15 ans après l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence, les offres alternatives au « tarif bleu » d'EDF n'ont pas vraiment trouvé leur public. Fort de ce constat, l'association de consommateur CLCV demande la fin de ce système dès 2025 en plaidant pour un retour au monopole de distribution d'EDF. Explications avec le directeur général de la CLCV, François Carlier.

François Carlier, pourquoi ce plaidoyer de la CLCV pour un retour au monopole de distribution de l’électricité en 2025 ?

François Carlier : « Parce que l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence est un pari raté. Cet échec n’est pas imputable qu’aux fournisseurs alternatifs, ils n’ont simplement pas eu les moyens de s’imposer. Il n’existait presque aucune marge de manœuvre par rapport à ce que l'on a pu le voir dans les télécoms. Car il n’y a pas de rupture technologique possible avec l’électricité. Nous devons en tirer les leçons avant 2025 et la fin de la période transitoire fixée par l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique, dit l’Arenh, qui met à disposition de la concurrence un tiers de sa production au prix de 42 euros du mégawattheure.

Aujourd’hui EDF utilise les centrales nucléaires et centralise, via Enedis et RTE, la distribution de l’électricité aux alternatifs, la concurrence est donc impossible car le partage est décidé en amont. Selon la loi Nome de 2011, les fournisseurs devaient disposer de leurs infrastructures en 2025 et rien n’a été fait. On augmente les tarifs réglementés pour faire vivre une concurrence qui n'existe pas. L’Autorité de la concurrence a émis un avis négatif contre une hausse des tarifs de 6% décidée en 2019. »

« On augmente les tarifs réglementés pour faire vivre une concurrence qui n'existe pas »

2025, c’est demain. Quand une décision sera-t-elle prise ?

F.C. : « Les discussions sont intenses en ce moment à la Commission européenne, au sein du gouvernement ou au Sénat, où j’ai été auditionné encore cette semaine. Pour le moment les prises de positions publiques sont prudentes et chacun cache son jeu. L'avenir de la concurrence, via l’Arenh, et le projet Hercule, qui réforme EDF mais suscite de fortes hostilités, sont intimement liés. Tout tourne autour de la question de la libéralisation du marché de l’électricité et de l’avenir d’EDF. Certains acteurs sortent du bois et des tribunes opposées à Hercule se sont multipliées, surtout à gauche de l'échiquier politique.

Par ce plaidoyer et cette prise de position, nous considérerons, à la CLCV, prendre part au débat qui se joue en ce moment. Trouver une solution avant 2025, est une obligation. »

Hausse des tarifs EDF : pourquoi votre facture d'électricité explose malgré la concurrence

Que répondez-vous à ceux qui estiment que la France est engagée par les traités et les directives signés à l’échelle européenne ?

« Nous ne respectons déjà pas les traités européens »

F.C. : « De fait, nous ne respectons déjà pas les traités européens puisque le partage de l’électricité est décidé à l’avance. Le traité de Rome de 2001 parle de libre concurrence. Or, la concurrence du marché de l’électricité en France est bancale dès le départ. Même si on peut l’entendre, on use d’un dispositif anticoncurrentiel - une entente préalable - pour instaurer la concurrence. Ce coup de pouce dure depuis 14 ans, nous devons y mettre un terme. »

Comment peut s’organiser le retour des 10 millions de clients particuliers (plus 3 millions d’entreprises) vers le fournisseur historique ?

F.C. : « Sur le principe nous sommes favorables à une vraie concurrence dès 2025 mais nous croyons qu’une écrasante majorité des alternatifs [43 en France aujourd'hui, NDLR] stopperont leur activité si c’est le cas. Nous nous sommes demandés pourquoi les consommateurs vont chez les alternatifs pour un gain estimé de 6%, sur le prix du kilowatteur. Nous ne voulons pas leur tourner le dos mais nous observons que pour quelques satisfaits, les plaintes pour pratiques commerciales agressives se multiplient. Ce constat confirme le manque d’espace disponible pour les fournisseurs alternatifs et nous pousse à nous positionner contre ces offres de marché. D’autant que les clients aux tarifs réglementés restent encore largement la majorité. »