Vous faites partie des dizaines de milliers d’épargnants ayant placé des billes sur les huit fonds H2O suspendus depuis la fin août ? Votre argent est bloqué pour « 4 semaines », voire plus… Ce qu’il faut savoir.

1 – Pourquoi ces 8 fonds sont-ils suspendus ?

Coup de tonnerre le vendredi 28 août : la société de gestion H2O Asset Management annonce que le gendarme financier, l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’a contraint à suspendre tout mouvement (dépôts et retraits) sur les fonds H2O Allegro, H2O MultiBonds et H2O MultiStrategies. Motif : « préserver les intérêts des porteurs de parts », pour reprendre le communiqué de l’AMF. La société de gestion H2O explique elle dans son communiqué du 28 août que la décision de l’AMF fait suite à des « incertitudes de valorisation ». En cause : de trop nombreux titres privés, illiquides, trop difficiles à vendre actuellement, ce qui porte le niveau de titres illiquides à un niveau trop élévé pour de tels fonds d’investissement du point de vue de l’AMF.

Surprise, H2O AM annonce suspendre par la même occasion cinq autres fonds : H2O Adagio, Moderato, MultiEquities, Vivace ainsi que le FIA H2O Deep Value. La société de gestion reconnaît ainsi que ces 5 fonds sont concernés par le même problème d’illiquidité, H2O AM précisant que tous ses autres fonds ne sont pas concernés par ces difficultés. Réaction de l’AMF à la suspension de ces 5 autres fonds : elle « prend acte » et assure qu’elle veillera « à ce que les prochaines étapes se déroulent dans l’intérêt des porteurs de parts ».

2 – Qui possède ces fonds, et pourquoi ?

Les fonds de H2O AM, qui ont en temps normal l’avantage d’afficher des rendements élevés, font partie des supports en unités de compte (UC) régulièrement proposés par les conseillers en gestion de patrimoine à leurs clients détenteurs d’assurance vie. Ils sont aussi commercialisés par les réseaux bancaires, les banques en ligne et courtiers d’épargne en ligne, toujours via l’assurance vie, mais pour des montants moins importants.

Un second communiqué, diffusé le 4 septembre, détaille les sommes investis sur les huit fonds suspendus, H2O Adagio et MultiBonds étant très clairement les plus fournis, avec environ 3,5 milliards d’euros chacun. En tout, près de 10 milliards d’euros sont actuellement bloqués.

Les assureurs, banques et conseillers en gestion de patrimoine se font discrets, mais quelques acteurs acceptent de se montrer transparents sur le sujet. Mathieu Ramadier, directeur général délégué de Mes-placements.fr, précise ainsi que, sur les 1,4 milliard d’euros d’encours sous gestion par ce courtier en ligne, 10 millions d’euros sont gérés par H2O AM : « Sur nos plus de 30 000 clients, environ un millier sont concernés ». Parmi les quelques assureurs interrogés par MoneyVox, seul Suravenir a répondu, l’assureur confiant que 20 000 clients environ sont touchés (pour des montants plus ou moins élevés) par cette suspension.

3 - Votre argent est-il vraiment bloqué, même en cas de besoin ?

Oui, tous les mouvements sont suspendus, y compris les demandes de retraits ou d’arbitrages. Si vous aviez mis en place des versements programmés sur les fonds de H2O, Suravenir précise dans un communiqué : « La partie des versements programmés affectée à un ou plusieurs fonds précités, va être réorientée vers le fonds en euros Actif général / Suravenir Rendement du contrat. » Pas de nouveaux versements non plus, donc, même s’ils sont programmés.

Pour cette suspension, la société de gestion a activé une mesure de la loi Sapin 2, en vigueur depuis la fin 2016. Cette mesure permet à un assureur de suspendre les rachats (c’est-à-dire les retraits) sur un support en UC si le fonds en question fait l’objet d’une incertitude de valorisation.

Plus d’infos : Peut-on vous empêcher de récupérer l’argent présent sur votre assurance vie ?

4 – Que vont devenir les fonds H2O ?

