La négociation salariale abordée lors de l'entretien annuel tourne souvent autour de l'augmentation. Mais attention à ne pas négliger les nombreux à-côtés. De la prime au télétravail régulier, ils peuvent avoir un impact bien plus important sur votre quotidien qu'un « petit » pourcentage d'augmentation. Revue de 5 avantages à ne pas négliger.

Les augmentations de salaire, ce n'est pas forcément « tous les ans », comme le souligne Luc Mathieu, secrétaire national de la CFDT : « Le plus courant, c'est tous les 2 ou 3 ans. » Vous avez été déçu d'être passé à côté cette année ? Ou pas au niveau de ce que vous espériez ? A l'occasion de l'entretien annuel ou en dehors de ce cadre formel, d'autres avantages peuvent être évoqués. Or, Franck Chéron, associé chez Deloitte, insiste sur l'importance de la négociation des à-côtés : « Du point de vue du salarié, négocier sur des aspects tels que le télétravail, le transport, les horaires, les tickets resto ou les congés, ce n'est pas à négliger : la négociation annuelle de rémunération vous permet de vous projeter à un 1 an, alors que les conditions de travail s'entendent sur 3, 4 ou 5 ans... »

1 - Télétravail (hors crise sanitaire)

« L'inflation n'est que la pointe de l'iceberg », explique Franck Chéron, interrogé sur les augmentations à réclamer face à une inflation à 2,8%. Ce spécialiste du conseil en ressources humaines juge que la crise sanitaire du Covid-19 a provoqué d'autres bouleversements : « Restructurations, recours au digital, choix entre salariat et prestataires, etc. » Parmi ces bouleversements, la part du télétravail. Contraint pour nombre de salariés lors des confinements ou autres périodes de restrictions, le télétravail s'est tout de même ancré dans une foule de métiers. D'où cette question posée par Franck Chéron : « Au-delà du chiffre [de l'augmentation annuelle], qu'est-ce que l'on apporte en plus pour que les gens aient une vie meilleure ? L'organisation du travail est longtemps passée à la trappe. Ce n'est plus le cas face à la crise sanitaire ! »

Plus concrètement, quelle négociation existe sur le télétravail ? Une possible régularité, en nombre de jours par semaine ou par mois, hors période de crise, évidemment. Mais l'organisation du travail évoquée par Franck Chéron passe aussi par la souplesse des horaires. Ou par un accord d'entreprise sur la prise en charge de frais liés au télétravail. Mi-novembre, une proposition de loi de la députée LREM Frédérique Lardet a eu un véritable écho médiatique sur ce sujet. Objectif : créer un « titre-télétravail » de 600 euros maximum par an, un forfait défiscalisé sur le modèle des titres repas pour prendre en charge les frais du télétravail à domicile (électricité, internet, fournitures, etc.) ou d'accès à un lieu de coworking. Passera-t-elle ? Zéro suspense. Renvoyée en commission des affaires sociales de l'Assemblée, cette proposition de loi ne passera pas avant la fin du quinquennat, puisque la session parlementaire s'achève fin février. L'existence de cette proposition de loi montre que la négociation peut exister sur le recours régulier au télétravail et sur son indemnisation par l'employeur.

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2 – Tickets resto

Parmi les « accessoires au salaire » à négocier, le syndicaliste CFDT Luc Mathieu cite sans surprise les primes variables ou l'intéressement « mais aussi les titres-restaurant ».

Une négociation collective, évidemment, pour cet avantage d'entreprise. Le meilleur moyen de préparer une négociation sur le montant des titres-restaurant est de comparer : le montant moyen, au niveau national, est de 7,70 euros selon la Commission nationale des titres restaurants (CNTR). Mais le montant est plus élevé dans les métropoles et en particulier à Paris. Autre élément d'analyse pertinent, le plafond d'exonération de cotisations sociales pour employeur est de 5,55 euros. Ainsi, quand l'employeur prend en charge 50% du titre, la valeur maximum du ticket est de 11,10 euros pour entrer dans ce cadre fiscal.

