INFO MONEYVOX. Dans un premier temps, c'est à votre banque ou ancienne banque (ou assureur, ou gestionnaire d'épargne salariale) de tenter de vous signaler cet argent oublié. Puis, au bout de quelques années, vous pouvez tenter votre chance sur Ciclade.fr. Mais au bout de 30 ans, l'État empoche le magot. Alors... combien ?

« Ceinture et bretelles », pour reprendre une expression éculée de l'univers financier : si vous oubliez un vieux livret d'épargne, un vieux compte, un plan d'épargne salariale ou si vous oubliez de réclamer les derniers deniers d'un aïeul décédé, la loi Eckert est censée vous offrir une double voire triple session de rattrapage pour vous éviter de voir votre argent devenir définitivement inaccessible.

En bref, rappelons que la banque ou l'assureur doit d'abord chercher à vous contacter puis, au bout de 10 ans d'inactivité (3 ans suite à un décès) les sommes non réclamées vont à la Caisse des dépôts, qui vous propose de les récupérer via Cicalde.fr. Au bout du bout de cette chaîne de rattrapage, après 30 ans d'inactivité constatée, donc 30 ans sans que personne ne se manifeste... alors l'État ramasse la mise !

« Une fois reversés à l'État, il n'est plus possible de demander la restitution des avoirs », rappelle la Caisse des dépôts et consignations (CDC) sur son site Ciclade. Ce délai total de 30 ans vaut pour tous les comptes ou placements oubliés et non réclamés : 30 ans après le décès du titulaire, ou 30 ans depuis la dernière opération en date sur le compte (hors versement d'intérêts annuels), conformément à la loi « Eckert » - du nom de Christian Eckert, ex secrétaire d'Etat chargé du Budget - du 13 juin 2014 et en vigueur depuis juillet 2016.

Plus de 400 millions d'euros reversés à l'État... pour des milliards d'euros oubliés

Une manne cachée ? Un jackpot pour l'État ? Pas vraiment, si l'on s'en tient à l'argent déjà reversé à l'État depuis la mise en place du dispositif Ciclade en application de la loi Eckert. Plus de 400 millions d'euros ont fini dans les caisses de l'État, et ne pourront définitivement plus être réclamés par les ayants droits. C'est à ce jour le montant des aides accordées en 2024 aux agriculteurs pour tenter de calmer leur colère.

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Mais ces 400 millions d'euros sont une grosse goutte d'eau à ce stade bien face aux 8,4 milliards d'euros transférés à la Caisse des dépôts par les banques, assureurs et gestionnaires d'épargne salariale depuis 2017. Et cela reste moins que les 838,7 millions d'euros restitués aux ayants droits en 7 ans d'existence de Ciclade. A condition de ne pas laisser passer votre dernière session de rattrapage...

Combien d'épargne oubliée a fini dans les caisses de l'État depuis 2017 ?
Où va d'argent oublié ?Combien ?
Reçu par la Caisse des dépôts
(après 10 ans, le plus souvent, chez la banque ou l'assureur)
8,4 milliards d'euros
Restitué aux particuliers se manifestant via Ciclade.fr838,7 millions d'euros
Argent « oublié » actuellement disponible à la Caisse des dépôts7 milliards d'euros
Reversé définitivement à l'État
(si la période totale d'inactivité des comptes ou contrats dépasse 30 ans)
Plus de 400 millions d'euros

Source : Caisse des dépôts. Chiffres à fin 2023, sur la période 2017-2023, puisque le portail Ciclade a été mis en place en 2017 suite à la loi Eckert en vigueur depuis juillet 2016.

« La prescription trentenaire existait déjà dans le droit romain »

Et avant Ciclade ? Où allait l'argent oublié ?

Version courte : les banques et assureurs faisaient un peu ce qu'ils voulaient. Version longue : avant la loi Eckert, c'est une loi vieille de 1977 qui prévalait. Les comptes sans mouvements pouvaient être clôturés d'office au bout de 10 ans et transférés à la Caisse des dépôts. Mais sans que cela soit une obligation. En revanche, le principe de fonds reversés à l'État au bout de 30 ans existait déjà dans la loi : cet argent était acquis à l'Etat « lorsque ces dépôts ou avoirs n'ont fait l'objet de la part des ayants droit d'aucune opération ou réclamation depuis 30 années ».

Si la loi Eckert et Ciclade ont mis de l'ordre dans la récupération des avoirs avant le délai de 30 ans, cette prescription trentenaire s'applique théoriquement depuis des siècles ! « La prescription trentenaire existait déjà dans le droit romain », lit-on dans un rapport de la Cour des comptes de 2013, donc rédigé avant la loi Eckert : ce rapport insistait sur les « difficultés de mise en œuvre des dispositions relatives à la prescription trentenaire », en évoquant notamment des banques considèrant que le versement des intérêts annuels comme un mouvement... Ce qui permettait de conserver ces livrets oubliés pendant une éternité.