'appliquer. Or, « on peut pas rester sur l'ancien accord ! » tonne Michel Beaugas : « On veut nous repousser la négociation pour être dans l'urgence. » Car l'échéance est la prochaine revalorisation de la pension complémentaire Agirc-Arrco, au 1er novembre 2023. La décision sur la revalorisation doit intervenir début octobre.

En clair : les partenaires sociaux vont devoir se mettre d'accord d'ici la fin septembre ou début octobre sur l'accord Agirc-Arrco. Le sort du malus de 10% pourrait donc se décider en septembre 2023, peu après la désormais quasi inévitable entrée en vigueur de la réforme des retraites.

Les autres dossiers chauds au menu de l'accord Agirc-Arrco

La question du malus de 10% n'est pas le plus incertain des multiples points au menu de l'accord paritaire entre syndicats et patronat sur l'Agirc-Arrco. Les partenaires sociaux devront aussi se décider sur la gouvernance du régime complémentaire ou les règles de revalorisation de la pension complémentaire.

L'évolution annuelle du point Agirc-Arrco doit-elle être indexée sur l'inflation ? Les salaires (2) ? En conservant une marge permettant de minorer cette revalorisation comme aujourd'hui ? Michel Beaugas, de Force ouvrière, plaide pour mettre fin à cette marge, pour une indexation plus automatique. Et « il ne faut pas oublier la question du rattrapage des revalorisations dégradées depuis pas mal d'années », ajoute Régis Mezzasalma, en faisant référence à la très bonne santé financière du régime Agirc-Arrco.

Toute l'actualité de la réforme des retraites

(1) Medef, CPME, U2P ; et CFDT, CFE-CGC, FO et CGT (seul syndicat non signataire de l'accord de 2019).

(2) Sur la base du salaire moyen par tête (SMPT), l'un des deux éléments pris en compte pour calculer la revalorisation actuellement, avec l'inflation.