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3 – Indemnités de transport

Dans la même veine que le « ticket resto » mais bien moins connu : le titre-mobilité, en vigueur depuis le 1er janvier 2022. Inspiré du titre-restaurant, ce nouveau titre est destiné à prendre le relais de l'indemnité kilométrique vélo, elle-même remplacée récemment par le forfait mobilités durables. Le principe est le même : une prise en charge ou indemnité défiscalisée – pour l'employé et l'employeur - couvrant des frais de transport domicile-travail. A condition évidemment que le moyen de transport soit respectueux de l'environnement : vélo, vélo électrique, covoiturage, voiture électrique, transports en commun, etc. Au-delà de l'indemnité forfaitaire qui existait déjà, ce titre-mobilité permet en outre de régler certaines dépenses telles que l'assurance, l'entretien du vélo, le carburant, etc. « Cette prise en charge est exonérée de charges sociale et d'impôt sur le revenu jusqu'à 600 euros par an par salarié, s'il est cumulé avec le remboursement partiel d'un abonnement de transport collectif ou de vélo en libre-service », précise le ministère de la Transition énergétique.

Si votre employeur ne s'est pas encore converti au titre-mobilité, vous pouvez évidemment toujours négocier une prise en charge – facultative – du transport personnel. Pour rappel, la prise en charge de 50% du transport public est obligatoire.

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4 – Épargne salariale

Un autre dossier qui passe par une négociation collective : les dispositifs de partage des profits. D'un côté la participation est un mécanisme obligatoire, avec une règle de calcul fixe, dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés. De l'autre côté l'intéressement, facultatif, quelle que soit la taille de l'entreprise, avec une prime annuelle partagée entre les salariés quand les objectifs fixés dans l'accord sont atteints.

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Si un accord est déjà en place, vous pouvez aussi négocier la mise en place d'un abondement de l'employeur pour tout versement volontaire sur le Plan d'épargne entreprise (PEE) ou Plan d'épargne retraite collectif. Et si le PEE mis à disposition par l'employeur est décevant, vous pouvez l'inciter à réclamer de meilleures options au gestionnaire du plan.

Souvent vue comme un simple bonus, l'épargne salariale ne doit pas être négligée. Mine de rien, à force d'être alimentée par la participation et l'intéressement, elle est la troisième grande famille d'épargne en France.

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5 – Prime variable et prime Macron...

« Le salaire, c'est aussi la rémunération variable », souligne Luc Mathieu, secrétaire national de la CFDT. Un levier à utiliser quand l'employeur rechigne à bonifier le salaire fixe : « La prime ou la part variable, c'est la récompense de la performance », nuance Franck Chéron, pour signifier la particularité de la rémunération variable. Des primes qui sont donc décidées au niveau individuel, sauf en cas de grille collective pour ces primes variables.

Les primes peuvent toutefois être un levier à la disposition d'un employeur dans l'impossibilité d'augmenter le salaire fixe de ses salariés. « Les sociétés en crise vont peut-être proposer une augmentation limitée en privilégiant, en parallèle ou pour compenser l'absence d'augmentation, des primes de type PEPA », expliquait en décembre 2021 Franck Chéron, expert RH chez Deloitte, en référence aux augmentations de salaire 2022. Deloitte estime le montant médian de cette prime PEPA ou « prime Macron » à 600 euros. Totalement défiscalisée, elle peut grimper à 1 000 euros, et même 2 000 euros dans les sociétés ayant mis en place un accord d'intéressement. Date limite de versement de la prime Macron 2021 : le 31 mars 2022. Dernière ligne droite pour négocier !

Mutuelle, formation, congés...

« Les négociations annuelles doivent porter sur le quantitatif [le salaire, NDLR], certes, mais aussi sur le qualitatif », relève Franck Chéron, de Deloitte, qui liste « la formation, comment faire évoluer son activité, etc. » Ou encore les congés et RTT dans le cadre global « d'organisation du travail ». Sans oublier la négociation collective pour obtenir la meilleure mutuelle d'entreprise possible (voire une prise en charge généreuse). Luc Mathieu, de la CFDT, cite aussi la « rémunération différée » que peut représenter un « régime supplémentaire de retraite ».

« Oui les à-côtés sont importants », reconnaît Jérôme Blanc, senior manager au cabinet de recrutement Robert Half, tout en rappelant ce qu'il considère comme l'essentiel : « Cela reste des goodies qui doivent être associés à une rémunération, fixe ou variable, considérée comme juste. Et il faut que les avantages correspondent réellement aux besoins des différentes équipes. »