H2O Asset Management cherche désormais à dupliquer chacun de ses fonds. La part illiquide va être isolée et rester dans les fonds actuels, lesquels seront « cantonnés » et ensuite gérés à part. La société de gestion va ainsi créer un nouveau fonds (OPCVM) pour chacun des supports, en y transférant la partie « liquide ». Ces nouveaux fonds doivent toutefois « faire l’objet d’un agrément », comme le précise l’AMF dans son communiqué fin août. Une fois ces étapes passées, la cotation pourra reprendre et, théoriquement, les épargnants pourront retirer leur argent s’ils le souhaitent. La liberté de mouvements ne sera toutefois réelle que pour les nouveaux fonds, les supports « liquides ». Les fonds cantonnés avec des titres illiquides seront gérés et vendus à travers un calendrier parallèle, le principal contrat de « titres privés » devant prendre fin en juin 2021.

5 – Quand votre argent sera-t-il débloqué ?

La société de gestion a livré un calendrier indicatif dès la fin août : « environ quatre semaines ». Déjà trois semaines se sont écoulées et les observateurs sont assez sceptiques quant à ce délai. Dans le dernier communiqué d'H2O AM, daté du 16 septembre, la société de gestion détaille le processus en cours et ajoute : « Nous vous ferons parvenir très rapidement d’autres informations, notamment concernant le calendrier. »

La loi prévoit-elle une durée de blocage maximale ? Non, répond l’avocate spécialisée dans la défense des épargnants Hélène Feron-Poloni : « Il n’y a a priori pas de délai maximal ; la suspension prend fin soit avec la reprise de cotation du fonds, soit avec la création du nouvel OPCVM. La suspension de cotation peut devenir définitive. Toutefois si l’ACPR (1) retoque une décision de suspension ou de restriction des rachats et arbitrages prise par une compagnie d’assurances, cette dernière devra passer les ordres à la valeur liquidative qui aurait été retenue si elle ne les avait pas indûment bloqués. »

6 – Comment faut-il réagir ?

C’est à chaque épargnant de décider ce qu’il doit faire ! Suite à cet épisode, de nombreux investisseurs vont probablement souhaiter vendre ces fonds. Mathieu Ramadier, de Mes-placements.fr, ne livre pas lui-même d'avis mais ce courtier en ligne fait appel aux recommandations d’EOS Allocations : « Cette société de conseil en allocations d’actifs indépendante estime que le cours des fonds concernés par la suspension va baisser », reconnaît Mathieu Ramadier. Sur cette base, les épargnants qui veulent se séparer de leurs fonds H2O ont intérêt à vendre dès que ce sera possible.

7 – Quelle sera leur valeur à la fin de la suspension ?

Si un assuré demande à son assureur d’effectuer un retrait sur l’un des fonds H2O concerné, l’opération ne pourra être effectuée qu’à la reprise de la cotation. A quelle valeur la vente de votre investissement sur le ou les fonds H2O sera-t-elle effectuée : la valeur actuelle, la valeur du jour du déblocage, ou la valeur au moment où l’opération sera effectivement réalisée par l’assureur, certaines opérations nécessitant toujours un délai de traitement ?

« Nous procéderons à la réalisation de l’opération dès lors qu’une valeur de part nous sera communiquée », explique de façon succinte Generali dans un communiqué diffusé le 2 septembre. Sollicité par MoneyVox, Suravenir livre de plus amples détails : « Les opérations sont toujours valorisés à la prochaine valeur liquidative disponible. Les demandes sur les fonds H2O seront donc valorisées à la première valeur liquidative émise par H2O suite au déblocage. » Mais attention : regardez bien les conditions générales de votre assurance vie, puisque certaines sont plus ou moins précises sur les « dates de valeur ».

8 – En cas de préjudice, qui attaquer et pourquoi ?

« C’est à la reprise de la cotation que l’on verra s’il y a un préjudice pour les épargnants », insiste Me Hélène Feron-Poloni. Si le cours des fonds suspendus s'écroule, là, les clients pourront s'estimer lésés. Mais qui attaquer en justice, et pour quel motif ? « Les premières alertes relatives à la gestion de H2O datent de juin 2019, rappelle l’avocate. Si vous avez investi sur les fonds concernés avant ces premiers doutes, la preuve du caractère ruineux de leurs investissements ne sera pas facile à apporter. En revanche, si on vous a conseillé d’investir après juin 2019, en cas de préjudice, vous pourrez poursuivre l’assureur et éventuellement le conseiller financier ! En effet, qui est mieux placé que la compagnie d’assurance pour avoir une connaissance aigüe des fonds qui vont servir d’unité de compte ? Les assureurs référencent mais aussi déréférencent les fonds ! Ils veillent donc à leur fiabilité. »

(1) Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.