Le Haut conseil des finances publiques (HCFP) a fustigé mercredi le projet de budget 2022 du gouvernement, se disant incapable de rendre un avis « pleinement éclairé », car des « mesures d'ampleur » prévues par le gouvernement n'ont pas été intégrées au document transmis à l'instance indépendante.

« Le Haut conseil regrette ces conditions de saisine », indique-t-il dans son avis, ajoutant qu'il « n'est pas à ce stade en mesure de se prononcer sur la plausibilité de la prévision de déficit pour 2022 (-4,8 points de PIB) ». C'est la première fois depuis 2016, et le dernier budget du quinquennat de François Hollande, que le HCFP est aussi sévère avec un projet de loi de finances. « Pour 2022, le conseil a été saisi sur une base d'informations incomplètes. Faute d'information, le conseil ne peut pas à ce stade, se prononcer sur le solde public de 2022 », a souligné le président du HCFP et premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, en audition à l'Assemblée nationale mercredi matin.

Le projet de texte que le gouvernement doit adopter en conseil des ministres mercredi n'inclut pas en effet le plan d'investissement et le revenu d'engagement pour les jeunes, sur lesquels travaillent encore l'exécutif, et qui devraient représenter plusieurs milliards d'euros de dépenses supplémentaires. « Si, comme il est vraisemblable, le scénario macroéconomique et de finances publiques était modifié pour prendre en compte ces mesures, une nouvelle saisine du Haut conseil par le gouvernement serait alors nécessaire », prévient le HCFP.

Sur le front des recettes, l'organe indépendant chargé d'évaluer la crédibilité des prévisions budgétaires du gouvernement juge « prudente » la prévision de croissance du gouvernement de 6% pour 2021, ce qui laisse présager davantage de rentrées si l'économie fait mieux. Il estime par ailleurs « plausible » la prévision de 4% de croissance pour 2022. Néanmoins, les prévisions d'emploi pour 2021 et 2022 sont jugées « trop basses » au regard de l'amélioration de la situation économique, selon le Haut conseil.

« En 2022, la prévision de recettes et celle de dépenses sont très vraisemblablement sous-estimées », résume le HCFP. A ce stade, le gouvernement prévoit une baisse de l'ensemble des dépenses de l'État de 34,5 milliards d'euros (-7,9%) du fait de la diminution des dépenses de soutien d'urgence et de relance. Mais les dépenses dites « pilotables », qui correspondent aux actions des ministères, augmenteront elles de près de 12 milliards d'euros.

Les dépenses publiques s'envolent

Les dépenses publiques représenteraient 55,6% du produit intérieur brut (PIB) en 2022 selon le gouvernement, soit « près de deux points au-dessus (du) niveau de 2019 », et cela sans compter le plan d'investissement et le revenu d'engagement, s'inquiète le Haut conseil.

« La dette a augmenté de 17 points depuis 2019, c'est une situation inédite de finances publiques depuis 1945 », a alerté Pierre Moscovici à l'Assemblée mercredi. Étant donné l'endettement public, prévu à environ 114% du PIB en 2022, Pierre Moscovici a estimé qu'il était « essentiel que l'éventuel surplus de recettes ne soit pas immédiatement recyclé dans des dépenses nouvelles mais qu'il soit affecté au désendettement, qui est une priorité ».