Ces particuliers ont sollicité l'aide de l'Etat pour la rénovation énergétique et tout s'est plutôt bien passé jusqu'au moment de toucher l'argent. Là, la machine s'est enrayée, dénoncent les témoignages recueillis par MoneyVox.
« Vous hésitez à rénover car vous n’avez pas la trésorerie ? L’Etat vous dit « allez-y » », clame tout sourire le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire. Selon ce spot promotionnel diffusé sur les réseaux sociaux en septembre, le dispositif MaPrimeRenov' est le nouveau graal écologique et économique, bon à la fois pour la planète et les portefeuilles des Français et des entreprises. Sur le papier, c’est simple : quelques clics sur le site dédié pour détailler les travaux envisagés, transmettre un devis émis par un artisan classifié RGE (reconnue garant de l'environnement) et, à la clé, une fois les travaux terminés, en principe, des primes pouvant grimper jusqu'à 20 000 euros pour les rénovations les plus coûteuses.
Dans les faits, la machine se grippe : dossier 100% en ligne qui complique la tâche de ceux qui maîtrisent mal Internet ou n’y ont pas accès, bugs techniques répétés sur la plate-forme hébergée par l’Agence nationale de l’habitat (Anah) qui reçoit les documents et, surtout, difficultés à percevoir la prime promise quand le dossier ne se perd pas en route. Les ratés de la machine, difficilement quantifiables, sont peut-être à la hauteur de l'engouement du dispositif : plus de 150 000 demandes sur un objectif de 200 000 d'ici la fin de l'année. « Si MaPrimeRenov' connaît des problèmes, c'est qu'elle est victime de son succès » s'est vu répondre un demandeur qui a exposé sa situation à MoneyVox. Il n'est pas le seul.
Début septembre, ils étaient huit à discuter sur un groupe Facebook nommé « MaPrimeRenov’ : le parcours du combattant ». Début décembre, on approche des 1 600 membres. D'abord, c'est un soulagement, celui de ne pas être seul. « Tous, dans notre coin, on a pensé que nous faisions mal les choses, explique Cathy Frigoli, modératrice du groupe avec David Rossi. Mais au final nous suivions tous le même chemin : dépôt du dossier, envoi de devis, évaluation du montant de l’aide puis accord de l’Anah pour engager les travaux et paiement de l’artisan. Problème, la prime ne nous a jamais été versée. Certains sur le groupe sont aujourd’hui interdits bancaires, d’autres ont dû souscrire des prêts de dernière minute quand ce n’est pas le montant de l’aide qui diminue après une réévaluation du dossier, perdu une première fois par l'administration. »
MaPrimeRenov' : les mauvaises surprises de l'aide de l'Etat pour réaliser vos travaux
Covid, RIB erroné et patience
Jean-Sébastien veut changer une vieille chaudière et compte sur près de 1 500 euros d'aide depuis l'accord reçu de MaPrimeRenov' en mai. Et, si le descriptif des travaux entrepris est simple, d'autres points sont plus ardus : « il faut notamment répondre à des questions sur les certificats d'économie d'énergie (CEE), distribués par les fournisseurs et qui complètent la prime. Certains points demandent des compétences techniques pour les évaluer. Surtout, on nous rappelle à chaque étape qu'une fausse information signifie le rejet du dossier », détaille-t-il dans un mail qui reprend son combat à la date près.
Après avoir passé toutes, les étapes, il a demandé le versement de sa prime le 20 août et l'attend toujours. Depuis, il a reçu plusieurs messages évoquant des retards liés à la Covid-19 - argument également avancé par le gouvernement en juilet 2020 en réponse à la question d'un sénateur - des refus de RIB car il mentionnait son nom mais aussi celui de son épouse contrairement à la facture et des injonctions... à attendre. Il dénonce aujourd'hui « un dispositif déshumanisé et une communication mensongère. Je me sens méprisé ».
« On est sur une usine à gaz comme sait le faire l'administration française », regrette G. qui qualifie son expérience de « laborieuse ». Il a effectué les démarches pour sa maman et attend encore de percevoir la prime malgré un accord donné début octobre et des travaux réalisés dans la foulée. Surtout, G. se heurte « à un mur » à chacune de ses relances. Un jeune homme du Mans, engagé dans un projet de rénovation à grande échelle d'environ 40 000 euros hésite lui à se lancer, « refroidi par les critiques ». Il estime pouvoir gagner les « 15% de prime envisagés en mettant en concurrence les artisans. »
Bien que méfiant, il salue la pertinence du conseiller Faire pour Faciliter, Accompagner et Informer pour la Rénovation Énergétique, une antenne local de l'Etat qui renseigne et conseille les personnes interressées. Les seuls interlocuteurs que l'on peut rencontrer en chair et en os avant un marathon numérique.
Une régularisation fin décembre ?
« Le conseiller Faire peut lancer le dossier mais pas en assurer le suivi une fois celui-ci validé. Pareil au numéro indiqué dans l'onglet contact de MaPrimerenov', l’interlocuteur n’a pas accès à nos informations personnelles et ne peut apporter aucune réponse précise », regrette Cathy Frigoli dont la page Facebook regorge de témoignages désabusés, notamment sur le manque de considération accordé aux plaignants. Autre crainte qui surgit : que les dossiers les plus anciens restent sous la pile.
© MoneyVox / SA / Novembre 2020